Rythmes de vie des enfants : Un peu d’histoire, ça ne fait pas de mal ! (une tribune de Claire Leconte)
Paru dans Scolaire, Périscolaire le mercredi 18 avril 2018.
Claire Leconte, chronobiologiste, nous adresse cette tribune que nous publions bien volontiers.
La France semble être un pays où la mémoire se perd dès lors que les intérêts personnels des adultes sont en jeu. Qu’on en juge !
Dès la mise en place des écoles de Jules Ferry, Alfred Binet et son collaborateur Victor Henri, publient un ouvrage qui est le premier écrit sur ce thème dans une perspective expérimentale. Les auteurs veulent donner à la pédagogie scolaire un fondement scientifique solide, et ont mis en place des protocoles pour étudier l’effet de la fatigue sur les diverses fonctions physiologiques, et les conséquences psychologiques du travail intellectuel. Ils ont cherché à préciser la notion de "surmenage intellectuel" et d’analyser les conditions de sa production.
Ce sont ces premières études expérimentales qui ont permis à Alfred Binet de dire aux enseignants : "faites bénéficier vos écoliers de la clarté mentale de la matinée" !
Par la suite ce fut le plan Langevin-Wallon qui relança les débats. à la suite de l’enterrement du projet de réforme de Jean Zay en 1937, le 15 mars 1944, le Conseil National de la Résistance adopte un programme de gouvernement intégrant une grande réforme de l’enseignement dont l’objectif principal est le suivant : "La possibilité effective, pour les enfants français, de bénéficier de l'instruction et d'accéder à la culture la plus développée, afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises pour les exercer et que soit ainsi promue une élite véritable, non de naissance, mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires."
Une commission est créée le 8 novembre 1944, présidée par Paul Langevin, puis par Henri Wallon après son décès en 1946. Professeur au Collège de France, il fonde la psychologie en milieu scolaire.
Ce plan prévoit un enseignement gratuit, laïque et obligatoire jusqu'à l'âge de 18 ans avec un corps professoral unique de la maternelle à l'université comme le réalisera la loi Jospin de 1989.
Il définit des conditions idéales pour l'enseignement. Notamment 25 élèves maximum par classe et le respect des rythmes biologiques des enfants avec des horaires suggérés "à titre indicatif" qui interrogent quelque peu : 2h/ jour soit 10 heures par semaine pour les enfants de 7 à 9 ans, 3 h/ jour soit 15 heures par semaine pour les enfants de 9 à 11 ans, 4 h/ jour soit 20 heures par semaine pour les enfants de 11 à 13 ans et 5 h/ jour soit 25 heures par semaine pour les élèves de 13 à 15 ans.
Il préconise une revalorisation du travail manuel, chacun devant accéder à une solide culture. Il pose le principe d'une éducation populaire accessible tout au long de la vie.
Il veut former tous les maîtres à la pédagogie active influencé en cela par celle de l'éducation nouvelle. Les inspecteurs seraient alors les conseillers pédagogiques des maîtres en collaboration avec les centres de recherche pédagogique.
Il prévoit la création d'un corps de psychologues scolaires assurant le suivi psychologique de chaque élève pour mieux assurer son orientation.
Il organise une éducation morale et civique des élèves visant à la formation de l'Homme et du citoyen. Et, pour ne pas désavantager les enfants habitant dans les communes rurales, il propose une organisation spécifique de l'enseignement dans les régions rurales.
Les travaux de la commission durèrent longtemps et les changements politiques ont eu raison du projet. La grande réforme démocratique du système éducatif reste lettre morte pour la plupart de ses préconisations : avec cette aberration bien française, à savoir que le ministre Marcel Naegelen (ministre de l’Éducation nationale de 1946 à 1948), remerciant le président et la commission pour leur dévouement, leur précisa que le projet suscitant à l'étranger un courant d'intérêt très marqué, il était indispensable qu'il soit largement diffusé dans le monde quand bien même il ne devrait pas recevoir une application immédiate en France. De fait il servit malgré tout de références constantes.
