Lecture : le ministère publie un guide "fondé sur l'état de la recherche", mais qui n'évite pas la polémique entre chercheurs
Paru dans Scolaire le jeudi 26 avril 2018.
Le ministère de l'Education nationale publie "un guide fondé sur l’état de la recherche" destiné aux enseignants chargés d' "enseigner la lecture et l’écriture au CP", en même temps que quatre "recommandations pédagogiques" sur l'apprentissage de la lecture, de la grammaire et du vocabulaire, du calcul, et de la résolution de problèmes à l'école élémentaire (voir ToutEduc ici). "Ces cinq textes visent à consolider un enseignement rigoureux, explicite et progressif en français et en mathématiques durant la scolarité obligatoire (...) en se fondant sur les résultats d'expérimentations et à la lumière de la recherche la plus récente ainsi que de la comparaison internationale".
En ce qui concerne le guide, ce document assez conséquent (130 pages) a été élaboré par la DGESCO, et il "a fait l’objet d’une relecture critique de plusieurs membres du Conseil scientifique de l’éducation nationale". Cette formulation donne à penser que l'ensemble du Conseil scientifique n'a pas été sollicité, y compris un spécialiste de la lecture comme Michel Fayol. Selon les informations de ToutEduc en effet, celui-ci, à l'image d'ailleurs du Conseil en tant qu'entité n'aurait pas achevé son travail ni rendu ses conclusions, sur la question du manuel notamment. Les auteurs affirment ainsi que l'état de la recherche montre "que l'enseignement systématique des correspondances graphème-phonème est la méthode la plus efficace pour que les élèves puissent acquérir une lecture fluide au CP", un point qui ne fait pas totalement consensus parmi les chercheurs.
En effet, même si l'importance de ces correspondances (ce qu'on appelle traditionnellement "le b - a ba") est largement reconnu, et si "tous les professeurs et les manuels introduisent un enseignement du décodage dans leurs leçons" comme le souligne le document ministériel, le débat "porte sur la différence qu’il convient de faire entre le suivi d’une progression dans l’étude des graphèmes et l’introduction de diverses stratégies d’identification des mots qui s’en écartent" et sur l'introduction de "mots-outils (un, des, dans, est…)". Ces petits mots, estiment certains, peuvent être reconnus "globalement" et leur connaissance permet d'éviter des textes trop pauvres pour les premières leçons. Le guide considère au contraire, avec d’autres chercheurs, "que cette démarche vient contredire (...) le principe qui veut que dans chaque leçon tout soit déchiffrable, les mots, les phrases, les textes". Il ajoute que "la valeur motivante des phrases qui les intègrent est loin d’être toujours supérieure à celle des phrases des manuels syllabiques" et que, "bien que la méthode globale ne soit plus guère utilisée, des reliquats de ses pratiques persistent, qui tombent sous le coup de la critique que Stanislas Dehaene réserve aux principes qui l’ont animée (...) La démarche syllabique est la démarche la plus efficace pour apprendre à lire au cours préparatoire. Les sciences cognitives ont apporté des preuves en ce sens." Le guide, sans recommander tel manuel plutôt que tel autre, demande d'ailleurs aux enseignants d'en choisir un conçu de manière que l’élève ne soit jamais "confronté au déchiffrage des graphèmes qui ne lui ont pas été enseignés (principe de déchiffrabilité)".
A noter que la bibliographie donne des titres d'ouvrages qui ne font pas consensus dans la communauté scientifique (ceux de Sandrine Garcia et Anne-Claudine Oller et de Jérôme Deauvieau notamment)
Télécharger ces documents ici