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Des chercheurs québécois pointent le potentiel éducatif du jeu vidéo Minecraft

Paru dans Scolaire, Périscolaire le vendredi 18 août 2017.

Deux chercheurs québécois, Thierry Karsenti et Julien Bugmann (CRIFPE, Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante), se sont intéressés au potentiel scolaire du jeu vidéo Minecraft en menant, en 2016-2017, une recherche "exploratoire" sur des élèves de deux écoles de la région de Montréal (Canada). Une motivation et une persévérance accrues, le développement de la collaboration, de compétences en mathématiques et en informatique, en communication écrite et orale, en recherche d'informations, un meilleur raisonnement inductif ou déductif... sont quelques-uns des 25 bénéfices qui ont été observés à l'issue de cette recherche-action menée autour de la pratique encadrée du jeu. Pour les chercheurs, le dispositif, organisé sur "seulement" 6 ou 8 sessions de pratique, 30 tâches et 10 niveaux à franchir, du plus simple au plus complexe, "a confirmé le réel intérêt pédagogique de la pratique encadrée du jeu vidéo Minecraft en contexte scolaire", et, pour eux, "il y a fort à parier que d'autres avantages émergeront".

Cette recherche, dont les résultats ont été consignés dans un document intitulé "Transformer l'école avec Minecraft ?", a impliqué, dans un cadre facultatif, 118 élèves âgés de 9 à 12 ans, issus de milieux où l'indice de "défavorisation" variait de 7 à 10 (10 étant attribué aux milieux socio-économiques les plus défavorisés). Le choix de cette recherche-action a été triplement motivé. D'abord, observent les chercheurs, parce "que l'importance du jeu en éducation est, depuis longtemps, valorisée par de nombreux auteurs" et qu'aujourd'hui, le recours à sa forme numérique, le jeu vidéo, (…) apparaît donc comme une évidence". Quant à Minecraft, il a été choisi parce qu'il occupe "la 2e place du palmarès des jeux vidéo les plus populaires de tous les temps", parce que dans des pays comme la Suède ou les États-Unis depuis 2013, des écoles ont décidé d'intégrer ce jeu à leur curriculum et qu'il est utilisé "un peu partout" pour enseigner la science, la planification urbaine, voire apprendre une nouvelle langue. Ce jeu vidéo possède de nombreuses similitudes avec les Lego et permet aux utilisateurs de déplacer des cubes, produire, et reproduire, des constructions en tous genres, mais aussi, grâce à l'univers virtuel, "de jouer avec l'eau, le feu, la terre, les arbres, etc.".

Meilleurs en recherche d'information, à l'oral et à l'écrit, y compris en anglais, en raisonnement

Les chercheurs observent d'abord des acquis directement en lien avec des attendus scolaires : mathématiques (mesures et calculs de volumes, périmètres, aires, etc.), informatiques (près de 80 % ont utilisé le code pour le passage de différents niveaux), en géographie et en histoire (grâce aux recherches que les élèves devaient effectuer pour créer des univers virtuels fondés sur des faits ayant existé : construction du Titanic, de la Tour Eiffel, du Forum Romain, etc.). Les élèves abordent également diverses notions en sciences (par exemple en cherchant les éléments permettant d'allumer un feu, faire fonctionner un train, pour comprendre des principes d'agriculture pour réaliser certaines tâches, comme faire pousser des plantes dans le jeu, etc.). Ils apprennent aussi à se repérer dans l'espace et font des progrès en résolution de problèmes : outre apprendre "à bien lire et comprendre un énoncé", observe l'animateur des ateliers, les élèves ont en effet dû "respecter des suites logiques et ainsi appliquer un raisonnement inductif ou déductif en mathématiques", écrivent les auteurs.

Les chercheurs observent également que la participation au jeu "a un impact direct sur la motivation des élèves". Ainsi, expliquent-ils, "même si la participation au projet Minecraft était facultative et se déroulait après l'école, très peu d'absences ont été constatées" et "la directrice d'une des écoles a même été contrainte de refuser des élèves (...) tant il y avait de demandes". Une plus grande "persévérance" a également été constatée, des élèves ayant "refait les tâches demandées pour améliorer leurs productions".

Développement d' "habiletés sociales"

Les élèves ont aussi développé des compétences en recherche d'informations, lorsqu'ils devaient se renseigner sur différentes manipulations à effectuer pour avancer dans les niveaux ("les élèves sont nombreux à avoir cherché comment effectuer telle ou telle manipulation sur YouTube"), fait des efforts sur l'écriture, ce qui a été constaté à la fois par les observations et les retours d'entretiens (lorsqu'ils écrivaient, par exemple, sur divers panneaux de signalisation présents dans les mondes créés), également en anglais, car plusieurs ressources trouvées n'étaient pas en français. Le jeu a, enfin, permis de stimuler leur créativité, de manière "accrue" "grâce à la concurrence entre ces équipes", constate l'animateur, alors que les élèves "ont aussi abondamment souligné l'aspect créatif inhérent à la pratique du jeu Minecraft".

Au-delà des impacts scolaires, la recherche a aussi permis d'observer le développement d' "habiletés" sociales : la coopération et l'entraide, selon les retours de l'animateur mais aussi des élèves (100 % affirment avoir déjà aidé un ami, et 90 % indiquent avoir joué en équipe). Une "réelle entraide" qui a contribué aussi "à offrir une ambiance de groupe positive".

Les chercheurs, qui estiment que "la méthodologie de recherche particulière", qui requiert dix instruments de collecte des données (questionnaires d'enquête, divers entretiens, en groupe, individuels, journal de bord hebdomadaire tenu par l'animateur, traces informatiques, productions...), permet de valider ces observations, invitent à développer cette pratique dans le cadre "parascolaire". Ils insistent néanmoins sur la nécessité de l'organiser dans un contexte balisé. "Sans cadre, les enfants risquent de ne jamais vouloir arrêter de jouer", avertissent les auteurs." C'est pour cela notamment que, dans cette recherche exploratoire, nous avons fourni à la fois un contexte scolaire (les niveaux) et un encadrement (un animateur)".

Karsenti, T. et Bugmann, J. (2017). Transformer l'éducation avec Minecraft ? Résultats d'une recherche menée auprès de 118 élèves du primaire. Montréal : CRIFPE, lire ici

Camille Pons

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