Puis il fallut attendre les expériences dites "hors du temps" qui ont validé l’existence des rythmes biologiques, dans la décennie 1950-1960, donnant naissance à la chronobiologie, nouvelle science alors reconnue par l’académie des sciences.
Un bouillonnement intellectuel eut alors lieu au cours des décennies 60-80, qui a conduit à la publication d’un rapport porté par le professeur Robert Debré et le docteur Daniel Douady, mais aussi à celle de deux ouvrages importants pour la prise en compte des besoins des enfants, , bouillonnement qui s’est concrétisé dans un Conseil Économique et Social entièrement dédié à cette question en 1979, suivi de propositions en 1980.
C’est dans ce contexte qu’a pris naissance une politique d’aménagement des rythmes de vie de l’enfant, qui nécessitait une coopération constructive entre les ministères de l’éducation nationale et de la Jeunesse et des Sports.
Le premier texte qui installe concrètement cette coopération est la circulaire du 13 décembre 1984 connue sous le nom de "circulaire Calmat - Chevènement" intitulée "Aménagement du temps scolaire (ATS) dans le 1er degré, développement des liaisons de l’école avec les partenaires éducatifs locaux".
Cette circulaire préconise un aménagement des horaires des enseignements au primaire qui permettrait le développement de projets entre les écoles et les autres partenaires éducatifs locaux proposant des activités sportives et culturelles pendant les temps scolaire et extrascolaire. En 1986-1987, 300 000 enfants seront concernés dans le cadre de 1200 projets.
En 1987, la liaison École-Jeunesse et sports est rompue par la circulaire du 11 février 1987 signée par Christian Bergelin : le dispositif est alors réorienté vers les activités extra-scolaires proposées aux enfants dans le cadre de "contrats bleus" signés entre l’état et les collectivités locales, contrats qui incluent les associations sportives et culturelles.
Mais en 1988, Roger Bambuck (secrétaire d’état auprès du ministre de l'Education nationale, chargé de la Jeunesse et des Sports) et Lionel Jospin (ministre de l’Éducation nationale), veulent rétablir les liens avec l’école, étendre cette politique à la maternelle et y intégrer tous les temps sociaux des jeunes.
Ils signent la circulaire dite Bambuck - Jospin du 2 août 1988. L’instruction interministérielle du 13 avril 1989, signée par le ministère de la Culture puis la circulaire Bmabuck - Jospin - Lang du 18 mai 1990, marquent le début de la participation du ministère de la Culture à cette politique.
Cette politique va se traduire par des contrats d’aménagement du temps de l’enfant (CATE) articulés autour des projets d’école. Et parce que le programme d’aménagement des rythmes de vie des enfants (ARVE) ne peut se limiter aux seules journées d’école, une démarche de projet éducatif local est proposée induisant des engagements financiers réciproques entre la commune et l’état (ministère de la Jeunesse et des Sports) dans un contrat appelé "contrat-ville-enfant" (CVE) selon la circulaire du 18 mai 1990.
Le décret du 6 septembre 1990, modifié par celui de 1991 (décret du 22 avril 1991), introduit une plus grande souplesse afin de libérer les initiatives : il donne une assise réglementaire aux premières expériences d’aménagement du temps scolaire, parmi lesquelles malheureusement la semaine de 4 jours.
Dans ce décret, on lit : Art. 10-1. - Lorsque, pour l’établissement du règlement intérieur prévu par les articles 9 et 18, le conseil d’école souhaite adopter une organisation du temps scolaire qui déroge aux règles fixées par arrêté ministériel, il transmet son projet à l’inspecteur d’académie, directeur des services départementaux de l’éducation nationale, après avis de l’inspecteur de l’Education nationale chargé de la circonscription d’enseignement du premier degré et de la commune dans laquelle est située l’école.
