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Seine-Saint-Denis : le constat très sombre de deux députés

Paru dans Scolaire le lundi 04 juin 2018.

"La population de la Seine-Saint-Denis cumule les difficultés économiques, familiales et culturelles, et présente, de ce fait, les risques d’échec scolaire les plus élevés", constatent les députés François Cornut-Gentille (LR) et Rodrigue Kokouendo (LREM) dans un rapport en date du 31 mai sur "l’action de l’État dans l’exercice de ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis", dont la réalité serait "très éloignée de celle portée par les discours et réponses officiels".

Les auteurs dressent un tableau sombre de l'état de la population : près de 23 % des enfants vivent dans une famille monoparentale (contre 19,5 % en moyenne en France), le taux d’enfants dont le parent de référence est sans diplôme est de 40 %, contre 22 % en moyenne en France, et "près de 44 % des enfants ont des parents immigrés". La population "dispose du plus faible niveau de vie de la France métropolitaine". Ils dénoncent les difficultés que rencontrent les enfants et les jeunes sur le plan scolaire et pointent notamment "l’inefficacité du dispositif de remplacement des absences de courte durée" : Dans le premier degré, le taux d’efficacité de la suppléance devant élèves était de 51 % en 2015-2016, contre 62 % pour le Val-de-Marne et 78 % en moyenne nationale. "Selon des estimations données par les associations de parents d’élèves, cette perte [de temps d'enseignement du fait des absences non remplacées] serait d’une année sur l’ensemble de la scolarité des enfants de Seine-Saint-Denis."

Les effets pervers de l'éducation prioritaire

Autre phénomène mis en évidence, les quelque 2 000 enfants instruits dans les familles ou dans les établissements hors contrat. Or "certaines écoles coraniques récemment ouvertes veulent assumer, au-delà de l’enseignement religieux, une mission d’instruction, faisant 'contrepoint' à celle dispensée par le service public de l’éducation".

Quant à l'éducation prioritaire, elle a provoqué "des effets massifs de contournement de la carte scolaire" et "ces stratégies d’évitement, fait des familles les plus favorisées, ont eu pour conséquence de diminuer la réussite moyenne des collèges [de l'éducation prioritaire] (...) Les moyens mis en œuvre par la politique d’éducation prioritaire sont donc contrebalancés par les effets négatifs dus à ce que les sociologues appellent des 'effets de pairs' : la mixité sociale et scolaire étant moins forte dans les établissements concernés, le niveau des élèves est tiré vers le bas."

Les examens ne sont pas le reflet du niveau réel

De plus, l'Etat ignore quel est le niveau scolaire réel des élèves : "Le ministère de l’Education nationale ne sait pas quel est le niveau réel des élèves des établissements de Seine-Saint-Denis, en dehors des résultats du brevet des collèges et du baccalauréat. Il ne peut donc pas estimer l’efficience des réformes pédagogiques, des dispositifs prioritaires dans ce département. D’autant plus que, lors de leur déplacement dans plusieurs établissements scolaires, il a été démontré aux rapporteurs la déconnexion entre le niveau réel des élèves et leurs résultats officiels aux examens. Comme dans toute la France, l’objectivité des notes doit céder devant l’impératif de résultats."

Les politiques peuvent de plus "se heurter à des difficultés locales de mise en œuvre". C'est le cas du dédoublement des classes de CP en REP+ à la rentrée 2017, les communes du département ne disposant pas toujours "des moyens ou des locaux nécessaires pour dédoubler physiquement les classes" : 47 % d’entre elles seulement ont accueilli un maximum de 12 élèves, contre 63,3 % pour la France métropolitaine. Les autres comptent "13 à 15 élèves" à moins qu'il y ait deux enseignants : "c’est le cas de 118 classes dans le département pour 73 classes réellement dédoublées."

Le monolithisme de l'Education nationale

Autres points mis en exergue, "les procédures de recrutement et d’affectation mises en œuvre par l’État ont fait de la Seine-Saint-Denis une école de formation bis pour les fonctionnaires stagiaires ou débutants". Alors qu'en moyenne, en France métropolitaine, 21 % des néo-titulaires sont affectés dans un "établissement difficile", c'est le cas de 64 % d'entre eux en Seine-Saint-Denis. Dans les collèges "éducation prioritaire", "il est fréquent que plus de la moitié des professeurs aient moins de deux ans d’ancienneté dans l’établissement". L’octroi de primes "ne garantit pas une attractivité et une fidélisation des postes dans les territoires difficiles" et les bonifications de points incitent les agents [cela vaut également pour les policiers] à les quitter "au plus vite". "Une fois acquis un nombre suffisant de points dans un délai rapide grâce à la bonification, l’agent, généralement un néo-titulaire, n’a qu’une hâte : retourner dans sa région d’origine ou demander une affectation dans une zone moins tendue, lui permettant notamment de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale."

Les deux élus mettent en cause "le monolithisme de l’Education nationale symbolisé par l’uniformité des emplois du temps scolaire (...) ce qui empêche toute adaptation locale des rythmes d’apprentissage ; a contrario, l’inflexion du cadre hebdomadaire permettrait à un établissement de 'mettre le paquet', à certains moments de l’année, sur telle ou telle matière." Mais ils savent que "remettre en question l’uniformité des emplois du temps scolaire revient à différencier un peu plus les enseignants selon les territoires" et ils se demandent si l’administration et les syndicats sont prêts "à cette révolution copernicienne".

 

 

 

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