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Un autre statut d'enseignant, un travail sur les intelligences multiples, du péri au collège... des "innovations" qui pourraient faire mieux respirer l'école (ouvrage)

Paru dans Scolaire, Périscolaire le lundi 17 juillet 2017.

"Le poumon manquant", ce sont les maux qui "asphyxient" l'école, selon Jean-Marie Daru. Il en a fait le titre d'un ouvrage qui vient de paraître aux éditions du Mieux apprendre. Ce professeur d'anglais, qui exerce en lycée d'enseignement général et technologique et en lycée professionnel dans le département de la Vienne (38), ne fait pas qu'y poser ses propres diagnostics, il propose aussi des "outils" : des exemples de terrain, en France et à l'étranger, ou tirés de son propre vécu, expériences dont on pourrait s'inspirer, selon lui, pour répondre aux besoins très divers des élèves et donner un nouveau souffle à cette école. Une école qui serait "inspirante", et qui doit passer d'abord "par le développement de l'inclusion et de la coopération au sein du système éducatif".

Si l'auteur introduit son ouvrage en décrivant tous les corps en "souffrance" de l'école (le corps enseignant avec son statut en crise, la dégradation du lien avec les parents, la violence de certains élèves, le manque de formation... ; les élèves qui, plus ils avancent en âge, moins ils ont envie d'entrer dans l'école ; les parents...), c'est avant tout aux enseignants qu'il s'adresse dans ce livre. Enseignants dont on doit d'abord changer le statut, estime-t-il, pour les faire sortir de leur "zone de confort". Car le statut, certes, offre la sécurité de l'emploi mais pas un "cadre qui inspire et qui donne envie de se dépasser".

Sortir de la zone de confort et remettre en question ses pratiques

"Lorsque je suis dans ma zone de confort, je suis dans ma zone de médiocrité", écrit-il. Et c'est très vite, selon lui, au bout de quelques années, que les enseignants deviennent victimes de cette zone de confort. Car rien ne les pousse à remettre en question leurs pratiques "ancestrales", pas même les inspections, peu fréquentes, ni la manière dont on y mène l'évaluation. Chacun est donc invité à réinterroger ses pratiques.

À ce titre, il cite l'exemple, aux États-Unis, du programme de la Children's Harlem Zone. Geoffrey Canada, son fondateur, avait récupéré dans Harlem un établissement en zone prioritaire et constaté que, 5 ans plus tard, il affichait des résultats encore inférieurs à ceux de ces prédécesseurs. Il avait convoqué son équipe : "si dans 5 ans, nous n'avons pas réussi à inverser la tendance (...) je donnerai ma démission (…) Mais je serai le dernier à partir !" Depuis, l'établissement est devenu un "modèle de réussite" que Barack Obama a d'ailleurs voulu dupliquer dans une vingtaine de villes.

Travailler sur d'autres intelligences que mathématique et linguistique

Pas question de "copier" mais de s'inspirer de cette innovation. Comme les autres qu'il égrène au fil de 140 pages. Entre autres expériences évoquées figure aussi celle qui a permis, dans six écoles privées du Morbihan en 2013, de valoriser l'ensemble des "intelligences multiples" que le psychologue américain, Howard Gardner, avaient identifiées, alors que le système éducatif s'attache à n'en développer que deux, principalement au collège et au lycée : l'intelligence mathématique (compétences liées au raisonnement logique) et l'intelligence linguistique (lire, écrire, parler...). Pour ce faire, et avec l'aide d'une enseignante spécialisée, les enfants ont été invités à travailler en ateliers et à coopérer sur les notions à étudier en utilisant le type d'intelligence qui leur convenait le mieux (visuelle/spatiale, interpersonnelle, intrapersonnelle, musicale, corporelle...). C'est ainsi, observe l'auteur, qu'un élève de CM2 qui devait être orienté en SEGPA, "a été reconnu par les autres élèves de la classe comme expert en dessin". "Il a repris confiance en lui" et a pu poursuivre en 6e traditionnelle.

Autre innovation mise en avant par l'enseignant, l'évaluation par compétences qui a l'avantage de permettre à l'élève d'identifier les points sur lesquels il faut concentrer les efforts pour progresser plutôt que de se situer par rapport aux autres, et de considérer ses "pairs" comme des "collaborateurs" et non des "compétiteurs". Un système, estime-t-il, dans lequel "les plus faibles perdent moins courage". Il cite l'exemple du collège Gabriel Séailles de Vic-Fezensac, dans le Gers, qui a fait le choix d'abandonner progressivement les notes depuis 2008 et où, depuis 2012, "les résultats au DNB ne cessent de s'améliorer".

Un collège qui finit deux fois par semaine à 15h30 pour proposer du péris'collège

Est évoqué aussi le collège public Frédéric Mistral à Feyzin, près de Lyon, qui a reçu en 2017 la distinction "très prisée" "Changemakers school" décernée par Ashoka pour son caractère innovant. Notamment parce que cet établissement du second degré s'est approprié une partie de la réforme des rythmes de la loi de Refondation de 2013. Deux fois par semaine, les élèves finissent à 15h30 et peuvent volontairement participer aux activités "Péris'collège", mises en place dans le cadre d'un partenariat entre l'établissement et les structures municipales et associatives qui l'entourent. Des ateliers de sport, culture, cuisine, médias, découverte des métiers... sont animés par l'équipe éducative et des professionnels de l'animation (50 au total). Et les compétences acquises sur ces temps sont valorisés sur le bulletin. Résultat, constate l'auteur, en 6 mois, l'ambiance générale s'était apaisée et la vie scolaire ne comptabilisait aucune sanction-exclusion, du fait d'un "environnement non compétitif, valorisant" et où l'élève "est reconnu dans des acquis moins scolaires". Eduscol a publié d'ailleurs un bilan de cette expérience qui montre que, concernant les acquis, les élèves "approfondissent des notions abordées en cours, qui rentrent plus facilement dans les apprentissages" et "gagnent en confiance en eux, notamment grâce à l'accompagnement à la scolarité". Du côté des adultes, "le travail collaboratif entre enseignants et intervenants extérieurs à l'éducation nationale permet une pratique réflexive, mais également incite à des prolongements pédagogiques, notamment dans le cadre des EPI" (ici).

Dans cet ouvrage, pas de "méthodes miracles". Qui n'existent pas, de toute façon, pour "répondre aux besoins de tous". Jean-Marie Daru livre juste un regard et des expériences, pas nécessairement nouvelles mais qu'il juge innovantes et qui pourraient permettre, selon lui, de mieux appréhender les difficultés des enfants. Ces références de terrain, présentées sans jargon, rendent d'ailleurs le contenu facilement accessible à tous, que l'on soit acteur éducatif ou usager, enseignant ou parent. On peut regretter néanmoins que, pour certains des constats qu'il fait, l'auteur s'appuie parfois sur des données un peu anciennes. Il évoque ainsi quelque 140 000 jeunes qui sortent chaque année sans qualifications. Or, entre 2010 et 2016, ces derniers sont passés de 136 000 à 98 000.

"Le poumon manquant", éditions du Mieux Apprendre, 18€

Camille Pons

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