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Contractuels de l'Education nationale : La Cour des comptes évoque "un enjeu significatif"

Paru dans Scolaire le mercredi 30 mai 2018.

"Le recours croissant aux personnels contractuels [constitue] un enjeu désormais significatif pour l’Education nationale", estime la Cour de comptes qui titre ainsi le rapport pour communication au Sénat qu'elle vient de publier. En ce qui concerne les enseignants, l'augmentation du nombre des non titulaires (+15 % entre 2014-15 et 2016-17) s’explique par "une difficulté accrue à pourvoir les postes ouverts à la rentrée". En ce qui concerne le nombre des accompagnants d’élèves en situation de handicap, il a "plus que doublé depuis 2014" tandis que le nombre des assistants d’éducation stagne et même diminue "alors que les besoins de surveillance, d’encadrement des élèves et d’appui pédagogique ne se démentent pas". Par ailleurs, "l’élargissement récent des missions du service civique" (aide aux devoirs et surtout accompagnement du handicap) (...) accroît de facto le poids de ce dispositif".

Au total, les catégories visées par l’enquête (contractuels enseignants, assistants d’éducation, accompagnants d’élèves en situation de handicap) "forment un ensemble hétérogène d’un effectif d’environ 200 000 personnes", dont 64 000 emplois aidés, pour l'année scolaire 2016-17. Le rapport ne porte que sur l'enseignement public.

En ce qui concerne les enseignants, le rapport évoque surtout le 2nd degré. La Cour rappelle que la crise du recrutement est désormais structurelle, puisqu'on est passé "de 5,6 candidats pour un poste ouvert en 2008 au CAPES, toutes disciplines confondues, à 2,7 candidats en 2015", et que "la hausse récente des non-titularisations" au terme de la première année de stage concerne plus d'un stagiaire sur dix. Cette crise a conduit le ministère "à recourir de plus en plus aux contractuels dans le 2nd degré (28 619 ETP en 2016-17), et, pour la première fois depuis 2009, dans le 1er degré (environ 2 500 en 2016)", mais elle signale de fortes disparités. En 2016, le taux de contractuels rapporté à la population enseignante atteignait 13,7 % en Seine Saint-Denis contre 7,7 % en Seine-et-Marne. "La voie professionnelle présente un taux de contractuels plus de deux fois supérieur à la voie générale et technologique (12,2 % de contractuels contre 5 %)".

La difficile gestion des remplacements

Le rapport détaille les difficultés de gestion liées à l'affectation des enseignants du 2nd degré : augmentation de la proportion des néo-titulaires affectés dans des établissements réputés difficiles, affectation d'enseignants sur des postes provisoires, "appelés blocs de moyens provisoires", limitation du nombre des heures supplémentaires, définition des obligations réglementaires de service hebdomadaire. Sur ce dernier point, la Cour commente : "aucune étape n’a été franchie vers leur annualisation qui permettrait pourtant de régler en partie la question des reliquats de service." Elle détaille également les difficultés du remplacement des enseignants absents : "les effectifs des titulaires remplaçants atteignent plus de 65 000 enseignants et représentent 12,2 % des enseignants dans le 1er degré et 7,3 % dans le 2nd degré", mais dans le 2nd degré, seules les absences de plus de 15 jours font appel à un remplaçant. "En deçà, il revient en théorie à l’équipe enseignante de l’établissement d’assurer une forme de remplacement des heures non dispensées, ce qui est peu pratiqué, le cadre hebdomadaire des ORS rigidifiant la capacité à répondre aux absences de courte durée, mêmes prévisibles". Le rapport évoque à ce sujet "une extension des prérogatives des chefs d’établissements" qui serait nécessaire.

Il souligne de plus que les remplaçants titulaires sont "de plus en plus mobilisés dès la rentrée scolaire pour occuper des postes rendus vacants du fait des faibles rendements aux concours, d’arbitrages tardifs pour ouvrir un poste sur support provisoire, d’un défaut d’affectation à l’issue du mouvement ou d’une désaffection de dernière minute". Quant aux enseignants qui sont en sous-service, ils figurent officiellement dans les moyens de remplacement, mais comme il s'agit d'un nombre d'heures limité, ils ne sont pas réellement mobilisables, ce qui vaut aussi pour les enseignants considérés en surnombre disciplinaire et les enseignants "en incapacité professionnelle de faire la classe", placés en position de titulaires remplaçants "mais qui ne peuvent être sollicités que de manière marginale" : au total, "un tiers de la ressource disponible pour effectuer des remplacements en cours d’année est en réalité peu ou pas mobilisable".

Rester contractuel dans sa région

Chez les enseignants contractuels, "la durée du contrat, qui reflète celle de l’absence de l’enseignant" à remplacer "a tendance à s’allonger" du fait des instructions de 2014 qui ont autorisé des contrats à l’année dans les disciplines déficitaires et du nouveau cadre d’emploi de 2016. "L’académie de Versailles a même expérimenté des contrats de deux ans" tandis que "certaines académies ont maintenu ou adopté des conditions de rémunération favorables", supérieures à la moyenne de 13% à Créteil ou Paris, mais inférieures de 9 % à Amiens, de 11 % à Clermont-Ferrand ...

Autre problème soulevé par la Cour des comptes, "le volume globalement faible" des titularisations via les concours internes pour le second degré, qu'elle explique par "la crainte de subir une mobilité géographique à la suite de la réussite aux concours (...). Dans la mesure où l’annualisation des contrats facilite leur accès au CDI et où leurs conditions de travail s’améliorent", ils s'accommodent "d’une rémunération inférieure à celle des titulaires en contrepartie d’une plus grande stabilité géographique."

