Numérique éducatif au collège : il faut encourager la co-gouvernance départements / académies / établissements à tous les niveaux (Livre blanc, ADF)
Paru dans Scolaire le mardi 19 décembre 2017.
Comment optimiser le développement du numérique éducatif au collège ? C'est la question dont s'est emparée l'Assemblée des Départements de France (ADF), en missionnant l'entreprise spécialiste des services numériques, Klee Group, pour la rédaction d'un livre blanc à destination des départements, "Les politiques départementales sur le numérique éducatif-Avancées et perspectives". Mis en ligne le 12 décembre 2017, ce document de 131 pages fait plusieurs préconisations dont celle de développer des gouvernances partagées entre départements, académies et établissements, dans tous les domaines liés au numérique : pour l'organisation des formations, mais aussi pour l'infrastructure réseau, le matériel mobile, les ressources pédagogiques en ligne ou encore l'ENT... Considérés comme les clés de réussite pour monter des projets, expérimenter ou encore optimiser les coûts, le partage et la mutualisation sont également encouragés avec d'autres collectivités, le privé, d'autres acteurs de l'éducation... Ce livre blanc vise à répondre à plusieurs besoins qui avaient été remontés par les collectivités à l'occasion d'une journée organisée par l'ADF en mars 2016. Parmi eux, "le fort besoin de partager les difficultés et les réussites et d'élaborer des projets communs", "le besoin de s'organiser localement et au niveau national pour ne pas se limiter à une approche décideur/payeur" et "le besoin que soient clarifiés certains points de la loi Peillon".
Les pistes d'orientations proposées ont été définies en s'appuyant sur des ateliers de travail réalisés avec les acteurs départementaux concernés par les politiques du numérique éducatif, des questionnaires d'autoévaluation qui ont été remplis par les départements - plus d'une soixantaine de départements ont apporté leur contribution -, des entretiens avec les délégués académiques au numérique (DAN), ainsi que l'observation de "8 départements représentatifs" et de politiques menées dans 6 autres pays ou territoires (Australie, Ontario, Chili, Corée du Sud, Finlande, Nouvelle-Zélande).
Co-pilotage pour les formations, les infrastructures, les ressources...
Parmi les orientations saillantes figure en effet celle d'encourager la co-gouvernance pour l'organisation des formations qui doivent être développées auprès de tous les acteurs des établissements scolaires. En effet, si le livre blanc préconise de répartir celles-ci en fonction des compétences des institutions, et donc de déléguer au département "les formations pratiques centrées sur les usages", et aux DAN "les formations par discipline construites avec les inspecteurs pédagogiques régionaux", l'organisation de celles-ci doit être chapeautée "par des instances de pilotage communes".
La formation n'est pas la seule thématique pour laquelle doit être instaurée une gouvernance partagée, selon les auteurs. Ceux-ci suggèrent également d'organiser des comités de pilotage et de gouvernance mêlant représentants des départements, des académies et des établissements, autour de chaque thématique liée au numérique éducatif : infrastructure réseau, matériel mobile, ressources pédagogiques en ligne, ENT, commission TICE…. Au sein de ces comités de pilotage et de gouvernance, les auteurs invitent par ailleurs à ne pas s'arrêter, au sein des collèges, à la seule représentation des chefs d'établissements et référents numériques, mais d'associer également des référents enseignants "par matière et projet EPI".
Faciliter le BYOD
Le partage des pratiques est un autre axe qui doit être travaillé, selon les auteurs, partage qu'ils encouragent au sein des établissements, mais aussi entre départements, et entre départements et établissements. Le livre blanc engage notamment à "créer des lieux de partage entre les départements sur leurs pratiques, à l'occasion notamment d'événements animés par l'ADF ou l'AVICCA (Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel) et ce, sur des bases régulières autour de thèmes éducatifs précis", mais aussi à "inviter les élus et des représentants à visiter les établissements, organiser des conférences et des cafés de partage d'expériences ou encore même produire des vidéos, des 'capsules' de ce qui se fait en cours". Enfin, autre suggestion notable, celle d'accompagner la DAN "dans l'élaboration d'un catalogue des applications qui ont fait leurs preuves".
Le livre blanc fait aussi des propositions d'orientations pour faciliter le développement de projets qui ne vont pas obligatoirement dans le sens de certaines mesures annoncées par le ministère. Les auteurs préconisent, entre autres, d'assouplir le cadre réglementaire de l'usage des smartphones et téléphones mobiles, alors que le ministre de l'Éducation nationale souhaite les interdire au collège, mais aussi le cadre d'usage des ordinateurs, appareils photos, caméras, enregistreurs de sons, moyens d'accès aux manuels scolaires, etc. Dans la même lignée, il est recommandé de "faciliter le BYOD [bring your own device, apportez vos appareils personnels, ndlr] pour les établissements et collectivités qui souhaiteront le mettre en place", et d'encourager les expérimentations autour du BYOD en vue d'optimiser les budgets. Les auteurs appellent néanmoins à le faire avec "vigilance", le BYOD "pouvant se révéler fort coûteux" selon les contextes.
Louer le matériel à des tiers, hors temps scolaire, pour couvrir une partie des coûts
Enfin, le livre blanc donne des pistes pour optimiser le coût, évalué entre 75 et 125 euros par élève et par an. Il encourage la mutualisation d'achats, "par groupe d'établissements voire par groupe de départements", mais également entre collectivités de compétences différentes, avec qui peuvent aussi être envisagées la mutualisation des ressources ou encore des études communes pour la construction des ENT. Il invite aussi à développer des partenariats public/privé, notamment avec des éditeurs logiciels, et à "saisir les opportunités de cofinancement lorsqu'un acteur présente des objectifs similaires" (autres collectivités, État, universités, CAF, CIAS, CCAS…). Autre proposition originale, il suggère de louer le matériel numérique sur le temps non scolaire à des "tiers qui deviennent des clients", "ce qui pourrait couvrir une part non négligeable des coûts de maintenance par exemple".
Enfin, les départements doivent aussi prévoir "une ligne budgétaire dédiée inscrite et récurrente". Parce que les outils et des usages sont "en perpétuelle évolution" et que les actions ne peuvent donc être menées "de façon ponctuelle", soulignent les auteurs, et parce que "sans maintenance, le risque est sérieux d'avoir investi à fonds perdu".
Le livre blanc ici
Camille Pons