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Les garçons plus souvent victimes des violences sexistes à l'école (E. Debarbieux)

Paru dans Scolaire le vendredi 01 juin 2018.

"L'école est un lieu où se construisent et parfois se renforcent les stéréotypes sexistes" ainsi que "la péjoration, voire le refus, du féminin", mais c'est aussi "un lieu où de nombreuses et nombreux professionnels tentent de contribuer à les déconstruire". Eric Debarbieux présentait, hier 31 mai, son rapport sur "les violences sexistes à l'école", commandité par l'association "contre la gynophobie" et la Fondation EDF. Aux éléments déjà connus de la littérature internationale sur le sujet, de ses précédentes enquêtes et des enquêtes de la DEPP (le service statistique de l'éducation nationale), s'ajoutent donc les éléments qu'il a recueillis avec l' "Observatoire européen de la violence à l'école", qu'il dirige, auprès de 47 604 élèves âgés de 8 à 19 ans et d'adultes qui se souviennent de ce qu'ils-elles ont vécu.

Certains témoignages sont d'ailleurs poignants, tel celui de Coralie, lycéenne de 17 ans pour qui "tout a commencé en CE1" parce qu'elle était "mince", et que les remarques désobligeantes de l'enseignante ont trouvé écho chez les autres éléves. Les insultes la suivent au collège et au lycée, sans que jamais les adultes ne s'en mêlent, elle finit par ne plus aller en classe, et pense que l'intervention de sa mère lui a finalement "sauvé la vie".

Les garçons plus souvent victimes que les filles

Contrairement aux idées reçues, "à l'école, les garçons sont beaucoup plus souvent agresseurs et également beaucoup plus victimes que les filles". A la question "est-ce qu'un élève a essayé de te retirer des habits de force?", 14 % des garçons répondent oui, et sept fois sur dix, ils sont victimes d'un autre garçon, contre 10 % des filles, victimes plus d'une fois sur deux d'autres filles. Celles-ci sont en revanche plus souvent victimes de "baisers forcés" (18 % vs 15 %). A la question "un élève t'a regardé quand tu étais aux toilettes ?", les réponses sont équilibrées (18 % de garçons et 20 % des filles): "Difficile de faire de l'école primaire un lieu où les questions de sexualité sont absentes", commentent E. Debarbieux et ses co-auteurs, A. Allessandrin, J. Dagorn et O. Gaillard.

De même au collège, où un peu plus de 8 % des filles comme des garçons déclarent avoir dû embrasser quelqu'un contre leur gré. Ils sont dans les mêmes proportions à avoir été gêné.e.s par des moqueries sur leur sexualité, mais le plus souvent (65 % des cas) par des garçons. Les filles se plaignent un peu plus souvent (près de 12 %) que les garçons (près de 11 %) de "regards gênants dans les toilettes".

Plus souvent des vidéos intimes de lycéens

En ce qui concerne les lycéennes, elles sont quelque 15 % à avoir été confrontées à des insultes sexistes, du type "fille facile", depuis le début de l'année, 3% (4,4 % en filière professionnelle) à avoir été "agressées". On a tenté de retirer un vêtement à 5 % des garçons et 2 % des filles, les deux genres étant à égalité (6,6 %) pour ce qui est des regards aux toilettes, mais les garçons sont plus souvent victimes à répétition. Quant à la diffusion de photos ou de vidéos intimes via internet, elle touche deux fois plus souvent des garçons (5%) que des filles (moins de 2,5 %). Le rapport souligne "l'association des violences sexistes avec la victimation multiple et le harcèlement" qu'il juge "très impressionnante". Les auteurs ajoutent : "les violences sexistes touchent une minorité d'élèves", mais "cette minorité concentre des violences de tous types", dont la prévention est "absolument nécessaire" tandis que la protection des victimes est "une priorité essentielle".

Et ils mettent en cause "le domaine viriliste dominant", "ce sont des garçons 'non conformes' au modèle viril qui se font frapper". Interrogé par ToutEduc, Eric Debarbieux cite ce petit garçon pour qui "la violence, c'est la loi du plus fort", ce qui signifie que chacun a besoin de trouver "un faible" auquel se comparer, fille ou, mieux, garçon ne répondant pas aux normes viriles, par exemple le fait d'être "trop sage", trop bon élève. "Ces garçons [moqués parce que] 'trop sages' sont bien plus que les autres (et plus que les filles même 'moquées') victimes d'autres types d'insultes et violences", ils courent 12 fois plus le risque de se voir affublés d'un "surnom désagréable". L'auteur évoque "des violences scolaires reposant moins sur le sexe que sur le genre : le garçon est moqué pour des qualités jugées 'féminines' selon le stéréotype de la 'fille bonne élève' (...)".

"Si on avait parlé d'homosexualité à l'école"

Ces violences sont ressenties douloureusement, notamment au niveau collège, par les homosexuel.le.s et "trans" : "c'est la pire période de ma vie" est une phrase récurrente dans les entretiens menés "auprès de jeunes qui se questionnent quant à leur orientation sexuelle et/ou identité de genre ". Anne (18 ans), témoigne : "j'aurais eu beaucoup moins de difficultés si on avait parlé d'homosexualité à l'école, ça aurait voulu dire qu'il y en avait d'autres comme moi, que j'existe et que je suis considérée."

L'école a donc bien une responsabilité, et des moyens d'action, qui ne sont d'ailleurs ni l'interdiction du téléphone portable ni l'installation de caméras de surveillance, estime Eric Debarbieux qui refuse tout "school bashing", puisque des phénomènes comme xénophobie et racisme sont, comme le sexisme, d'abord des phénomènes sociaux. Il note que, à l'âge adulte, ce sont les femmes qui sont surexposées, au lieu des garçons dans l'enfance.

Le rapport "Les Violences sexistes à l'école" devrait être mis en ligne sur les sites de la Fondation EDF et de l'association "Ensemble contre la gynophobie".

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