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Le privé hors contrat n'a pas les mêmes obligations que le sous contrat, donc pas le même régime fiscal (Conseil constitutionnel - une analyse d'A. Legrand)

Paru dans Scolaire le vendredi 15 décembre 2017.

Une loi de finances rectificative a mis en place, en 1989, une taxe sur les locaux à usage de bureau. Uniquement applicable en Ile-de-France, en raison des problèmes spécifiques auxquels cette région est confrontée en matière de logement et pour y dissuader le développement des locations à usage de bureaux, codifiée à l’article 231 ter du code général des impôts, elle a vu élargir son assiette en 1998 et vise désormais aussi les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement annexés aux bureaux. Cet article prévoit en même temps des exonérations, en particulier pour les locaux administratifs et les surfaces de stationnement des établissements publics d’enseignement et des établissements privés sous contrat.

Une société civile immobilière, propriétaire de locaux à louer a contesté cette disposition, dans la mesure où elle exclut du bénéfice de l’exonération les établissements privés hors contrat (voir ToutEduc ici). Elle voyait dans cette différence faite entre deux catégories d’établissements privés d’enseignement une discrimination illégale "dès lors qu’aucune raison d’intérêt général en rapport avec l’objet de la loi ne permet de la justifier et qu’elle n’est pas fondée sur un critère objectif et rationnel en rapport avec le but poursuivi par la loi".

Une discrimination en matière fiscale

Elle a donc contesté devant le TA de Paris les décisions lui imposant le paiement de cette taxe pour des locaux qu’elle louait à un établissement privé hors contrat, ainsi que les majorations et indemnités de retard qui lui ont été infligées du fait de son refus de payer. Elle a en même temps soulevé une question prioritaire de constitutionnalité, en demandant que soit reconnue une violation du principe d’égalité devant les charges publiques. Le TA a transmis cette QPC au Conseil d’Etat qui, constatant que les conditions prévues par la Constitution étaient réunies, l’a renvoyée au Conseil constitutionnel.

Il appartenait donc à ce dernier de vérifier si une discrimination établie en matière fiscale entre les établissements privés sous contrat et ceux qui se situent hors contrat avec l’Etat était conforme à la Constitution. La réponse qu’il apporte à cette question, dans une décision du 15 décembre 2017, est positive.

Des critères objectifs et rationnels

Selon la jurisprudence constitutionnelle, le législateur peut porter atteinte au principe d’égalité pour régler de manière différente des situations différentes ou pour des raisons d’intérêt général : dans les deux cas, "la différence de traitement doit être en rapport direct avec la loi qui l’établit". Cette jurisprudence trouve évidemment un champ d’application tout naturel dans le domaine fiscal.

En l’espèce, indique le Conseil, "en réservant l’exonération aux locaux administratifs et surfaces de stationnement des établissements d’enseignement publics et privés sous contrat, le législateur a entendu favoriser les établissements participant au service public d’enseignement" en instituant un avantage fiscal direct, lorsqu’ils sont propriétaires des locaux en cause, ou indirect, lorsqu’ils en sont locataires. Reprenant une jurisprudence antérieure, il estime que la différenciation repose bien sur des critères objectifs et rationnels en rapport direct avec l’objet de la loi.

Ces critères se trouvent, selon le Conseil, dans quatre éléments : le caractère différent des obligations qui s’appliquent à l’établissement, selon qu’il est sous contrat ou hors contrat (par exemple la contrainte que font peser l’obligation de respecter les programmes officiels ou celle d’accueillir tous les élèves qui se présentent) ; le statut du personnel, constitué d’agents publics pour les établissements privés sous contrat, de salariés privés pour ceux hors contrat ; le mode de financement (par l’Etat et les collectivités locales pour les dépenses de personnel et du fonctionnement dans les établissements sous contrat) ; et la nature du contrôle exercé par l’administration. 

Le législateur est donc libre de réserver aux établissements sous contrat des avantages fiscaux dont il refuse le bénéfice à ceux se situant hors contrat, sans porter une atteinte inconstitutionnelle au principe d’égalité devant les charges publiques.

André Legrand

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