Les aménagements prévus ne peuvent avoir pour effet :
* 1° De modifier le nombre de périodes de travail et de vacance des classes, l’équilibre de leur alternance ou de réduire la durée effective totale des périodes de travail ;
* 2° De réduire ou d’augmenter sur une année scolaire le nombre d’heures d’enseignement ainsi que leur répartition par groupes de disciplines ;
* 3° D’organiser des journées scolaires dont les horaires d’enseignement dépassent six heures et des semaines scolaires dont les horaires dépassent vingt-sept heures ;
* 4° De porter la durée de la semaine scolaire à plus de cinq jours.
Décret signé le 22 avril 1991 par le 1er ministre, Michel Rocard, le ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, Lionel Jospin et le ministre de l’intérieur, Philippe Marchand, paru au JORF n°97 du 24 avril 1991.
Deux circulaires et une instruction vont reprendre les fondamentaux d’une politique d’aménagement des rythmes de vie des enfants et des jeunes (ARVEJ) en prenant en compte le second degré, rappelant la nécessité de mener une politique éducative territorialisée, dans des espaces éducatifs concertés et respectant les rythmes des enfants et des jeunes.
Une évaluation de l’aménagement des rythmes de vie de l’enfant est menée par le Commissariat général au Plan en 1993, dont le rapport est publié à la documentation Française en 1994. C’est d’ailleurs la première évaluation de ce type menée par le comité interministériel de l’évaluation des politiques publiques.
On y lit : "L'exercice d'évaluation de la politique publique et contractuelle d'aménagement des rythmes de vie des enfants prouve que l'aménagement du temps de l'enfant est un sujet majeur qui va au delà de la question des rythmes scolaires et souligne également la difficulté à définir la meilleure articulation possible entre temps scolaire et temps non scolaire. La question du partenariat entre les services de l'Etat, les collectivités locales, les familles et les associations, les financements, et l'observation des effets de cette politique sur les enfants dans les champs de l'école et des activités extra-scolaires sont aussi abordés et permettent de faire un certain nombre de propositions pour rendre cette politique parfaitement efficace."
En campagne présidentielle, Jacques Chirac, candidat, a en 1995, parmi ses promesses de campagne, "la réforme des rythmes scolaires" ! Il est élu et charge immédiatement son ministre Jeunesse et Sports de mener à bien cette réforme.
Une nouvelle dynamique est alors insufflée avec l’arrivée de Guy Drut à la tête de ce ministère. Une circulaire interministérielle du 31 octobre 1995 rappelle la volonté des trois départements ministériels (Éducation nationale, Jeunesse et Sports, Culture) de pérenniser la politique d’aménagement des rythmes de vie des enfants et des jeunes (ARVEJ). Le contrat ARVEJ, unique et pluriannuel (3 ans), doit désormais regrouper tous les dispositifs.
L’instruction n° 95-188 JS du 23 novembre 1995 émanant du ministère de la Jeunesse et des Sports porte sur la mise en place d’une politique volontariste d’aménagement des rythmes scolaires (ARS) en proposant aux communes volontaires de devenir des sites pilotes d’aménagement des rythmes scolaires durant une semaine d’au moins cinq jours, dégageant des plages horaires significatives pour permettre la mise en place d’activités sportives, culturelles et de loisir.
Cette dynamique est confortée par une tribune, co-signée par tous les chercheurs concernés de l’époque qui prouve que les années passent, mais les problèmes sont toujours les mêmes !
L’une des originalités de cette expérimentation ARS est d’avoir mis en place dès son démarrage un processus d’évaluation piloté par le Comité d’évaluation et de suivi des aménagements des rythmes scolaires, puis des rythmes de l’enfant (CéSARS, puis CÉSARE) qui a publié ses travaux à la Documentation française.
L’annonce en mai 1996 faite par François Bayrou, ministre de l’Education nationale, de tester dans deux départements (Marne et Hautes-Alpes) et une agglomération (Marseille), un nouvel aménagement des rythmes scolaires, renforce encore la dynamique engagée, de même que la proposition faite dans le cadre du Pacte de relance pour la ville (PRV) d’étendre cette politique à toutes les zones franches le désirant.
