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Sexisme en ligne : une plateforme dédiée aux jeunes et aux adultes, pour aider à décrypter, agir et prévenir (Observatoire régional des violences faites aux femmes)

Paru dans Scolaire, Périscolaire le jeudi 23 novembre 2017.

L'Observatoire régional des violences faites aux femmes (ORVF), rattaché au centre francilien pour l'égalité femmes-hommes Hubertine Auclert, a lancé le 17 octobre 2017 une plateforme "Stop-cybersexisme". Le site s'adresse d'abord aux jeunes, objectif étant de les sensibiliser aux comportements sexistes et violents en ligne, mais aussi plus spécifiquement aux victimes et témoins à qui sont proposées des ressources pour agir, notamment juridiques, ainsi qu'aux professionnels et parents à qui d'autres ressources sont proposées, à la fois pour qu'ils puissent monter des actions de prévention, mais aussi appréhender l'univers du net et lutter contre des idées reçues. Le site a été lancé avec le soutien du ministère de l'Éducation nationale, auquel le centre est lié via une convention qui intègre un volet cybersexisme, et celui de la Région Île-de-France à laquelle il est associé.

Ce sont les résultats d'une enquête sur le cybersexisme, réalisée par l'Observatoire universitaire international d'éducation et prévention (OUIEP, université Paris-Est Créteil Val de Marne) et coordonnée par le centre Hubertine Auclert, qui ont motivé la création de cette plateforme. La thématique avait été identifiée lors d'un colloque de 2014, qui avait permis de faire le "constat que l'on ne disposait pas de données véritablement genrées sur le sexisme dans le domaine du numérique, contrairement au harcèlement qui fait l'objet de nombreux travaux", explique à ToutEduc Aurélie Latoures, chargée d'études à l'ORVF, qui a coordonné l'enquête et travaillé sur le contenu de la plateforme. La plateforme répondait aussi à une demande des partenaires jeunesse du centre qui remontait "depuis le terrain, l'impression que le cybersexisme augmentait, que les filles étaient davantage exposées, qu'ils ne comprenaient pas pourquoi et ne savaient pas quelles actions mettre en œuvre", poursuit la chargée d'études.

Les filles davantage exposées aux insultes sur l'apparence, aux contenus à caractère sexuel

L'enquête avait été menée entre octobre 2015 et avril 2016 dans 12 établissements scolaires franciliens et avait concerné 1127 élèves de la 5e à la seconde, ainsi que les professionnels qui les encadrent (4 adultes par établissement). Rendue publique en septembre 2016, "celle-ci a permis à la fois d'identifier ces violences mais aussi de comprendre comment elles se manifestaient", poursuit la chargée d'études qui souligne que l'étude portait sur ce que les jeunes vivaient en ligne mais aussi hors ligne parce qu'il était "important de ne pas isoler leur sphère sociale. Et nous avons d'ailleurs constaté une imbrication entre les deux sphères."

L'étude a ainsi confirmé l'existence d'un cybersexisme, au-delà de l'ampleur du phénomène global de violence en ligne : "les filles sont davantage exposées sur des comportements sexuels réels ou supposés, pour les insultes concernant l'apparence physique [20 % des filles contre 13 % des garçons, ndrl]", confirme la chargée d'études. Un phénomène "pas nouveau", mais "amplifié à travers ces outils numériques". À titre d'exemples, l'enquête montre que les filles sont deux fois plus exposées que les garçons lorsque leur petit ami "insiste" pour diffuser des images de leur intimité, 10 % contre 4 % de garçons voient des photos d'elles diffusées sans leur consentement et 17 % d'entre elles contre 11 % des garçons reçoivent des contenus à caractère sexuel sans avoir rien demandé. De même, "quand ils postent leurs photos, cela n'a pas les mêmes conséquences. Les filles, dans les commentaires, sont jugées plus négativement, alors que les selfies où les garçons montrent leurs pectoraux, permettent à ces derniers de gagner des points", observe Aurélie Latoures. Et autre constat, les jeunes qui sont "hors de la norme hétérosexuelle dominante, subissent le même type de violence".

