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Accueil de la petite enfance et école maternelle, à quand l'intégration ? (France stratégie)

Paru dans Petite enfance, Scolaire le jeudi 15 mars 2018.

"Au cours des dernières décennies, une attention de plus en plus grande a été portée [dans de nombreux pays] aux conditions d’accueil et de scolarisation des jeunes enfants, et de nombreuses études plaident pour une démarche d’investissement social dans la petite enfance. Quel que soit le schéma [envisagé], pour lequel on peut s’inspirer de différents exemples étrangers, il faut adopter un regard global sur cette période de la vie des enfants, donc questionner notre modèle français, marqué par la césure à 3 ans." C'est la conclusion de la "note d'analyse" que vient de publier France Stratégie sur l'école maternelle.

Les auteurs, Daniel Agacinski et Catherine Collombet, notent que l'école maternelle française a longtemps fait figure de "pionnière dans l’accueil universel des enfants", et qu'elle a servi "de modèle à l’étranger". Ce n'est plus le cas, et ils pointent plusieurs problèmes, de moyens, de pédagogie et de structure.

 Une dépense par élève relativement faible

En ce qui concerne les moyens, "la France présente une dépense par élève relativement faible", avec 7 760 $ par élève et par an, un montant supérieur à celui de la Suède, de l’Espagne et de l’Italie mais "inférieur à celui des Pays-Bas, de l’Autriche, de l’Allemagne, du Royaume-Uni, de la Finlande ou encore du Danemark". Quant à la taille des classes, elle figure parmi les plus importantes (après le Chili et le Mexique), avec 23 élèves contre 14 en moyenne OCDE. "Certes, le ratio de la France monte à 1 pour 15 si on inclut les personnels d’appui mais il reste faible comparé aux autres pays (1 pour 11 en moyenne OCDE et UE-22)". Mais pour passer à 15 élèves par classe dans la moitié des classes de maternelle en REP+, il faudrait 2 000 enseignants supplémentaires, "soit un coût d’environ 80 millions d’euros par an."

"Avec environ 50 000 personnes occupant aujourd’hui des fonctions d’Atsem [Agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles] sur 100 000 classes maternelles, la France est loin d’un Atsem à temps complet par classe", relèvent encore les auteurs qui estiment qu'un renforcement de leur nombre "pourrait être expérimenté en parallèle de la hausse du taux d’encadrement enseignant, afin de déterminer l’option la plus efficiente pour améliorer l’école maternelle".

Une focalisation sur la préparation aux apprentissages formels de l’école élémentaire

Ils posent aussi la question de la pédagogie : "Notre école maternelle se caractérise par une forte et constante focalisation sur la préparation aux apprentissages formels de l’école élémentaire (...) à rebours des instructions initiales de Pauline Kergomard [considérée comme la fondatrice de l'école maternelle, aux côtés de Jules Ferry, ndlr], (...) qui se défiait des apprentissages trop précoces" au point qu'on parle actuellement de "primarisation de l’école maternelle", malgré "des tentatives récentes de rééquilibrage". La note évoque la création d'un cycle propre à la maternelle, le programme de 2015, les nouvelles modalités d’évaluation. "On peut toutefois s’interroger sur leur impact effectif, dès lors que les modalités d’organisation de l’enseignement n’ont pas été modifiées." Toutefois, les écoles relevant de l'éducation prioritaire qui ont mis en place de "très petites section" ont souvent engagé "une réflexion globale sur la prise en considération de l’épanouissement de l’enfant (...) qui s’est diffusée sur les pratiques de l’ensemble des sections".

La recherche scientifique montre d'ailleurs que "les compétences académiques" qui seront développées ultérieurement "doivent être articulées à d’autres compétences", notamment "la mémoire de travail", "le contrôle inhibiteur" [des impulsions], "la flexibilité cognitive", ou, pour le dire autrement, "la conscience, la persévérance, la motivation, la sociabilité, l’attention, l’autorégulation, la gestion de la colère, l’estime de soi et l’aptitude à différer la gratification". Entrer dans les apprentissage avec de telles bases "est plus important pour les enfants que de connaître l’alphabet et les chiffres".