En juin 1997, Marie-Georges Buffet, ministre de la Jeunesse et des Sports, (à peu près seule ministre à n’avoir pas cherché à laisser son npm sur un décret ou une circulaire) décide de poursuivre la politique d’ARVEJ selon les modalités de la circulaire interministérielle d’octobre 1995, de reconduire les sites pilotes et de labelliser les nouveaux projets prêts à démarrer à la rentrée de septembre, car elle trouve cette réforme parfaitement légitime. Elle demande même qu’elle soit étendue aux collèges.
Ces expérimentations font l’objet, durant les deux années scolaires concernées, d’un suivi appuyé et conforté́ par les décisions du conseil des ministres du 27 mai 1998. Le Gouvernement y affirme sa volonté de poursuivre cette politique en faveur des enfants et des jeunes à travers la mise en place de contrats éducatifs locaux (CEL).
La circulaire interministérielle n°98-144 du 9 juillet 1998 (Education nationale, Jeunesse et Sports, Culture et Ville) définit les objectifs et modalités de ces nouveaux contrats. Celle n° 2000-208 du 22 novembre 2000 va la compléter en intégrant l’aménagement du temps des élèves dans les contrats éducatifs locaux. Elle est signée de Jack Lang, ministre de l’Education nationale, Catherine Tasca, ministre de la Culture et de la Communication, Marie- George Buffet ministre de la Jeunesse et des Sports, et Claude Bartolone, ministre délégué à La Ville.
Finalement, alors que Jacques Chirac avait imaginé une généralisation de la réforme lancée en 1995, tout restera au stade d’expérimentations, certaines d’entre elles devant d’ailleurs s’arrêter à cause de la baisse importante de moyens octroyés à ces expériences au moment du passage des sites-pilote aux CEL.
Le 10 mai 2000, Sandrine Blanchard, journaliste au Monde, publiait un article : "Rythmes scolaires, l’éternelle réforme". Voici ce qu’on peut lire : "Plus de dix ans après les recommandations de la loi de 1989, la France a toujours, dans l'Union européenne, la charge scolaire annuelle la plus lourde et l'un des plus faibles nombres de jours de classe par an, et ce quel que soit l'âge des enfants. Pourtant il s'agit, d'après les circulaires ministérielles, de 'respecter le rythme de vie de l'enfant', de contribuer à sa 'réussite scolaire', à son 'insertion sociale', de développer son 'autonomie' et sa 'socialisation' et de favoriser l' 'égalité des chances'. Si le constat sur l'absurdité du système est dressé, le dossier est parasité, pour ne pas dire paralysé, par les intérêts des adultes : qu'ils soient marchands de loisirs, transporteurs, enseignants ou parents travailleurs, les oppositions, liées à des intérêts professionnels, corporatistes ou personnels, sont multiples. Comble de ce débat récurrent et typiquement français, le décret de 1991, qui autorise à introduire plus de souplesse dans les emplois du temps des élèves afin de libérer les initiatives, a donné naissance à la très contestée semaine de quatre jours."
Comme on le voit, malgré des ambitions politiques certaines, ce dossier a toujours été parasité par des intérêts fort éloignés des besoins des enfants et de son bien-être.
Le cercle infernal est relancé en 2007. Lors de sa campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy promet "qu’il rendra leur week-end aux familles" ! Quelles familles exactement ?
En fin d’année scolaire 2007-2008, le décret n°2008-463 du 15 mai 2008 annonce la suppression des cours le samedi matin à la rentrée 2008 sans report des heures de classe (soit 2) sur les autres jours, sachant que la semaine scolaire pour les élèves était jusqu’alors de 26 h.