Une mission d'inspection pour les MDPH

En ce qui concerne les personnels accompagnant les enfants en situation de handicap, le rapport rappelle qu' "un plan de transformation des contrats aidés en AESH, ouvrant accès à un CDI, est appliqué depuis la rentrée 2016" et qu'il "vise à transformer 56 000 contrats aidés en 32 000 emplois contractuels" ce qui sécurise le recrutement mais tend "à diminuer la souplesse qui s’attache à une gestion contractuelle". Le rapport s'inquiète des pratiques des commissions départementales appelées à prescrire les moyens d’accompagnement des élèves : "On observe d’importantes différences d’un département à l’autre", puisque la MDPH de Haute-Saône prescrit systématiquement des aides individuelles, contre 20 % pour son homologue du Jura qui préfère les aides mutualisées. Une mission d’inspection se penchera sur la question des modalités d’évaluation des besoins d’accompagnement, ce qui permettrait de fixer "un cadre méthodologique". Pour la Cour, la situation n'est pas tenable à terme. Pourtant, malgré la montée rapide du nombre d’enfants en situation de handicap à scolariser (+64,1 % en 4 ans), "l’Education nationale est parvenue à maintenir le taux de couverture des prescriptions à un niveau très élevé" puisque "plus de 135 000 élèves bénéficiaient en 2016 d’un accompagnement" alors que quelque 10 000 enfants "étaient en attente".

"Avoisinant les 49 000 ETP (dont moins de 1 000 dans le 1er degré), les effectifs des AED [assistants d'éducation] ont légèrement diminué ces cinq dernières années scolaires (- 4 %). Le nombre de ceux qui sont "spécialisés dans la prévention et la sécurité" et qui sont "censés parer aux violences dans les établissements au climat scolaire le plus dégradé" reste limité à moins de 500. Le rapport décrit sinon une évolution importante de cette population : "A l’origine, le dispositif des AE s’inscrivait dans un objectif social d’aide à des étudiants dans la poursuite de leurs études", les trois quarts sont encore aujourd'hui "très majoritairement de jeunes adultes", mais près d’un tiers seulement des assistants d’éducation déclare poursuivre des études, 20 % sont au chômage au moment de leur embauche et "il n’est plus rare de rencontrer des assistants d’éducation au profil plus âgé, parfois chargés de famille". Ils se présentent aux concours de l'enseignement, "mais en proportion réduite".

Aucun contrôle sur les services civiques

Enfin la Cour des comptes s'intéresse aux volontaires en service civique, la liste des missions pour lesquelles ils peuvent être recrutés s'allongeant, avec "contribuer à l’inclusion des élèves en situation de handicap" et "devoirs faits". Bien que les circulaires du ministère des affaires sociales rappellent que "en aucun cas, la mission ne doit se substituer à un emploi", le risque de substitution "semble réel", d’autant "qu’aucun contrôle n’a été diligenté, ni par l’agence du service civique ni par le ministère".

Le rapport pointe donc la nécessité pour l'Education nationale de se doter "d’une vision pluriannuelle et d’une doctrine d’emploi des contractuels". Elle note des incohérences : "l’accès au CDI reste fermé aux assistants d’éducation mais ouvert aux AESH et aux remplaçants (...), la gestion d’un contractuel peut être fragmentée entre un grand nombre d’intervenants : ainsi, pour un contrat aidé qui accompagne un élève du premier degré, son recrutement fait intervenir Pôle emploi et le chef de l’EPLE employeur, il est placé sous l’autorité fonctionnelle du directeur d’école mais la gestion administrative de son dossier relève de l’EPLE employeur et il peut être payé par une structure différente, généralement un autre EPLE mutualisateur (...) Dans les EPLE, la gestion, déjà complexe en raison de la multiplicité de règles, s’est considérablement alourdie avec la montée des effectifs de contrats aidés. Cette évolution a modifié le métier du chef d’établissement qui assume des fonctions d’employeur et de payeur d’agents sous contrat, auxquelles il n’est généralement pas préparé et qui s’ajoutent à ses autres missions. Les conséquences peuvent être graves, comme l’ont montré les condamnations par les tribunaux prud’homaux, en raison de la non-observation des règles spécifiques aux CUI-CAE. Les services des EPLE ont d’autant plus de mal à se retrouver dans le maquis des règlementations différentes qu’ils ne gèrent que quelques dossiers de chaque catégorie." (voir aussi ToutEduc ici)

La Cour fait huit recommandations

- Assouplir le cadre de gestion des enseignants titulaires, notamment les obligations réglementaires de service, et améliorer le taux d’emploi effectif des titulaires remplaçants

- Donner davantage de poids aux services de l’éducation nationale dans le processus de préparation et de décision des prescriptions d’assistance en milieu scolaire pour les élèves handicapés

- Engager une réflexion sur le financement de l'accompagnement des élèves en situation de handicap afin de responsabiliser le prescripteur

- Réserver la fonction d'accompagnement des élèves en situation de handicap aux AESH

- Encourager la mutualisation des opérations de paye en clarifiant les règles de conventionnement et en assurant une formation aux personnels des agences comptables

- Formaliser et organiser les obligations de formation des AE et des AESH

- Placer tous les personnels du MEN relevant de l'assistance éducative sous plafond d'emplois ou prévoir un plafond d'emplois spécifique

- Consolider la dépense de suppléance et de remplacement pour produire une information complète et annuelle au Parlement.

Le rapport ici (voir aussi, sur les MDPH, le vademecum conçu par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, ici)

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