Place des concours et formation des enseignants ÉSPÉ : les réponses des ministres au référé de la Cour des comptes
Paru dans Scolaire le lundi 04 juin 2018.
Mots clés : ÉSPÉ
La Cour des comptes préconise de "placer les épreuves d'admissibilité [des concours de recrutement des enseignants] en fin de licence" [soit L3 au lieu de M1 et bac+3 au lieu de bac+4 actuellement pour le CRPE et le CAPES, ndlr] tandis que les épreuves d'admission seraient placées "au cours de l'année de Ml, sur des enseignements de professionnalisation". La Cour vient en effet de publier un "référé" sur "la mise en place des écoles supérieures du professorat et de l’éducation" et sa 6ème,"recommandation" porte sur la place des concours. Dans leur réponse, les deux ministres concernés, Jean-Michel Blanquer et Frédérique Vidal indiquent que "la réflexion reste engagée sur le positionnement comme sur la nature des concours" et qu' "un consensus se dégage progressivement en faveur d'une épreuve d'admissibilité en fin de licence et d'une épreuve d'admission située en Ml ou en M2". Une mission conjointe IGAENR (inspection générale de l'administration de l'éducation nationale) et CPU (conférence des présidents d'université) est actuellement "chargée d'apporter son expertise et de formuler des recommandations sur ce sujet". Le ministère souligne toutefois qu'il "sera nécessaire de modifier la réglementation et le programme de plus de 200 concours" ainsi que les statuts des personnels concernés tandis que "l'élaboration de nouvelles maquettes de concours demande plusieurs mois". De plus, entre la prise de décision et sa mise en oeuvre, il faut compter un délai d'un an au moins "afin de permettre aux candidats de disposer d'un délai raisonnable pour se préparer". La mise en œuvre d'une telle réforme "ne pourrait être effective, au mieux, que pour la session 2020."
C'est la principale information contenue dans la réponse apportée au référé de la Cour des comptes qui estime que, "près de cinq ans" après la loi de 2013, qui a créé les ÉSPÉ, "leurs difficultés d’installation doivent encore être surmontées". Elle met en cause le processus d’accréditation et elle considère que "la région académique apparaît comme l’échelon le plus adapté pour promouvoir les coopérations inter-ÉSPÉ et les mutualisations des formations".
Un cahier des charges et des indicateurs
Les deux ministres concèdent que "l'inscription systématique, dans le contrat de l'établissement de rattachement de l'ÉSPÉ, de la mission de formation initiale et continue des enseignants, doit être favorisée", ce qui est déjà le cas en Polynésie française, Guyane, Montpellier ou Lille. "La généralisation d'une telle mesure constituera la dernière étape d'une démarche entamée depuis plusieurs années pour rapprocher le processus d'accréditation des ÉSPÉ de la politique contractuelle de site." En annexe du contrat pourrait figurer "un document d'orientation". Le cahier des charges fixant les modalités d'accréditation serait révisé et "une série d'indicateurs préciseraient les attendus.
La Cour fait remarquer que "ni le ministère, ni les universités ne connaissent et ne suivent le coût de la formation initiale des enseignants", qu'elle évalue à 1,1Md€. Le ministère conteste que "le budget de projet, outil de pilotage partagé qui identifie les contributions de chaque partenaire au service du projet commun et traduit les accords de site entre les établissements d'enseignement supérieur et le rectorat" ne soit pas utilisé : il "fait l'objet d'une appropriation progressive" et dans le cadre des procédures d'accréditation en cours, est prévue "une description de chacune des contributions des partenaires de l'ÉSPÉ sous une forme homogène sur l'ensemble du territoire".
Les régions académiques et les coopérations inter-ÉSPÉ
Le rapport suggère de promouvoir les coopérations inter-ÉSPÉ "au niveau inter-académique" et les ministres répondent que "la rationalisation de l'offre de formation fait effectivement partie des sujets qui doivent faire l'objet d'un travail conjoint" des deux ministères pour les "disciplines rares et/ou à faibles effectifs, les professeurs de lycées professionnels et les disciplines déficitaires". En novembre 2017, un séminaire organisé à Bordeaux "a ouvert de nombreuses perspectives sur les enjeux d'une répartition géographique des formations entre les différents sites des ESPE au sein de chaque région académique".
La Cour porte un regard critique sur le niveau de compétences disciplinaires et professionnelles des candidats aux concours: "La qualité du recrutement (...) n’est plus homogène" et "la hausse récente des non-titularisations (11 % en 2016 dans le premier degré et 10,7 % dans le second degré, soit un stagiaire sur dix) en témoigne". Elle ajoute que cela rend nécessaire "que les fonctionnaires stagiaires ayant des difficultés bénéficient d’un plan de formation et de suivi individualisé, sur plusieurs années". Dans leur réponse, les ministres font remarquer que la mise en oeuvre d'un dispositif d'évaluation des pratiques enseignantes constituerait certes "un outil précieux", mais que sa construction suppose "d'isoler des éléments significatifs depuis la mise en place des ESPE". Le référentiel métier de 2013 "commence lentement à promouvoir une approche par compétences encore très minoritaire", le système d'évaluation qui se met en place dans le cadre du PPCR "se fonde à son tour sur une grille critérisée", mais ces outils supposent "une évolution des protocoles et de l'esprit dans lequel s'effectue l'évaluation (...). Des formats dynamiques, tels que le radar d'acquisition et de performance, sont à l'étude."
La polyvalence des professeurs des écoles
S'agissant du recrutement des professeurs des écoles, la Cour estime qu'il faudrait "généraliser une offre de licences comportant une majeure (par exemple mathématiques) et une mineure dans une discipline d’une autre unité de formation et de recherche (UFR) (par exemple français)". Les ministres font remarquer que "la pluridisciplinarité des parcours de formation des étudiants est dès à présent prévue par la réglementation (...) Ces offres sont en cours d'élaboration et/ou de déploiement partout sur le territoire, même si les situations varient en fonction des établissements et/ou des champs disciplinaires (...) Le comité de suivi de la réforme des enseignants et des personnels d'éducation prévoit la publication prochaine d'un rapport consacré à la polyvalence des professeurs des écoles." Ils font toutefois remarquer que les contenus de formation "relèvent de l'autonomie des universités".