Ceci tandis que le 3 septembre 2007, dans un entretien au Parisien, Xavier Darcos avait dit à ce propos "je n’ai pas de solution miracle. Il faut examiner le problème et cela ne pourra pas être réglé en deux jours." Pourtant trois jours plus tard, dans les Dernières Nouvelles d’Alsace, Nicolas Sarkozy se prononce pour cette suppression des classes du samedi matin et le 27 septembre 2007, au 20 heures de TF1, Xavier Darcos déclare "Dès la rentrée prochaine, partout en France dans les écoles primaires, on ne travaillera plus le samedi matin et j’espère qu’ensuite, très vite, nous pourrons étendre le dispositif au collège !"
Un ministre n’a donc aucune idée personnelle qu’il serait prêt à défendre !
Il demande que les deux heures ainsi supprimées soient utilisées par les professeurs pour prendre en charge les 15% d’élèves en très grande difficulté, ce qui leur permettra de travailler avec ces élèves de "manière beaucoup plus soutenue et personnelle".
Déjà à ce moment là, ce sont les maires, sous l’égide de Jacques Pélissard, maire UMP de Lons le Saunier, président de l’association des maires de France, qui demandent à Xavier Darcos le report de la réforme, car il leur était alors suggéré que l’on fasse "l’école ouverte" le samedi matin avec des activités culturelles ou sportives proposées par les établissements ou les communes.
Malgré cela, ni grève ni manifestation n’ont réellement été organisées pour dénoncer cette "réforme" avec cette suppression du samedi matin de classe, bien qu’elle n’ait eu des vertus que pour le gouvernement, puisqu’elle a permis, comme l’a déclaré Luc Ferry, de supprimer 8000 postes d’enseignants spécialisés et de psychologues scolaires et ainsi de laminer les Rased (Réseaux d’aide spécialisées aux élèves en difficulté), étant donné que les enseignants allaient dorénavant prendre en charge les élèves en difficultés.
Pourtant en 2002, alors que Bertrand Delanoë souhaite basculer sur Paris le samedi au mercredi matin, les enseignants ont crié au scandale, assurant qu’il ne fallait surtout pas toucher au samedi matin, moment privilégié pour rencontrer les familles et revoir avec les élèves le travail fait durant la semaine ! De plus diverses études ont bien montré que la coupure de deux jours est plus néfaste que celle d’une journée et demi sur les états de fatigue des enfants et leur disponibilité aux apprentissages le lundi matin (Bourrillon et al., 2008 ; Delvolvé & Jeunier, 1999). Voici ce qu’on lit dans le Bourrillon : "L'enfant est une personne qui doit être protégée contre les risques d'un environnement immédiat, et dont les besoins (nutritionnels, affectifs, éducatifs) doivent être couverts par les parents et accompagnés par ceux qui en ont la charge (médecins, enseignants). Dans sa spécificité, il est unique. Les difficultés de l'enfant à l'école peuvent être, pour les adultes, un signal des soucis et des problèmes de sa vie d'enfant, de sa vie hors les murs de l'école, de ses éventuelles difficultés relationnelles ou sociales. Lieu privilégié d'observation, de protection et de prévention, l'école doit veiller à ce que chaque enfant soit en mesure de progresser et de trouver sa place, dans l'estime de soi et le respect des autres."
Dès le 19 janvier 2010, l’Académie de Médecine publie le rapport qu’elle vient d’adopter "Aménagement du temps scolaire et santé de l’enfant" dans lequel elle estime que l’aménagement hebdomadaire en 4 jours n’est pas favorable à l’élève et préconise d’aménager la semaine d’un écolier sur 4 jours et demi ou 5 jours. Parallèlement une mission d’information a été confiée à la Commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, sur les rythmes scolaires.
Auditionné en mai 2010 par cette Commission, Jean-Michel Blanquer, alors Directeur général de l’enseignement scolaire au ministère de l’Éducation nationale pour Luc Chatel, ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et de la Vie associative depuis le 23 juin 2009, s’était montré plutôt critique quant au passage à la semaine de 4 jours. Ainsi lit-on dans le rapport d’information de cette commission "Il est clair en tout cas que si la semaine de neuf demi-journées n’a pas été choisie, c’est parce que "le monde des adultes s’est entendu sur le monde des enfants" ! (p.12).
