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La Cour des comptes ouvre la voie à une réforme des évaluations du système scolaire (CNESCO, inspections générales...)

Paru dans Scolaire le mercredi 21 février 2018.

"L’évaluation n’a pas été conçue au sein de l’éducation nationale pour qu’elle devienne grâce à elle, une organisation 'apprenante' tirant les enseignements de ses succès comme de ses échecs" estime la Cour des comptes dans un rapport publié hier 20 février. "La France, qui est un grand pays disposant d’une culture statistique et économétrique reconnue et éprouvée, n’a pas été capable jusqu’à présent 'd’émettre' sa propre opinion sur le degré de performance de son système scolaire (...). Il en découle que la première recommandation de la Cour est de publier un rapport équivalent à celui de PISA."

Elle propose donc de créer une instance qui serait "chargée de l’évaluation" et qui publierait "un rapport pluriannuel sur la performance du système éducatif français (à l’instar des grandes comparaisons internationales)". Elle préconise aussi d' "établir une architecture rénovée de la fonction d’évaluation du ministère". Il faudrait "définir comme condition nécessaire et première de la fonction d’évaluation du système éducatif français, la mesure du niveau et des acquis des élèves durant et à la fin de la scolarité obligatoire", "systématiser les évaluations des élèves (...) en début et en fin des 3 cycles, puis à l’entrée et à la sortie de chaque année, par des tests standardisés dématérialisés", "développer les évaluations collectives, soit d’équipes enseignantes, soit d’établissements" et "développer l’évaluation des écoles primaires", "impliqu[er] les enseignants et personnels de direction dans des processus dirigés d’auto-évaluation, les usagers dans des formules participatives", utiliser des "techniques quantitatives (essais randomisés contrôlés)", "faciliter les innovations et expérimentations locales, y compris par des soutiens budgétaires ou en effectifs, dérogeant si besoin au cadre de droit commun des affectations".

 L’éclatement des dispositifs d’évaluation

Pour la Cour, "l’éclatement des dispositifs d’évaluation", CNESCO, inspections générales, DEPP, DGESCO, Conseil supérieur des programmes, comité de suivi de la Loi de refondation de l’École, secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, sans compter toutes les instances qui n'ont pas été reconduites, "aurait dû conduire à instituer un système ordonné. Or la volonté d’organiser cette fonction primordiale avec clarté et selon des modalités pérennes a fait défaut (...) Si des tentatives ont été faites pour moderniser l’évaluation au sein du système scolaire, (...) elles n’ont jamais eu suffisamment d’ambition pour installer une culture de l’évaluation progressivement acceptée par toutes les composantes du système scolaire" alors que les évaluations internationales "dont les conclusions puissamment charpentées, qualifient avec netteté la performance de chaque système d’enseignement".

L’évaluation des acquis des élèves par les enseignants et la certification du niveau atteint par des examens "ont longtemps suffi pour juger de l’efficacité du système scolaire français". Mais "cette vision classique, toujours indispensable, n’est plus suffisante (...) La massification des populations scolaires impose une sommation de la mesure des savoirs transmis, maintenant possible par l’emploi de modes d’enquêtes, plus systématiques et globaux, sous forme de tests le plus souvent numérisés." De plus, quand des expérimentations sont conduites, "c’est à l’initiative d’autres acteurs publics qui concourent au financement de dispositifs innovants : le Fonds d’expérimentation pour la jeunesse ou les opérateurs des programmes d’investissements d’avenir. L’association d’organismes de recherche existe mais au cas par cas, de façon aléatoire." Quant aux indicateurs fournis avec les lois de finances, ils "sont trop généraux pour fonder des arbitrages budgétaires".

Généraliser les contrôles des connaissances et compétences des élèves

La Cour évoque des "obstacles culturels", des blocages qui "demeurent nombreux", tandis que "la réalisation d’expérimentations de grande ampleur a été entravée par des oppositions de principe fondées sur un risque de rupture d’égalité entre les élèves et par la rigidité du cadre d’emploi des enseignants". S'y ajoute "l’instabilité des instances chargées de suivre l’évaluation du système scolaire" qui "ont changé trois fois en moins de 15 ans, de composition comme de responsabilités" ce qui fait qu' "aucune d’entre elles n’a pu asseoir son autorité dans la durée".

