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Education nouvelle : une biennale des "pédagogistes" pour relancer une "dynamique d'émancipation"

Paru dans Scolaire le dimanche 05 novembre 2017.

"Je suis tellement heureuse, j'ai milité toute ma vie pour la réunion des mouvements pédagogiques." Malgré les fatigues de l'âge, Francine Best n'aurait raté pour rien au monde la "première biennale internationale de l'Education nouvelle" qui a permis aux militants de six mouvements de débattre pendant trois jours à Poitiers de ce qui fonde leur engagement. L'ancienne présidente des Céméa, ancienne directrice de l'INRP, se souvient des efforts de son prédécesseur Louis Cros dont c'était déjà le grand projet, mais il avait tenté d'y agréger des écoles privées innovantes comme La Source, et ce fut un échec. Elle-même, avec le "Climope" avait initié un regroupement encore trop large, mêlant mouvements pédagogiques et éducation populaire, et le rassemblement s'était délité. Cette fois-ci, elle en est convaincue, il s'agit de six mouvements capables "de redonner une identité forte" à l'éducation nouvelle.

Jean-Luc Cazaillon, directeur général des Céméa qui sont à l'initiative de cet évènement, évoque aussi le contexte politico-médiatique. "Nous avons perdu la bataille de l'opinion", ce dont témoigne le retour massif à la semaine de 4 jours. "Et qu'avons-nous fait pour le contrer ? Nous étions chacun de notre côté." Et pourtant, comme s'est efforcé de le démontrer l'historien Claude Lelièvre, il est pour le moins paradoxal que les anti-pédagogues revendiquent un héritage républicain et l'emportent ainsi dans le public, alors que "les grands Républicains ont pris très au sérieux les pédagogues" et qu'un Jules Ferry voulait "des éducateurs" qui ne dictent pas la règle à l'enfant mais la lui fasse trouver. Pour le président du Conseil, l'Ecole ne pouvait pas en rester "aux rudiments" (les "fondamentaux" d'aujourd'hui) et il pensait que le dessin, l'histoire, la gymnastique et même "la promenade scolaire" étaient "la chose principale".

Guizot a choisi la forme scolaire qui prévaut actuellement

Quant à notre forme scolaire actuelle, correspondant au modèle "simultané" (un maître pour un groupe d'élèves du même âge et de même niveau, ndlr), il est hérité des Frères des écoles chrétiennes, et un Lamennais pensait qu'il avait le mérite "d'habituer l'enfant au commandement", l'autorité magistrale du maître tenant au fait qu'il est "le lieutenant de Dieu". Au contraire, le modèle mutuel (les grands aident les petits, ndlr), qui avait les faveurs de Mme Guizot, "transforme chaque établissement en République". Guizot, qui a dû faire face aux émeutes sociales, a finalement fait alliance avec les conservateurs, mais cette opposition ne se retrouve-t-elle pas aujourd'hui entre Najat Vallaud-Belkacem et son éloge de Freinet, pour qui "le maître mot est coopération" et qui rêvait d'une "République sociale et démocratique", et Jean-Michel Blanquer, davantage intéressé par Montessori, et la créativité individuelle... Mais, font remarquer les organisateurs, ce n'est pas si simple puisque le cabinet du ministre de l'Education a commencé par leur refuser son "haut patronage" avant qu'un autre courrier n'indique qu'il répondait "avec un grand plaisir" à leur demande, et qu'il formait "des voeux de succès pour cette manifestation".

Pour Philippe Meirieu, qui se revendique de l'Education nouvelle, celle-ci n'apporte pas tant des réponses que des questions, qui sont toujours d'actualité : quels rapports entre sciences et pédagogie ? l'innovation, qui se situe toujours aux marges du système, fait-elle avancer tout le système ? Est-il d'ailleurs susceptible d'évoluer ? Peut-on parler d'une école efficace sans dire en quoi et pour qui ? Existe-t-il de "bonnes méthodes" ? Et surtout, le pédagogue doit "débusquer les ambiguïtés", les formules du type "épanouissement de l'enfant" qui n'ont pas grand sens.

"C'est la première fois qu'on construit quelque chose ensemble."

Sylvain Connac (ICEM) ne dit pas autre chose lorsqu'il évoque l'école comme "un lieu où les enfants trouvent les réponses aux questions qu'ils se posent", mais Jacques Bernardin (GFEN) précise qu'il s'agit de "constituer le besoin de savoir", ce qui n'a rien à voir avec un désir spontané. Roseline N'diaye (CRAP-Cahiers pédagogiques) ajoute "enseigner sans être pédagogue, ce n'est pas enseigner". Parmi les points communs entre les six mouvements qui se retrouvaient dans les locaux de l'ESEN (l'Ecole des cadres de l'Education nationale), la volonté très claire de se situer dans le cadre du service public, et non de "créer des écoles en marge", rappelle Jean-Luc Cazaillon (CEMEA). Mais s'ils ont beaucoup à partager, ils doivent aussi "se roder", "apprendre à travailler ensemble", ils n'ont pas les mêmes histoires, la même culture, ne serait-ce que pour gérer l'organisation d'un tel évènement. "C'est la première fois qu'on construit quelque chose ensemble." Et avec le souci de "redonner de la visibilité à nos mouvements" complète Catherine Chabrun (ICEM), mais aussi de sortir de ses champs habituels d'intervention. Traditionnellement, la pédagogie Freinet est surtout présente en maternelle et dans l'élémentaire, et beaucoup moins dans le 2nd degré. Pour S. Connac, "se retrouvent des gens intéressants qui ne se satisfont pas de l'état de l'école ... et de la société", qui éprouvent "le besoin de se retrouver pour faire front".

Cette "première biennale" pouvait-elle constituer ce moment fondateur ? Pour C. Chabrun, elle est l'occasion d'un "état des lieux", c'est la seconde qui permettra de se demander que faire ensemble. Mais si personne ne parle de "fusion", J-L Cazaillon évoque le besoin de "sortir des logiques des appareils nationaux", de créer des alliances de terrain, sur des objets communs, comme la question linguistique, qui intéresse à la fois le GFEN et les CEMEA..., de "recréer du nous identitaire". Déjà de nombreux militants sont "multi-associations". Roseline N'diaye a hâte d'être à deux ans, pour la biennale de 2019, que le titre de cette édition annonce, mais pour laquelle reste à faire un grand travail de préparation et de médiatisation, d'autant que, comme le souligne Yves Reuter, "les grands médias participent de l'incompréhension des enjeux scolaires", "des enjeux politiques qu'on ne soupçonne pas chez ceux qui résistent aux démarches pédagogiques", insiste Valérie Mélin (FESPI).

Les six mouvements organisateurs sont les CEMEA (et la Fédération internationale des CEMEA), le CRAP-Cahiers pédagogiques, la FESPI (la fédération des établissements scolaires publics innovants), le GFEN et l'ICEM-pédagogie Freinet.

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