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Enseigner autrement l'histoire du nazisme pour faire comprendre aux élèves les phénomènes de radicalisation (Iannis Roder)

Paru dans Scolaire, Culture le jeudi 25 janvier 2018.

À quelques jours du 27 janvier, journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l'Holocauste, et juste avant le lancement des travaux du Conseil supérieur des programmes (CSP) pour l'élaboration des nouveaux programmes du lycée, Iannis Roder, professeur d'histoire-géographie en Seine-Saint-Denis, également formateur au mémorial de la Shoah et chargé de former des professeurs à l'enseignement de cette période de l'histoire, publie une note sur le site de la fondation Jean Jaurès : "Pourquoi et comment enseigner les violences de masse ?". Il y pointe les faiblesses de l'enseignement de l'histoire qui pourrait être, selon lui, au service de la compréhension des phénomènes de radicalisation politico-religieuses et fait quelques recommandations. Parmi elles, celles de ne pas limiter l'abord de cette histoire aux victimes mais de s'intéresser également aux bourreaux pour "que ces événements ouvrent à une réflexion politique", de consacrer plus de temps à l'étude du nazisme dans le cadre des programmes scolaires, d'étudier les autres violences de type génocidaire et d'étendre l'étude du djihadisme et du terrorisme islamiste aux filières technologiques. Cette note, écrit l'auteur, a "pour but de proposer le développement d'un enseignement politique de l'histoire des violences extrêmes, notamment du XXe siècle mais pas uniquement, afin de rendre intelligibles l'explosion actuelle des phénomènes de radicalisation mais aussi leurs manifestations violentes" et de s'interroger sur le rôle que peut jouer l'enseignement de l'histoire dans la compréhension de ces phénomènes, ainsi que "dans l'édification politique et civique de la jeunesse française".

Le temps consacré au nazisme est "relativement bref dans le cadre des programmes scolaires" et, en classe de troisième, en deux heures de cours "le travail de fond est impossible", juge en effet Iannis Roder. Aujourd'hui, indique-t-il, les horaires officiels invitent les professeurs de collège à traiter de la Seconde Guerre mondiale en 4 ou 5 heures de cours, Shoah comprise. Et si les élèves de première des lycées généraux et techniques revoient le nazisme "à raison de 4 heures", les élèves orientés vers les lycées professionnels "ne le revoient jamais". Or, souligne ce spécialiste de cette partie de l'histoire, "si le nazisme n'a idéologiquement rien à voir avec l'islamisme, les ressorts intellectuels et psychologiques qui animent les assassins d'aujourd'hui sont facilement identifiables chez les assassins d'hier". En outre, "le nazisme présente l'intérêt intellectuel et politique de concentrer les trois éléments que l'on retrouve dans l'islamisme radical : vision eschatologique de l'histoire (eux ou nous), vision obsidionale (l'autre veut me détruire, je ne fais que réagir), antisémitisme. Pour Iannis Roder, un travail "sur la force des croyances politiques et idéologiques doit rendre possible la mise en perspective des propos islamistes radicaux en permettant aux enseignants et aux élèves d'identifier les discours de type eschatologique, obsidional et antisémite".

S'éloigner de l'approche victimaire et étudier les idéologies pour offrir une grille de lecture des discours radicaux

En plus de consacrer plus de temps à cette histoire et plus généralement à l'histoire des "crimes de masse", il invite aussi à ne pas limiter son abord aux victimes mais également à s'intéresser aux bourreaux afin d'ouvrir "à une réflexion politique". "Prendre le temps d'étudier la manière dont les nazis envisageaient ce monde, (…) c'est-à-dire faire l'étude de leur idéologie, doit offrir aux élèves une grille de lecture des discours radicaux, d'hier et d’aujourd’hui", précise-t-il encore.

Pour l'auteur, la "forme" pédagogique présente un autre "écueil" : "les consignes pédagogiques ne vont pas dans le sens de l'entrée par l'idéologie, puisque celles-ci se concentrent sur les pratiques du totalitarisme (et leur comparaison) ce qui "ne permet pas de les comprendre" et "peut s'achever par une simple condamnation morale de ces régimes sans véritable compréhension des moteurs des dynamiques, condamnation qui n'apporte rien à la construction politique et donc citoyenne des élèves". 

Former les enseignants à aborder les autres violences génocidaires et le terrorisme

Dans la même lignée, l'enseignant invite à étudier "les autres violences de type génocidaire" qui "sont peu ou pas étudiées" . En effet, le génocide des Arméniens est abordé entre 30 et 55 minutes en troisième et 1 heure en classe de première des filières générales, seul le programme de terminale professionnelle invite "explicitement" à étudier le génocide au Rwanda, les violences religieuses qui déchirent l'Europe et la France au XVIe siècle "sont également quasiment absentes"...

Il estime également important d'étendre aux filières technologiques, dans les lycées, comme cela se fait dans les filières générales, l'étude du djihadisme et du terrorisme islamiste. Ce n'est pas le cas en première STI2D, STL, STD2A, et en classe de terminale en STMG, ST2S, constate l'auteur. Il estime également que les enseignements de la philosophie ou encore de la littérature "sont autant de leviers qui devraient être utilisés".

Enfin, pour l'auteur, la formation des enseignants à ces sujets reste trop lacunaire. Il n'y a "que très peu de formations dans le cadre des ESPE (Écoles supérieures du professorat et de l'éducation)", constate-t-il, et les formations continues dispensées par le Mémorial ne se font que "sur la base du volontariat". Or, il faudrait fournir aux enseignants "des outils intellectuels" permettant d'offrir aux élèves "une véritable réflexion politique et donc civique basée sur une connaissance de l'histoire et des événements historiques qui aident à mettre en perspective les discours radicaux et leur permette de reconnaître ce type de discours tout en ayant à l'esprit les dangers potentiels qu'ils véhiculent".

La note ici

Camille Pons

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