Un guide pour déminer les idées fausses sur la justice des mineurs (Journal du droit des jeunes)
Paru dans Périscolaire, Justice le mercredi 28 juin 2017.
"Les jeunes d’aujourd’hui aiment le luxe ; ils sont mal élevés, méprisent l’autorité, n’ont aucun respect pour leur aînés, et bavardent au lieu de travailler…" Ce n’est sans doute pas la première fois que l’on cite cette phrase de Socrate pour relativiser les opinions tranchées sur la jeunesse mais cette fois, elle introduit un guide publié dans le Journal du droit des jeunes qui veut "déminer" les idées fausses sur la justice des mineurs.
Cette l’initiative soutenue par la FSU, l’Union générale des fédérations de fonctionnaires - CGT, la Ligue des droits de l’homme, l’Observatoire International des prisons, et le Syndicat des avocats de France, présente sous la forme d’un quizz vrai/faux les principales assertions sur la délinquance de la jeunesse.
Une série de clichés
Des juristes, des magistrats, des sociologues, des assistants sociaux s’inscrivent en faux contre une série de clichés. "Les jeunes entrent dans la délinquance de plus en plus tôt." Faux, affirme Laurent Mucchielli, sociologue et chercheur au CNRS : "Ce ne sont pas les comportements qui changent mais leurs prises en charge." Il donne l’exemple du harcèlement qui mobilise les pouvoirs publics dès l’école primaire, ce qui "ne signifie pas que les comportements concernés soient nouveaux ou plus nombreux". Il propose qu’on s’interroge aussi sur l’âge auquel la délinquance s’arrête : "le chômage de masse qui frappe les jeunes peu ou pas diplômés constitue un obstacle majeur à la réinsertion. Il est ainsi probable que l’on assiste non pas à un rajeunissement, mais plutôt à un vieillissement de la délinquance."
"Les filles sont plus nombreuses à commettre des délits." Faux, s’insurge Violaine Carrère, intervenante en formation de travailleurs sociaux, "les femmes et les filles sont ultra minoritaires dans les statistiques. Pour les mineures cela oscille entre 10% et 15% des poursuites et moins de 2% pour l’incarcération et ce de manière fort stable." Elle ajoute : "L’annonce des chiffes de la délinquance féminine juvénile depuis 2010 témoigne surtout d’un emballement médiatique qui confine à la ‘panique morale’."
Une délinquance instrumentalisée
"Les parents des jeunes délinquant.e.s sont démissionnaires." Faux, réplique Guy Hardy, assistant social : "quelle belle explication simpliste de la délinquance des mineurs !" Sa pratique quotidienne lui démontre le contraire : "Comme de nombreux parents nous l’ont dit, bien plus que démissionnaires, ils se vivent si souvent démissionnés, mis à l’écart des responsabilités qu’ils souhaitent continuer à prendre et à assumer." Et l’auteur de "faire le pari de travailler ensemble dans un partenariat où parents et éducateurs apposent leurs compétences plutôt que de les opposer."
"Les jeunes délinquant.e.s sont tou.te.s d’origine des quartiers populaires", "La menace des peines lourdes peut enrayer la délinquance juvénile", ou encore "Un passage par la prison apportera aux jeunes un cadre et les remettra dans le droit chemin"… Autant d’idées fausses qui, selon les auteurs, ont largement circulé "surtout dans un contexte de campagne électorale où la question de la délinquance des jeunes est irrémédiablement évoquée et instrumentalisée".
Journal du droit des jeunes, n°361-362, 18€.
Colette Pâris