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L'autonomie, une construction délicate pour les systèmes éducatifs (Dossier de veille IFE-ENS)

Paru dans Scolaire le lundi 22 mai 2017.

"En quoi l’autonomisation des établissements permettrait-elle de faire face aux difficultés scolaires et de lutter contre les inégalités ?" demande Annie Feyfant dans le dernier "dossier de veille" de l'IFE. L'autonomie était une "proposition phare" de bon nombre de candidats à la présidentielle en France, mais déjà en 1902, une réforme des lycées conférait aux proviseurs des attributions nouvelles "sur les questions budgétaires, la gestion des ressources humaines" et "sur l’appropriation des programmes de l’enseignement aux besoins de la région et sur les cours qu’il serait utile de créer pour répondre à ces besoins". Elle associait "les enseignants à la vie et à la gouvernance des lycées". Et pourtant il est "difficile de trouver" des recherches qui établissent des corrélations entre autonomie des établissements et amélioration des apprentissages.

"Les recherches quantitatives montrent le faible impact de l’accroissement de l’autonomie sur la performance des écoles", même si "les établissements disposant d’une plus grande marge de manoeuvre quant au programme et à la pédagogie affichent de meilleurs résultats que les autres, ce qui n’est pas le cas de ceux qui disposent de plus de latitude en matière de gestion des ressources", estime l'OCDE. Le contre exemple est d'ailleurs celui de la Suède dont l'organisation internationale a déploré en 2015 le choix d’une forte décentralisation. "Un long rapport fait état de la dégradation des performances des élèves depuis 2000 et pointe, entre autres causes, les défaillances de l’administration locale de l’éducation, le manque de clarté quant aux priorités au niveau local et la nécessité d’un retour vers une définition de certains objectifs et stratégies au niveau national".

 Quelque 800 formes d'autonomie différentes

En règle générale, "l’objectif ou les enjeux de l’autonomie sont basés sur l’idée qu’elle est un moyen de contrer les inégalités (de territoire)" et les gouvernements néerlandais, britannique, suédois ou espagnol ont justifié les réformes par leur volonté d' "améliorer l’efficacité du système éducatif et [de] s’adapter à la diversité des élèves". Encore faut-il définir cette notion : "L’autonomie est un objet déclinable à plusieurs niveaux, celui de la gestion des ressources financières (ventilation des moyens affectés, collecte de fonds), celui de la gestion des ressources humaines (recrutement des personnels enseignants, octroi de suppléments salariaux) ou au niveau pédagogique (modes d’évaluation des élèves, choix du matériel didactique dont les manuels, définition du programme scolaire et élaboration de la grille des cours, mise en oeuvre d’expérimentations)."

La Banque mondiale avait répertorié en 2007 quelque 800 modèles de SBM (school-based management) et "on voit bien la difficulté d’une définition de l’autonomie des établissements, du fait d’enjeux, de représentations, de valeurs diversement compris et traduits, tant au sein d’un même système national d’éducation qu’entre systèmes, y compris dans des sphères culturelles proches". En France, le processus reste marqué par une "organisation très cloisonnée, sectorielle de la décentralisation" et une "opposition franche" entre l’administratif et le pédagogique. "Cette divergence quasi-idéologique ne se retrouve pas dans les pays où il existe une porosité entre les deux logiques fonctionnelles."

Des caractéristiques communes 

En revanche, les comparaisons font apparaître plusieurs caractéristiques communes. Alors que "depuis les années 1980, l’un des objectifs majeurs des réformes de l’éducation a été de donner un plus grand pouvoir de décision aux niveaux inférieurs du système d’éducation", "paradoxalement de nombreux pays ont accru l’influence de l’exécutif central dans la fixation des normes, la définition des programmes et l’organisation d’évaluations". Ainsi les Pays-Bas ont-ils mis en oeuvre "un processus centralisant les objectifs (programmes) et la vérification qu’ils soient atteints (évaluations) et décentralisant les moyens (gestion du personnel mais aussi construction des situations d’apprentissage)". Par ailleurs, l’autonomie des établissements scolaires s’est souvent développée dans le cadre de réformes mettant en place, ici ou là, un principe de quasi-marché" et elle a été "associée à une approche managériale de la gestion publique".

Autre corolaire de l'autonomie, la contractualisation, "entre le ministère et les académies", avec "des contrats d’objectifs de circonscription du premier degré, des contrats d’objectifs par établissement (...), des contrats de réseaux en éducation prioritaire", même si cette contractualisation reste en France "d’effet limité car elle ne s’accompagne pas d’une modulation des moyens ni de l’attribution de marges de manoeuvre réelles pour les acteurs contractants". Ailleurs, au Québec par exemple, "la logique comptable du système", "polarisé sur la performance à tout prix", a provoqué un "scandale des notes gonflées" et une attention moindre aux élèves en difficulté.

En Finlande, personne n'a de comptes à rendre

Selon certains chercheurs, "la Finlande peut être considérée comme un exemple de 'déviation positive' par rapport aux mouvements de réforme qui privilégient les tests, la gestion par objectifs, le dogmatisme dans la définition des programmes et la mise en concurrence des écoles puisque, précisément, aucun test n’est organisé à l’échelon national et que les plus jeunes élèves ne sont pas soumis à des apprentissages très structurés". Les programmes, "encadrés par l’État, sont déterminés au niveau des écoles et sont rédigés par les équipes enseignantes, au niveau des municipalités". La Finlande "n’organise ni épreuves harmonisées ni examens décisifs", et "le système repose sur la responsabilisation de chacun (...) vis-à-vis de ses propres élèves mais aussi par rapport à l’établissement et à la société dans son ensemble" sans que personne ne doive rendre des comptes.

La situation est très différente en France où "on observe une attitude ambivalente [des enseignant.e.s] à l’égard de l’autonomie pédagogique ; souhaitée dans les principes, elle est redoutée à plusieurs égards" et la demande d’autonomie pédagogique s'accompagne "d’une réticence, voire d’un refus, de toutes procédures de contrôle (y compris d’auto-évaluation ou d’auto-régulation) ressenties comme l’obligation de justifier des pratiques". Quant à l’existence de normes nationales, elle assure "une unité du système éducatif" mais "elle représente paradoxalement une plus grand liberté au niveau de l’établissement".

Conclusion, "il n’y a pas d’autonomie sans responsabilités collectives et sans intelligence collective, et l’intelligence collective est un construit" qui prend plus de "dix ou vingt ans".

"À la recherche de l’autonomie des établissements", Annie Feyfant Annie, .Dossier de veille de l’IFÉ, n° 118, mai 2017 ici

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