La famille a connu en 70 ans une "révolution anthropologique" (G. Neyrand)
Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire, Culture, Justice le vendredi 12 mai 2017.
"De 1945 à 2015, en l’espace de 70 ans seulement, nous avons complètement changé de société, de représentations de l’enfant, de conceptions des places parentales et de l’accueil de l’enfant." Evolution des mœurs, des savoirs, des sciences humaines et sociales, adaptation du droit, dans son nouveau livre, en format poche, Gérard Neyrand, sociologue (université de Toulouse), revisite les principales étapes de cette "révolution anthropologique".
Intitulé "L’évolution des savoirs sur la parentalité", cet ouvrage rappelle que, "dans la période 1945-1965, le modèle familial nucléaire et asymétrique porté par la bourgeoisie représente une norme incontestée à laquelle correspond une théorisation pointue des places familiales. C’est ce que développe une psychanalyse qui trouve dans ces années-là les supports pour une large diffusion de ses thèses, réservées jusqu’alors à une certaine élite."
Influence des "baby-boomers"
Puis, à la fin des années 60, l’accession massive des enfants du "baby-boom" aux études supérieures change la donne. Apparaît "un nouveau mode de vie, appuyé sur une autre conception des places des femmes, des hommes et des modes d’accueil dans le fonctionnement social". Taux d’activité féminin, taux de divorces, situations monoparentales, recompositions familiales, "les savoirs des sciences humaines suivent le mouvement, le bébé devient une personne et Dolto une référence centrale".
Dans les années 80, arrivent les premiers "bébé éprouvettes" et le développement des pratiques d’assistance à la procréation. "En parallèle, se réalise une explosion médiatique de la question des pères, confrontés aux séparations conjugales et à la difficulté du maintien des liens" et "en fin des années 90 émerge la question de l’homoparentalité".
Instrumentalisation politique
Face à ces évolutions, le droit et les institutions tentent de s’adapter. De nouveaux concepts émergent comme la co-parentalité ou la pluri-parentalité. Et Gérard Neyrand constate que "les savoirs des sciences humaines et sociales se trouvent d’autant plus profondément remaniés qu’ils font aujourd’hui l’objet d’une vulgarisation médiatique et d’une instrumentalisation politique sans guère de contrôle possible, évacuant les procédures de discussion et de validation internes à leur champ d’émission".
Par cette mise en perspective, l’auteur invite les parents, les intervenants et les professionnels à prendre le recul qu’il juge un "préalable nécessaire pour l’élaboration d’une position plus ouverte et plus sereine face à la diversité et la richesse des nouvelles situations familiales".
"L’évolution des savoirs sur la parentalité", Gérard Neyrand, Editions Fabert, 3,95€.