"Le vivre ensemble passera par un récit commun" (revue Le Sociographe, à propos des jeunes musulmans)
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Culture, Justice, Orientation le jeudi 29 juin 2017.
"Le seul véritable voyage n’est pas d’aller vers d’autres paysages, mais d’avoir d’autres yeux". Céline Chantepy-Touil, sociologue à l’Institut régional Jean Bergeret à Lyon, cite cette phrase de Proust en conclusion d’un article dans la revue Le Sociographe où elle relate un séjour humanitaire organisé pour quatre jeunes filles converties à l’islam.
Le dossier de ce nouveau numéro de la revue est consacré à "l’intervention sociale à l’épreuve de l’islam". Pour son coordonnateur, Ahmed Nordine Touil, cette série d’articles tente de répondre aux besoins des intervenants sociaux qui sont "de plus en plus nombreux à déclarer être exposés au référentiel religieux des personnes qu’ils accompagnent".
La protection de l’enfant
Faïza Guélamine, sociologue, responsable de formation à l’Association nationale des cadres du social, et Daniel Verba, sociologue à l’université Paris 13, décrivent "l’embarras qui saisit les travailleurs sociaux lorsqu’ils sont confrontés à la question religieuse et plus spécifiquement à l’expression ostensible d’une fraction de musulmans français qui souhaite faire valoir leur présence dans l’espace social". Ils doivent "composer avec leur mission principale d’accompagnement des personnes vulnérables et l’injonction publique d’identifier l’ultra-minorité de jeunes susceptibles de se radicaliser au nom de l’islam, sans rien lâcher du cœur de métier des professions socio-éducatives : la protection de l’enfant".
Shérif Toubal, éducateur et formateur en travail social, s’interroge sur "les enjeux autour de la langue" qui, si elle devient technique, s’interpose comme un écran et fait barrière entre deux mondes symboliques : "Deux langues s’opposent… la langue sacrée des parents et du Coran et la langue pratique de la République". Pour l’auteur "le vivre ensemble passera par un récit commun". Il constate que "la nouvelle génération prend sa place lentement et devient citoyenne, tout en désirant respecter ce qui fait référence pour elle, la parole des pères. Ils sont ces nouveaux Français que les travailleurs sociaux rencontrent au quotidien dans une langue teintée d’aphorisme islamique sur un versant et d’esprit républicain sur l’autre".
Pour "faire un pas de côté", comme le souligne son coordonnateur, ce dossier se termine par deux articles intitulés "Action caritatives et caractère religieux de l’intervention sociale en Algérie" et "La construction sociale des solidarités au Maroc : contrôler l’islam et gérer l’action sociale".
Revue Le Sociographe, n°58, Champ social éditions, 12€.
Colette Pâris