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L’établissement de la liste des établissements en REP exigeait la consultation du CTPM (Conseil d'Etat, une analyse d'A. Legrand)

Paru dans Scolaire le dimanche 03 juin 2018.

Depuis 1981, l’éducation nationale s’efforce de diversifier sa politique éducative pour mieux lutter contre l’échec scolaire en prenant en compte la diversité des publics accueillis. C’est à cette date que sont apparues les ZEP (zones d’éducation prioritaire), ensemble d’écoles et d’établissements accueillant des élèves vivant dans un environnement socio-économique et culturel défavorisé. En 1998, une circulaire a prévu la mise en place de réseaux d’éducation prioritaire (REP). Au prix de plusieurs réformes et, en particulier, d’une redéfinition des critères déterminant le classement, ceux-ci ont remplacé les ZEP à la rentrée 2015. C’est dans ce cadre que, le 30 janvier 2015, la ministre de l’éducation nationale a établi par arrêtés la liste des 1095 établissements classés en REP et des 364 établissements classés en REP +. Le réseau est constitué d’un collège et de ses écoles primaires de rattachement.

Deux recours ont été déposés contre ces décisions dans l’académie de Strasbourg. Un enseignant du collège Jean Mermoz de Wittelsheim (Haut-Rhin) contestait le fait que son établissement ne soit pas sur la liste. Deux communes et une intercommunalité attaquaient l’arrêté ministériel pour protester contre l’absence du collège Jean Georges Reber de Sainte-Marie-aux-Mines (haut-Rhin).

Les recours étaient recevables ; en particulier, l’enseignant avait intérêt à agir, eu égard aux incidences que l’inscription sur la liste entraîne sur les obligations de service des enseignants affectés dans les collèges en REP. Le Conseil d’Etat, dans deux arrêts du 1er juin 2018, donne satisfaction au recours concernant Wittelsheim. Il rejette au contraire ceux présentés à propos du collège de Sainte Marie aux Mines.

La ministre avait bien compétence pour dresser la liste : elle tire de son pouvoir d’organisation du service (cf le vieil arrêt Jamart de 1935) le droit de fixer des mesures d’allocation des moyens de l’Education nationale afin d’assurer l’égalité d’accès au service public. Et elle pouvait, en vertu d’un décret du 20 août 2014, désigner les établissements dans lesquels les obligations de service des enseignants étaient adaptées en fonction des besoins particuliers des élèves.

Mais elle ne pouvait le faire, nous dit le premier arrêt concernant Wittelsheim, qu’après consultation du comité technique ministériel. Ce comité, institué sous sa forme actuelle en 2014, est consulté en particulier sur toutes les questions intéressant l’ensemble des services déconcentrés du ministère. Compte tenu "des conséquences directes et significatives de la définition de la carte des réseaux d’éducation prioritaire sur l’organisation et le fonctionnement de l’ensemble des services déconcentrés de ce ministère", l’absence de consultation du CTPM constitue un vice de procédure de nature à entraîner la nullité de la décision attaquée. Or, en l’espèce, si le CTPM avait été "informé" du projet d’arrêté, il n’avait pas été "consulté" et n’avait pas eu à formuler d’avis. La liste nationale est donc partiellement annulée en tant qu’elle ne retenait pas le collège de Wittelsheim. Le Conseil d’Etat rappelle cependant le sens de cette annulation : elle n’impose pas l’inscription du collège sur la liste. Celle-ci pourra à nouveau être légalement refusée, le cas échéant pour les mêmes motifs, à condition que le ministère respecte bien la procédure régulière s’il décide de reprendre l’examen de la question.

S’agissant du collège de Sainte Marie aux Mines, le recours [qui ne portait que sur le fond sans soulever la question de la procédure et de la consultation du CTPM] est au contraire rejeté. Le Conseil d’Etat constate que la liste concernant l’académie de Strasbourg a bien été établie selon les critères fixés dans la circulaire du 4 juin 2014, "notamment les difficultés sociales rencontrées par la population du ressort des établissements intéressés et, plus particulièrement, celles que rencontrent les élèves scolarisés dans chacun de ces établissements". Et, exerçant un contrôle minimum sur l’arrêté attaqué, il vérifie qu’il n’y a pas eu inexactitude matérielle des faits (pas de caractère erroné des données statistiques utilisées), ni d’erreur manifeste d’appréciation (pas d’inadaptation manifeste des données statistiques utilisées pour apprécier les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative ou les besoins particuliers des élèves). La ministre n’a pas méconnu les objectifs visés par le code de l’éducation ni le principe d’égalité.

Les arrêts 391598 (Wittelsheim) et 392196 (Sainte Marie aux Mines) ne figrent pas encore sur le site Legifrance

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