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La réussite éducative est-elle "un sport de combat" ? Echos des 10èmes rencontres nationales de l'ANARE

Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire, Culture, Justice, Orientation le vendredi 25 mai 2018.

La réussite éducative doit être mieux connue, reconnue, médiatisée, financée... Sous des formes diverses, le même constat est revenu dans les propos des intervenants des 10èmes rencontres nationales qu'organisait à la Rochelle, les 23 et 24 mai, l'ANARE. Les acteurs de la réussite éducative et leur association nationale en reconnaissent eux-mêmes la difficulté, évoquant "une notion toujours à redéfinir", même si Jean-Louis Borloo l'a inscrite dans la loi de cohésion sociale de 2005. "L'objectif de ces programmes est d'accompagner dès les premières années de l'école maternelle et jusqu'au terme de leur scolarité, des enfants et des adolescents qui présentent des signes de fragilité, en prenant en compte la globalité de leur environnement et de leurs difficultés", résumait un "document de référence" publié en 2014. Mais qu'en est-il dans la réalité quotidienne ?

Olivier Noblecourt (délégué interministériel en charge de la prévention et de la lutte contre la pauvreté des enfants), rappelle que lorsqu'il l'avait lancée, l'initiative de J-L Borloo avait été très mal vécue par l'Education nationale. Pascal Bouchard (ToutEduc) se souvient de la nomination de George Pau-Langevin, ministre déléguée "à la réussite éducative" par un Premier ministre qui pensait manifestement "réussite scolaire", confondant les deux notions. Elle avait pourtant pu proposer un "pacte pour la réussite éducative" qui soulignait son rôle dans la mise en oeuvre des PEL (projets éducatifs locaux) et des PEDT (projets éducatifs de territoire, créés par la loi de 2013). Et si Jacky Harouna (responsable politique de la Ville à Koungou, Mayotte) estime que la notion de réussite reste centrée sur la réussite scolaire, plaçant les programmes de réussite éducative "en concurrence avec l'Education nationale", d'autres sont plus optimistes. Vincent Léna qui a travaillé au chapitre éducation du "plan Borloo", et qui, implicitement, rejette l'idée que celui-ci aurait été enterré, s'adressant aux quelques 350 participants, leur dit : "vos efforts imprègnent les politiques publiques". Pour lui, le "plan mercredi" qui sera annoncé dans les prochains jours pour "revitaliser" les rythmes scolaires, contribuera à promouvoir "une école ouverte aux partenariats".

La construction de partenariats de long terme

Dans l'atelier qu'il anime, Laurent Sochard (psychosociologue) n'en définit pas moins la réussite éducative comme "un sport de combat", ne serait-ce que pour ses acteurs qui doivent lutter en permanence contre des effets pervers, quand, par exemple, un enseignant se dit, à propos d'un enfant inscrit dans un tel parcours, que d'autres s'en occupent, et que c'est, de toute façon, trop compliqué pour lui... A l'inverse, le simple fait de demander aux parents de participer au PRE, c'est reconnaître qu'on a besoin d'eux, les remettre en position d'acteurs. Et Vincent Léna insiste pour sa part sur le rôle des programmes de réussite éducative dans la construction, sur le long terme, de logiques partenariales. Plutôt que d'être sensible aux "cahots" de l'actualité politique, il invite la salle à "construire sur la durée". "Vous êtes dans le sens de l'histoire". Et il voit les coordinateurs de ces programmes comme des "ensembliers", des "chefs d'orchestre" des "cités éducatives" dont il prédit l'émergence dans les dix ans qui viennent.

Frédéric Jésu (pédopsychiatre) les invite à s'appuyer sur les droits de l'enfant, tels qu'ils sont reconnus par la CIDE (la convention internationale), y compris certains qu'on oublie trop souvent, comme le droit au repos et aux loisirs, le droit d'être élevé par leurs deux parents, et celui de voir leur point de vue pris en considération pour toutes les décisions qui les concernent. Jacky Harouna ajoute "le droit de réussir à aller à l'école sans se faire agresser". Olivier Noblecourt souligne que les outils mis au point par les CAF (caisses d'allocations familiales) pour détecter la fraude permettent aussi de repérer les familles qui ne font pas valoir leurs droits.

Le quartier, la ville, l'agglomération...

Autres thèmes récurrent de ces deux journées, le périmètre et l'action des PRE. Pour Jean-Marc Berthet (sociologue), ce sont des "outils de veille sociale", et il est important de s'appuyer sur les élus, et même au niveau national, sur les réseaux d'élus, notamment des villes moyennes. Anne Dillenseger, qui représente le RFVE (le réseau français des villes éducatrices) de même insiste sur le rôle des communes. Vincent Léna met en évidence celui des agglomérations et des intercommunalités, tout en sachant que l'éducation reste une compétence municipale. D'ailleurs, la réussite éducative doit-elle limiter son action au périmètre des quartiers politique de la Ville ? Mais comme le fait remarquer Bertrand Gohier (président de l'Anare), les programmes de réussite éducative sont aussi pour les collectivités, un outil de légitimation de leur action.

Cette question de la légitimité des PRE renvoie à celle de la professionnalité des acteurs, fait remarquer Jean-Marc Berthet, mais aussi à leur statut. Faut-il être soi-même précaire pour s'occuper des précaires ? demande avec insistance la salle, qui n'aura pas vraiment de réponse, sinon pour souhaiter des budgets pluriannuels. Que dira à ce sujet la future COG (convention d'objectifs et de gestion) de la CNAF ? Les 70 millions inscrits au budget de l'Etat au titre de la réussite éducative valent-ils reconnaissance, comme le soutient V. Léna ? Olivier Noblecourt insiste sur le rôle des PRE pour "voir quels sont les trous dans la raquette" à l'échelle des bassins de vie, les "préjudices singuliers" au regard des droits fondamentaux des enfants. Il cite la nécessité de renforcer les continuums, par exemple entre PMI et structures d'accueil périscolaire, mais aussi certains droits comme l'accès à la cantine, ou, pour les familles, les moyens d'acheter du lait maternisé 2ème âge, trop souvent remplacé par du lait de vache, moins cher...

La réussite de qui ?

Frédéric Jésu, chargé de tirer les leçons de ces journées, pose la question du sens même de la réussite. "La réussite de quoi ? de qui ? La réussite sans complément ouvre la voie à tous les implicites qui se bousculent, on réussit trop souvent contre au lieu de réussir avec..." Ce n'est d'ailleurs pas seulement la réussite des enfants qui est en jeu, mais aussi celle des parents, s'ils réussissent à ne plus voir leur enfant "comme un futur chômeur", et à travers le prisme de ses (mauvais) résultats scolaires. C'est aussi la réussite des acteurs de la réussite éducative...

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