Jean-Michel Blanquer déclarait alors que la semaine de quatre jours et demi présentait plusieurs avantages, entre autres "la continuité de la semaine (…) bonne pour l’enfant", tandis que selon lui, celle de quatre jours implique des journées de six heures, ce qu’il qualifiait alors de "bien remplies, trop remplies" ! Il affirmait encore (p.29) "c’est dans le primaire que la question de la durée quotidienne de la journée scolaire se pose avec le plus d’acuité, en raison de l’âge des élèves."
Devenu Ministre, ses considérations ont visiblement changé, mais sur quelles bases exactement ?
Dans ce rapport, on lit encore (p. 37) : "Interdire la semaine de quatre jours". "En réalité, le point de départ de toute réforme en la matière étant connu – la semaine de quatre jours est insatisfaisante –, il suffirait de déterminer si l’on interdit, au niveau national, cette organisation et si l’on augmente sa durée d’une demi-journée ou d’une journée, voire de plus d’une journée.". Et le rapport affirme : "On ne rappellera pas ici les effets négatifs, qui ont été déjà évoqués, de la semaine de quatre jours sur la fatigue des élèves et la qualité des apprentissages." (p. 38).
Et parce qu’on n’est visiblement pas à une contradiction près dans ce pays, on lit encore : "L’opinion publique semble disposée à aller dans le sens d’un abandon de la semaine de quatre jours. Si dans un sondage publié en août 2009, 57 % des personnes interrogées jugeaient que la modification des rythmes scolaires de 2008 faisant passer la durée hebdomadaire de l’enseignement de 26 heures à 24 heures allait plutôt dans le bon sens, elles étaient 67 % à considérer que répartir le temps scolaire sur quatre jours et demi serait une bonne chose".
C’est pourquoi ce rapport se félicitait que la Conférence nationale sur les rythmes scolaires, installée le 7 juin 2010 par Luc Chatel, doive travailler pendant presque un an, le ministre ayant précisé qu’une réforme dans ce domaine n’entrerait en vigueur qu’à compter de la rentrée 2013. Et il insistait sur le fait de devoir faire preuve de réalisme, mais aussi de détermination en soulignant la nécessité de mettre l’enfant au centre de la réflexion.
De fait, le rapport d’orientation publié à la suite de ces travaux en juillet 2011, préconise un étalement de la semaine sur au moins 9 demi-journées, dont à l’école élémentaire une demi-journée supplémentaire.
Je crois qu’on peut conclure en disant "les rythmes scolaires en France, l’éternel retour" ! N’oublions pas que partout ailleurs dans le monde, les semaines des élèves sont de 4,5 jours au moins, quand ce n’est pas 5 jours ou même 6 jours.
Mais va-t-on encore longtemps jouer au ping-pong avec les enfants, en les envoyant d’un adulte à l’autre, de 4j à 4,5 j, sans être capables dans ce pays de trouver enfin une organisation au service de tous les enfants, possible à pérenniser car ayant fait réellement ses preuves (il en est, elle existe !) ? Tous les autres pays du monde ont été capables de le faire, le souhaite-t-on vraiment en France, ou utilise-t-on ce jeu idiot pour occuper les esprits pendant qu’on s’attaque à d’autres domaines de l’éducation qui auront des conséquences, elles aussi très graves ?
Comme l’écrivait en son temps Pierre Magnin "Les rythmes scolaires sont à la mode. Voilà sans doute l’un des flashes médiatiques parmi les plus mobilisateurs et peut-être une des plus fortes réserves de passion."
Le problème en France est que c’est une mode qui dure, faisant preuve plutôt de régression que de progression : et ce sont toujours les enfants les plus fragiles qui en font les frais.