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Comment réagir quand le conflit entre vérités surgit en classe ? (Revue du CIEP)

Paru dans Scolaire, Culture le mercredi 23 mai 2018.

"Déni de faits attestés et vérifiables, refus de théories, en particulier de l’évolution, adhésions à des discours extrêmes, ou à des contre-vérités manifestes… Voilà ce que peuvent rencontrer aujourd’hui les enseignants en charge de la formation des jeunes esprits", écrit, en introduction au dossier du dernier numéro de la revue du CIEP, Laurence Cornu, professeure émérite de l’Université de Tours.

 Intitulé "Conflits de vérités à l’école", ce dossier rassemble les analyses d’auteurs de différentes disciplines (histoire, philosophie, sciences de l’éducation, sociologie, sciences, biologie) et de différents pays (Belgique, Chili, Etats-Unis, France, Hongrie, Irlande, Pays-Bas, Sénégal, Singapour, Turquie). Tous confrontés à ces difficultés qui, selon Laurence Cornu, "semble prendre des proportions nouvelles". 

Transformer le conflit en controverse

Une vérité ? Des vérités ? Comment la notion de vérité supporte-t-elle le pluriel et surtout comment les enseignants peuvent réagir quand le conflit entre vérités surgit en classe ? Aux Pays-Bas, Bjorn Wansink de l’université d’Utrecht et Geerte Savenije, de l’Université d’Amsterdam, proposent un modèle destiné à qualifier les réactions des enseignants : "Le désamorçage" qui vise à ignorer ou à exclure l’élève qui affirme des contre-vérités, "le contre-récit" qui vise à réagir immédiatement en refusant les fausses allégations; "le relativisme" qui permet d’accepter toutes les positions et "le questionnement et l’argumentation" (attitude préférée des auteurs) qui transforme "le conflit en controverse".

A Singapour, si l’obsession de réussite est un frein à la contestation et si, comme le souligne Corinne Rousset, de l’Université de Tours, "les enseignants de biologie sont rarement confrontés à des assertions incompatibles avec les théories au programme", dans ce pays de haute technologie, l’exposition permanente aux médias numériques finit par "produire une forme de nihilisme chez les élèves" qui "tombent dans le travers qui consiste à douter de tout et à ne plus croire en rien". Ce qui demande aux enseignants "un effort pédagogique pour repenser et renforcer les stratégies d’analyse critique".

Sciences et croyances

Amanda Glaze, professeure de biologie, décrit les difficultés de l’enseignement de la théorie de l’évolution dans l’Etat de Géorgie aux Etats-Unis où les protestants évangélistes la refusent. Craignant les réactions négatives des élèves et des parents, l’auteure propose "une distinction entre acceptation (d’une théorie scientifique) et croyance (de nature religieuse), et en travaillant dans une double stratégie : la pratique des méthodes en vue d’une compréhension des démarches scientifiques, sans prosélytisme scientiste qui se mettrait malencontreusement en symétrie avec le prosélytisme religieux." 

Construction d’une "identité plus complexe" en Irlande du Nord, guerre des manuels en Hongrie, retour du créationnisme en Turquie, philosophie universaliste ou nationale en Afrique… Si Laurence Cornu considère que "ce dossier pourrait être alarmant", elle ne le juge pas pour autant "alarmiste" et préfère retenir certaines suggestions communes de la part des auteurs : "l’enseignement des sciences doit être accompagné d’une réflexion épistémologique explicite, pour les élèves et d’abord pour les professeurs" ou "le passage nécessaire de la culture du conflit à l’éthique de la controverse".

Revue internationale d’éducation, n°77, avril 2018, 17€.

 

 

Colette Pâris

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