François Dubet: l'école prise au piège de l'égalité des chances
Paru dans Scolaire le mardi 02 mars 2010.
Le "petit essai" de François Dubet, "Les Places et les chances" dépasse de beaucoup la seule question de l'éducation, qui n'y occupe, en nombre de pages, qu'une place minime. Elle est toutefois un élément essentiel de sa démonstration. Quand la priorité était à "l'égalité des places", la société s'efforçant de réduire les écarts entre les conditions sociales, l'Ecole était d'abord "soucieuse de préparer chacun à la place qui lui était attribuée dans l'ordre social: les enfants du peuple et ceux de la bourgeoisie, les filles et les garçons ne fréquentaient pas la même école". Nous sommes passés à l'égalité des chances, où chacun peut espérer "changer de position dans une société ouverte et active". Mais dès lors, "malheur aux vaincus", à ceux qui sont "d'autant plus responsables de leurs échecs que toutes les chances leur avaient été offertes". Nous sommes évidemment dans une "utopie", qui justifie "les avantages financiers et sociaux des plus diplômés" et la création d'un "marché scolaire", où chacun tente d'accéder aux filières les plus sélectives.
Mais "on oublie trop que les chances individuelles bénéficient des investissements collectifs" et que "la réussite de quelques uns n'aurait pas été possible sans le capital collectif des équipements, de la culture et des institutions qui leur ont permis de faire fructifier leurs talents. La justice des places est plus généreuse parce qu'elle ne permet pas d'oublier ce que l'on doit aux autres."
"Les Places et les chances", La République des idées, Le Seuil, 127 p., 11,50 €