Des ressources et tutoriels pour des procédures à suivre

La construction du site devait donc permettre de répondre à plusieurs enjeux, alors que l'enquête concluait, entre autres, que "la sociabilité des adolescents et adolescentes passe par la mise en scène et l'exposition de soi notamment via les réseaux sociaux, mais [que] cela n'a pas les mêmes conséquences pour les filles et les garçons" : en tête d'entre eux, "rompre", "au-delà de la honte" qu'éprouvent ceux qui subissent ces violences, "avec le fatalisme" qui entoure ces pratiques. Car, constate encore Aurélie Latoures, les jeunes sont "assez unanimes" pour dire que "l'on ne peut rien y faire. C'était donc quelque chose sur lequel il fallait travailler : internet n'est pas un espace de non droit, il n'y a pas d'impunité en ligne." Il s'agissait en même temps de proposer des outils pour "savoir comment agir", tout en faisant "appel aux comportements bienveillants, car souvent il y a de multiples agresseurs : ceux qui likent, ceux qui partagent mais aussi ceux qui se taisent."

En collaboration avec les avocates de la Fondation des femmes et les Féministes contre le cyberharcèlement, le site a été construit avec "trois entrées principales". Une première entrée, qui s'adresse avant tout aux jeunes, s'intéresse au décryptage du cybersexisme, en partant de témoignages, extraits notamment des entretiens individuels et collectifs menés durant l'enquête. Une deuxième partie, destinée aux victimes et témoins, propose des outils pour agir, comme des tutoriels pour supprimer des contenus en ligne, se protéger contre la déferlante de commentaires, bloquer des utilisateurs, signaler à Facebook que l'on veut arrêter la circulation d'une photo sur ce réseau..., volet qui a pour vocation "à se développer, à être actualisé". On y trouve aussi des réponses sur la façon de faire valoir ses droits, sur ce dont sont passibles, par exemple, les injures en ligne, dans une foire aux questions les plus fréquentes. Une troisième partie ("prévenir") s'adresse davantage aux professionnels, mais aussi aux parents. On y trouve actuellement 80 ressources pour mettre en place des actions de prévention et la liste d'associations qui ont été formées, suite à l'enquête, pour intervenir en classe sur ces questions. Les parents peuvent visionner des vidéos de sensibilisation ou trouver "5 bons réflexes à adopter en ligne".

Faire tomber des idées reçues alors que la culpabilité est renvoyée sur les filles

Le travail sur la prévention est d'autant plus important, selon Aurélie Latoures, que l'on risque sinon "de renforcer le contrôle sur les filles" lesquelles, comme l'enquête le montre au travers des entretiens collectifs mais aussi de ceux menés auprès des adultes, ont tendance à être culpabilisées. "On entend qu'elles n'auraient pas dû être dans cette situation, ce qui est aussi assez présent chez les adultes. Les professionnels veulent bien faire mais ils ont parfois des idées reçues et renvoient à des filles qui ont 'des difficultés', des 'problèmes'..., des discours qui peuvent culpabiliser aussi", regrette la chargée d'études. "Les professionnels ont tendance à pointer le fait que les jeunes filles ont été 'naïves', qu'elles n'ont pas bien mesuré les risques en s'exposant ainsi sur les réseaux sociaux", peut-on lire aussi dans l'étude.

"Faire bouger les idées reçues" fait d'ailleurs l'objet d'une rubrique à destination des adultes dans la deuxième partie du site "victimes et témoin" : un système de "questions / réponses vrai ou faux" doit permettre "de les faire s'interroger sur leurs propres représentations", poursuit la chargée d'études : "les remarques sur le physique, ça n'est pas si grave que ça, vrai ou faux", "le vrai danger, ce sont les inconnus, vrai ou faux", "il faut interdire les smartphones pour lutter contre le cybersexisme, vrai ou faux"...

Suite à l'enquête, l'ORVF avait aussi initié une campagne de prévention : un spot de sensibilisation et une affiche avaient été diffusés auprès des 1500 établissements secondaires d'Île-de-France. 60 000 brochures d'information avaient par ailleurs été diffusées auprès des adolescents en 2016-2017.

Le site ici

L'étude "cybersexisme chez les adolescent-e-s 12-15 ans" ici

Camille Pons

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