La formation des enseignants et des ATSEM

On peut s'interroger. En 2013, la DEPP [le service d'évaluation de l'Education nationale] a identifié une hausse sensible du niveau des élèves à l’entrée du CP, et "on a pu y lire une validation indirecte du choix consistant à orienter la maternelle vers la préparation à la scolarité en CP". Mais "les résultats de la même cohorte à l’entrée du CE2 n’ont pas confirmé cette progression, ce qui a remis en doute l’efficacité durable d’une préparation anticipée des apprentissages du CP".

L'acquisition de ces compétences préalables suppose "une expertise pédagogique difficile à mobiliser par les enseignants habitués à des programmes davantage centrés sur la préparation explicite des apprentissages scolaires", d'autant que "le volume horaire consacré à la question dans la plupart des Écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) est faible" et que "la spécialisation des enseignants et l’adaptation de leur cursus aux particularités de l’école maternelle peuvent sembler insuffisantes au regard de ce que pratiquent nos voisins". Se pose aussi la question de la formation des ATSEM, pour lesquel.le.s la France n’exige "que le niveau CAP, alors que plusieurs pays requièrent pour ces personnels non enseignants un diplôme de niveau [bac], avec trois ou quatre années de formation."

La création de structures communes accueillant l’ensemble des enfants de 1 à 5 ans

La note met surtout l'accent sur la "forte césure" entre les modes d’accueil des enfants de moins de 3 ans qui "sont payants, et ne couvrent qu’un peu plus de la moitié de cette tranche d’âge" alors que l'accueil "est gratuit à l’école et universel". Certes le taux d’accueil de la petite enfance "est relativement élevé en France", mais "les inégalités d’accès en fonction des revenus parentaux sont aussi parmi les plus fortes". Le système dual apparaît de moins comme un modèle "face au développement en Europe des systèmes 'intégrés' d’accueil du jeune enfant". Le mouvement d’intégration a d'ailleurs été activement encouragé par plusieurs organisations internationales, l’UNESCO, la Commission européenne, l’OCDE ...

"L’intégration impliquerait la création d’un droit d’accès sans conditions [aux modes d'accueil de la petite enfance], comme cela existe déjà pour l’école maternelle, et un renforcement de la dimension éducative, aujourd’hui imprécise pour l’accueil collectif et encore plus pour l’accueil individuel"

Une telle évolution "permettrait de lutter de manière plus précoce contre les inégalités de développement du langage", elle devrait être financée à hauteur "d’environ 4,5 milliards d’euros, soit 0,2 point de PIB, à l’horizon 2030". Elle supposerait de confier "la responsabilité de l’accueil de tous les enfants de moins de 6 ans à un ministère unique chargé de l’éducation et de l’enfance". "La création de structures communes accueillant l’ensemble des enfants de 1 à 5 ans, encadrés par des enseignants et autres professionnels de la petite enfance (éducateurs de jeunes enfants, auxiliaires de puériculture, Atsem, etc.), matérialiserait sur le terrain le passage à un système intégré." Les assistantes maternelles pourraient rejoindre ces établissements d’accueil collectif.

A court terme, à plus long terme

Les auteurs sont bien conscients du nombre des problèmes à résoudre, ne serait-ce qu'en termes de "partage des compétences" entre l'État, les départements, les communes et les Caisses d’allocations familiales.

Pour France Stratégie, "deux grandes voies de progrès peuvent être envisagées pour l’école maternelle française. À court terme, en conservant la césure entre l’accueil du jeune enfant et la scolarisation, on peut chercher à renforcer la présence et la formation des personnels à l’école maternelle (...), expérimenter un renforcement de l’encadrement des élèves (...), améliorer la spécialisation des enseignants et la qualification des Atsem, mieux accompagner les innovations pédagogiques initiées par les enseignants. À plus long terme, l’évolution vers un système intégré, regroupant progressivement dans un dispositif commun l’école maternelle et les modes actuels d’accueil des enfants de moins de 3 ans est à envisager."

La note "Un nouvel âge pour l'école maternelle ?" est téléchargeable ici

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