"La fragmentation des systèmes scolaires nationaux", un dossier de la Revue internationale d'éducation
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Culture le jeudi 25 janvier 2018.
Si la modernité a vu l’expansion et l’unification des organisations scolaires sous la houlette des États-nations, les auteurs du dernier numéro de la Revue internationale d’éducation, Anne Barrère, sociologue de l’éducation à Paris-Descartes et Bernard Delavaux, de l’université catholique de Louvain, émettent l’hypothèse que "la prééminence des systèmes scolaires dans les champs éducatifs tend à s’éroder lentement, sous les coup de boutoir d’initiatives multiples de familles, d’associations, de communautés, d’entreprises ou de fondations privées" et que "des processus de fragmentation déstructurent les systèmes scolaires nationaux".
Ce processus paradoxal heurte l’idée d’une mondialisation allant de pair avec une forme d’unification indifférenciée. Toutefois des processus similaires liés à l'hétérogénéité des populations et à des replis communautaires trouvent des formes particulières que décrivent des articles d’analyses, au Pérou, aux États-Unis, en Scandinavie, en France, au Sénégal et en Corée-du-Sud. D’autres facteurs interviennent, comme "l’aspiration à une vie autonome", le refus d’une assignation à "une identité du berceau à la tombe"... et constituent un terrain propice pour développer des actions locales comme les zones d’éducation prioritaire en France ou des projets locaux d’aménagement des rythmes scolaires plutôt "que se battre pour réorienter les cadres nationaux de l’école", pour reprendre l'expression de Bernard Delavaux. Ainsi comme le précise aussi Anne Barrère, "des réseaux se constituent", tel celui des écoles Montessori qui regroupe aujourd’hui 20 000 établissements , ou le bac international, 6000 établissements. Et si les initiatives foisonnent, les interrelations sont plus complexes qu’auparavant. Il en va ainsi de l’opposition public/privé : on trouve au Pérou des réseaux publics "chics" quand dans le même temps à Lima l’on trouve du privé "low cost". Anne Barrère ajoute : "le réseau jésuite n’est pas homogène non plus". C'est aussi le cas du réseau Montessori, certaines écoles étant très élitistes et d'autres ouvertes à des populations défavorisées/
En fait pour les deux auteurs coordonnateurs du dossier "la question des finalités doit être remise au centre", avec cette autre question "qu’est-ce que la citoyenneté ?". Et ils estiment que les chercheurs ne pensent pas assez le système scolaire en fonction des autres composantes sociales et d'autres offres éducatives, la formation tout au long de la vie, notamment.
"La Fragmentationdes systèmes scolaires nationaux", dossier coordonné par A. Barrère et B. Delavaux, la Revue Internationale d'éducation Sèvres, n° 76, décembre 2017, CIEP, éd. Sorbonne universités, 17 euros.
Michel Delachair