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Education : "Il y a tout de même des raisons d’espérer" (Banque mondiale)

Paru dans Scolaire le jeudi 28 septembre 2017.

"Les progrès observés récemment dans le domaine de l’éducation sont impressionnants" : alors qu' "il a fallu 40 ans aux États-Unis — de 1870 à 1910 — pour faire passer le taux d’inscription des filles de 57 à 88 %, le Maroc a réalisé une progression semblable en 11 années à peine" et "en 2008, le taux d’inscriptions dans le primaire était quasiment le même pour un pays à faible revenu et un pays à revenu élevé", constate la Banque mondiale dans un rapport qu'elle vient de publier sur la nécessité de "prévenir une crise de l'apprentissage". Car, ajoute-t-elle aussitôt, "scolarisation n’est pas synonyme d’apprentissage". Dans de nombreux pays, "les enfants apprennent très peu". Au Ghana et au Malawi, moins de 20 % des élèves en fin de l'équivalent de notre CE1 sont capables de lire "un simple mot courant comme tu ou fin", au Pakistan seule la moitié des élèves de CE2 "pouvaient faire une soustraction du genre 54 - 25".

Certains pays réussissent à améliorer leurs systèmes scolaires : "le Chili, le Pérou, la Pologne et le Royaume- Uni se sont engagés résolument à réformer leurs systèmes éducatifs" et les résultats, sans être toujours "soutenus", suffisent "pour démontrer que les réformes peuvent donner des résultats probants". A Shanghai, au Viet Nam, en Corée, il a été possible d’obtenir "des résultats nettement supérieurs à ce que le niveau de revenu national pouvait laisser prédire". Dès lors, que peut préconiser l'organisation internationale ? L'un des facteurs d'amélioration s'impose : les enseignants. "Aux États-Unis, les élèves suivis par d’excellents enseignants progressent de 1,5 niveau scolaire ou plus en une seule année scolaire, contre 0,5 niveau scolaire pour ceux dont les enseignants sont médiocres". Shanghai s'en hissée en tête de PISA, "en partie grâce à des politiques veillant à ce que chaque classe dispose d’un professeur préparé, soutenu et motivé". Mais beaucoup de pays "ont du mal à attirer de bons candidats à l’enseignement et à leur donner des bases solides dans la discipline qui les intéresse ou en pédagogie". Une fois les enseignants en poste, "la formation continue qu’ils reçoivent est souvent incohérente et trop théorique. Dans certains pays, le coût de cette formation est énorme, atteignant 2,5 milliards de dollars par an aux États-Unis."

La Finlande et l'Afrique du Sud, la critique des études randomisées

Pour le reste, le rapport est très prudent. Alors que, dans chaque pays, les responsables "scrutent les [autres] systèmes qui affichent de meilleurs résultats scolaires pour y chercher des éléments dont ils pourraient s’inspirer", la Banque mondiale met l'accent sur l'importance des contextes et des effets systémiques. "Par exemple, au cours des années 2000, la quête de la formule magique qui permettait à la Finlande d’afficher de si bons résultats en matière d’apprentissage et d’équité a poussé d’innombrables délégations à visiter ce pays, phénomène auquel les Finlandais ont donné le nom de 'tourisme PISA'. Le système finlandais accorde une autonomie considérable à un corps d’enseignants très instruits", mais "accorder une plus grande autonomie à des enseignants insuffisamment instruits, non motivés et mal encadrés aura probablement pour effet d’empirer les choses. L’Afrique du Sud en a fait l’expérience au cours des années 90 et 2000."

Comment "identifier ce qui marche dans tous les contextes" ? Peut-on se fier aux études randomisée qui "mettent l’accent sur l’isolement judicieux de l’effet causal d’une intervention" ? Les analyses de Pritchett et Sandefur (ici) ou de Deaton et Cartwright (ici) invitent à la circonspection. "Il est possible que de telles approches ne tiennent pas compte d’importantes interactions" avec des facteurs qui ne joueront pas "lorsqu’on reproduit cette intervention dans un autre contexte". Le rapport donne l'exemple de l’augmentation de la taille des classes en Israël par l’adjonction de 10 élèves qui "s’est soldée par des notes quatre fois plus mauvaises qu’au Kenya, et n’a été suivie d’aucun effet dans certains autres contextes". Il faut tenir compte de "l’environnement politique et institutionnel dans lequel cette population se trouve".

Tous les résultats ne sont pas quantifiables

Peut-on aussi transposer à l'échelle d'un pays une expérimentation réussie ? "Cette approche se solde souvent par un échec parce que les principaux acteurs sont des êtres humains avec des aspirations et des limites humaines sur une scène politique survoltée (...) Quand le Gouvernement cambodgien a essayé de mettre à l’échelle les programmes de centres de développement des jeunes enfants et d’écoles maternelles — qui avaient pourtant fonctionné dans certaines parties du pays lorsqu’ils étaient mis en oeuvre par des organisations non gouvernementales (ONG) —, la faible demande de la part des parents et la piètre qualité des services se sont traduites par un impact nul sur le développement de l’enfant qui, dans certains cas, a même connu un certain ralentissement."

L'ensemble de ces considérations pose évidemment la question de la mesure des résultats d'un système éducatif qui a toujours d'autres objectifs que ceux qui sont mesurables, telle l'acquisition d’aptitudes non cognitives "comme la persévérance, la résilience et l’esprit d’équipe", un sens civique, la cohésion sociale... Mais si "les enfants passent deux ou trois ans sur les bancs de l’école sans apprendre à lire un seul mot", ils n'atteindront pas ces autres objectifs : "Les écoles incapables de doter les jeunes des compétences recherchées sur le marché du travail ne pourront pas non plus les préparer à créer des entreprises ou à analyser des chefs-d’oeuvre de la littérature."

Conclusion, les pays doivent s’attaquer "à l’épineuse question des obstacles systémiques d’ordre technique et politique qui empêchent le changement". Par "obstacles techniques", la Banque mondiale désigne sont qui sont dus "à la complexité du système, au grand nombre d’acteurs, à l’interdépendance des réformes et à la lenteur des changements" tandis que "les obstacles politiques tiennent aux intérêts contradictoires des différents acteurs". Certains enseignants ont ainsi intérêt à ce que le système fonctionne mal pour justifier de l'intérêt de cours particuliers. "Les systèmes qui parviennent à surmonter ces obstacles et aligner les acteurs et leurs intérêts sur l’apprentissage peuvent obtenir des résultats remarquables dans ce domaine." Elle considère que "les réformateurs" peuvent utiliser "une information et des indicateurs de meilleure qualité", pour construire "des coalitions qui militent en faveur de l’apprentissage" et favoriser "l’innovation et la souplesse".

"Rapport sur le développement dans le monde 2018 : Apprendre pour réaliser la promesse de l’éducation", Banque mondiale, téléchargeable ici

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