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Etats-Unis : contre les armes, une jeunesse extrêmement bien organisée

Paru dans Culture le lundi 02 avril 2018.

Samedi 24 mars, 800 000 Américains ont défilé dans toutes les grandes villes du pays pour demander plus de régulation sur les armes. Les organisateurs de cette mobilisation sont des lycéens d'un établissement de Parkland. Le 14 février dernier, un de leurs camarades a tué 17 personnes dans le lycée. Depuis, leur mouvement a inspiré d'autres initiatives qui essaiment dans tout le pays.

"C'était un jour comme les autres. Vous entendez un bruit sec, vous vous dites que ce sont des feux d'artifice. Ce n'étaient pas des feux d'artifice. Vous voyez alors la (...) peau de votre frère devenir grise. Il s'appelait Ricardo". Seule sur scène, Edna Chavez, 17 ans, raconte comment la violence et les armes à feu ont détruit sa jeunesse, elle décrit "le traumatisme qu'(elle) transporte partout" avec elle depuis que son frère est mort, tué par balles dans la rue. Contrairement aux adolescents de Parkland, tous de familles assez aisées, elle mélange l'anglais et l'espagnol et parle de son quartier pauvre de Los Angeles, où la violence est présente partout. Plus tard, d'autres adolescents noirs décrivent cette même spirale qui endeuille leurs familles et marquent leur jeunesse. 

Une mobilisation très bien organisée

C'est sans doute là que réside la force du mouvement "Never again" - plus jamais - initié par les adolescents rescapés de la tuerie de Parkland. Ils ont rassemblé toute la jeunesse américaine, et même au-delà, s'appuyant notamment sur les minorités noires et latino, déjà très mobilisées dans le combat contre les armes à feu. En fusionnant plusieurs mouvements, ils espèrent faire plier le puissant lobby des armes, la NRA. Pour cela, une seule option : rallier assez de responsables politiques pour changer la loi. D'ailleurs, la marche à Washington, la plus importante, a lieu juste devant le Congrès, à quelques pas de la Maison blanche. Ce week-end là, Donald Trump est en Floride, dans sa résidence secondaire. Tout un symbole. 

Cette marche n'en est pas vraiment une ; sous un pâle soleil d'hiver, la foule est statique, face à une scène où alternent discours, diffusion de vidéos choc et performances de chanteurs pour adolescents. Ils sont une vingtaine à prendre la parole ; tous ont moins de 18 ans, et pourtant ils endossent presqu'un costume d'hommes et de femmes politiques, à l'image de Naomi Wadler, 11 ans, qui affirme être là pour représenter "les femmes afro-américaines victimes de la violence des armes à feu qui ne sont que des statistiques, au lieu d'être de magnifiques femmes promises à un brillant avenir". 

En un mois, les élèves de Parkland ont réussi à créer un mouvement large. D'abord, en mobilisant sur les réseaux sociaux. Dans la foule, Laura, 17 ans, lycéenne du Maryland en Virginie, a elle-même monté un groupe après la fusillade de Parkland. Depuis le début, elle tweete, poste des vidéos et des photos sur Internet. "Je suis sûre qu'après la marche, nous aurons un pic des adhésions à notre mouvement" confie-t-elle. Mais surtout, les lycéens de Floride ont levé des fonds. L'argent est indispensable pour se faire entendre aux Etats-Unis et grâce à leurs vidéos, les jeunes adolescents de Parkland ont obtenu de puissants soutiens : l'acteur George Clooney ou encore la présentatrice vedette Oprah Winfrey ont chacun donné 500 000 dollars pour aider à l'organisation de la marche. Enfin, ils ont interpellé les politiques. Sur les plateaux de télévision, mais aussi en allant les rencontrer ou en les inondant d'emails. 

Quel écho dans l'Amérique de Donald Trump ? 

La marche suffira-t-elle ? Difficile à dire, tant le lobby des armes est puissant outre-Atlantique. Pourtant aucun des manifestants ne demandent une interdiction totale de la vente d'armes à feu. Ils veulent plus de régulation afin que des armes de guerre ne puissent pas être vendues à des adultes de moins de 21 ans et une vérification du profil et des antécédents psychiatriques des individus désireux de se procurer une arme. "S'ils ne nous écoutent pas, nous les sortirons par les urnes!" scande la foule. C'est d'ailleurs leur plus grand espoir : réussir un raz-de-marée démocrate lors des élections de mi-mandat fin 2018 pour se faire entendre au Congrès. Parmi les manifestants de Washington, beaucoup voteront pour la première fois.

 

 

Clothilde Mraffko

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