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Par sa fidélité aux engagements fondateurs, le mouvement Freinet est toujours porteur de l’ambition de "l’émancipation" (Le Nouvel Educateur)

Paru dans Scolaire le dimanche 02 juillet 2017.

Pourquoi la notion d'émancipation tombe-t-elle partiellement en désuétude à la fin du XXe et au début du XXIe siècle ? Cette interrogation est celle d’Henri Peyronie (université de Caen), sous le titre "L’ambition émancipatoire de la pédagogie Freinet : quelle actualité ?" dans le numéro de juin de la revue Le Nouvel Educateur qui a pour thème "Les chemins de l’émancipation".

Selon Henri Peyronie, les "sociétés industrielles" se sont profondément transformées en France et en Europe avec l’effondrement des bastions ouvriers de l’industrie et le recul de la classe ouvrière et de ses avant-gardes. Les ouvriers occupaient 40 % des emplois dans les années cinquante : il en représentent moins de 25 % actuellement. La petite paysannerie a disparu. Les classes moyennes se sont considérablement développées. Parallèlement, la quasi-totalité des régimes communistes ont disparu en même temps que les "grands récits" de la modernité et de la révolution. La mondialisation économique et financière s’est imposée, ainsi que la suprématie du néolibéralisme.

L’institution scolaire s’est, elle, massivement transformée : entre le début des années soixante et la fin du siècle, "la démocratisation d’accès à l’enseignement secondaire" s’est imposée. En France, la part des jeunes accédant aux différents baccalauréats est passée de moins de 10 % d’une classe d’âge dans les années cinquante à plus de 70 % actuellement.

L'émancipation a changé de sens

Le changement de statut de la seule classe ouvrière et de la petite paysannerie et la suppression des barrages de l’accès à l’instruction pour le plus grand nombre ne peuvent donc plus caractériser l’aspiration collective à l’émancipation. Pour l’universitaire, des proclamations sur l’intemporalité des discours d’émancipation anciens perdurent. Elles ne sont sans doute pas dénuées de légitimité. Mais rapportées au devenir du monde entre la fin du XXe et le début du XXIe siècle, elles peuvent apparaître autant comme révérence que comme référence aux principes fondateurs. Il rappelle que les documents de présentation de la pédagogie Freinet ont opéré une adaptation entre, d’une part, les catégories de pensée et les mots anciens et, d’autre part, le contexte contemporain : "une éducation qui prépare les enfants et les adolescents d’aujourd’hui à être capables d’agir sur le monde de demain", "une pédagogie émancipatrice, coopérative où l’enfant auteur à toute sa place".

Des poussières d'utopie

Henri Peyronie rappelle également que lors d’un colloque titré "La pédagogie Freinet…actualité d’une histoire en devenir", l’un des "grands témoins", l'universitaire Pierre Kahn, notait que "les historiens [avaient] beaucoup parlé de politique, mais les praticiens… pas du tout". Puis il proposait la formule "d’émancipation existentielle" pour caractériser l’aspiration contemporaine à l’émancipation portée par le mouvement Freinet. Henri Peyronie a pu constater, lui, que la liste d’échanges internes du mouvement fait apparaître de multiples objets de militance qui s’inscrivent dans ce que le philosophe Thierry Paquot nomme "des poussières d’utopie", qui se sont substituées aux grands récits historiques anciens des révolutionnaires et des réformistes européens : enjeux écologiques, droits de l’Homme et plus encore droits des enfants, devoir d’accueil de tous les étrangers dominés, pratiques alternatives de santé, nouvelles alimentations, dispositifs démocratiques hors institutions traditionnelles, psychologies du "lâcher prise" ou de "l’estime de soi"…

Et c’est sans doute plus par la pérennité des pratiques de classes (pratiques sans cesse réactualisées par cet intellectuel collectif qu’est le mouvement Freinet) et leur fidélité aux engagements fondateurs que par l’attachement formel aux mythes fondateurs de l’émancipation du XIXe siècle ou que par l’adhésion à certaines de ces valeurs empruntées à ces "poussières d’utopie" que le mouvement est toujours porteur de l’ambition de "l’émancipation" avec, entre autres :

-le refus de tous ce qui est connoté comme une organisation élitiste de la forme scolaire

-la très grande permanence dans le refus de la "scolastique" et l’action militante en faveur de situations scolaires qui aient du sens pour la totalité des élèves

-des pratiques scolaires qui invitent à des savoir-faire autant qu’à des savoirs

-la place faite aux milieux de vie des élèves

-la volonté d’une éducation du travail.

Et le tout avec l’ensemble des techniques Freinet...

Le site de l'ICEM ici

Arnold Bac

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