Le ministère de l’éducation nationale dispose pourtant avec la DEPP "d’un système statistique de grande qualité qui renseigne de façon fiable sur les cursus des élèves, les met en relation avec leurs caractéristiques familiales et socio-économiques (seulement pour le second degré) et leurs conditions de scolarisation (nombre d’élèves par division, d’heures d’enseignement par élève, etc.) et à un niveau relativement fin. En revanche, sa capacité diagnostique d’ensemble est limitée." Le rapport donne aussi l'exemple des débats autour de l’impact de l’éducation prioritaire, qu'il juge "confus". Il reconnaît toutefois la difficulté de ces évaluations : "Mettre en relation la mesure des résultats des élèves selon des tests normés et l’évaluation des pratiques des enseignants n’est pas chose aisée, et nécessite un effort de contextualisation et d’appréciation sur des séries longues." Mais les indicateurs de valeur ajoutée des lycées illustrent "qu’il est possible d’analyser des données pour forger une approche de la performance d’un établissement. En quoi serait-il impossible de généraliser ce type de travaux qui renseignerait sur chaque unité scolaire ? (...) Le déploiement actuel des technologies numériques dans les établissements scolaires et les progrès réalisés par les tests standardisés, rendent possible la généralisation de contrôles réguliers des connaissances et compétences acquises, pour un coût raisonnable car fortement dégressif. La généralisation des tests de compétences en classe de sixième à la rentrée 2017 ouvre cette voie. Grâce à un dispositif étendu d’évaluation des acquis des élèves, il serait non seulement possible de mesurer une performance collective, mais de décliner des données agrégées par équipes éducatives, par établissements, par dispositifs pédagogiques."

Une refonte "indispensable" des conditions d'existence du CNESCO

La Cour s'interroge longuement sur le fonctionnement et les apports du CNESCO. Le rapport évoque "le malaise existant sur le positionnement" du Conseil national d’évaluation du système scolaire. "Si cette instance dispose de jure de nombreuses compétences, elle n’a pas vu de facto son rôle et ses apports compris et intégrés, elle ne réunit pas en outre toutes les conditions requises pour assoir (sic) son autorité." Il estime qu' "une refonte profonde des conditions d’existence actuelles du CNESCO est indispensable".

"D’autre part le ministère devra mieux identifier le rôle respectif de ses inspections générales et administrations centrales et les adapter à l’insertion d’une instance chargée de l’évaluation dans l’architecture d’ensemble". Il faudrait surtout éviter "la confusion des genres dans les activités de l’inspection générale de l’éducation nationale entre intervention opérationnelle dans la conduite des politiques éducatives et évaluation de leurs effets". Le rapport n'épargne pas non plus la DGESCO. La direction générale de l'enseignement scolaire ne participe pas seulement au suivi des opérations qu'elle conduit, elle en dirige l'évaluation. "Il s’agit le plus souvent de dispositifs limités, par exemple l'évaluation du dispositif 'la mallette des parents- 2012-2013' ou celui des 'cordées de la réussite", mais parfois aussi de politiques à fort enjeu" puisque c'est elle qui a mis en place les comités de suivi du dispositif "Plus de maîtres que de classes" ou des rythmes à l'école primaire. "Quant à la politique majeure de l’éducation prioritaire, la position de la DGESCO est ambigüe : elle n’en assurerait que le suivi opérationnel grâce à la remontée de nombreuses données qu’elle demande aux rectorats de transmettre. En pratique, elle détient les clés du dispositif d’évaluation d’une politique primordiale pour répondre aux critiques sur l’inégalité du système scolaire français (...) Les frontières entre suivis opérationnels et dispositifs d’évaluation n’ayant pas été précisés au sein du ministère, la DGESCO se trouve dans la situation d’être l’évaluateur de ses prescriptions.

A noter encore dans ce rapport une critique de l'évaluation du programme PARLER qui a fait l'objet de "deux avis contradictoires produits par deux services du MEN utilisant des méthodologies différentes" ou, nettement plus sévère, de l'enquête "Lire et écrire CP" [dirigée par Roland Goigoux, ndlr]: "À partir des conclusions d’une étude couteuse, aucune position pour orienter des pratiques pédagogiques courantes n’a pu être dégagée." En revanche, la Cour se félicite de la mise en place du dispositif d'évaluation des CP dédoublés et du "plus de maîtres que de classes", et elle considère que l'évaluation de "la mallette des parents" a été conduite "de façon pérenne, progressive et maîtrisée"

 Le rapport ici

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