Recherche en éducation : repenser l'organisation du paysage scientifique (rapport)
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Orientation le jeudi 27 avril 2017.
"Si la qualité des recherches [en éducation] conduites n’est pas réellement en question, l’organisation du paysage scientifique comme les liens entre la recherche, les établissements d’enseignement et les responsables politiques méritent d’être profondément repensés", constatent Françoise Thibault et Catherine Garbay pour les alliances ATHENA (Alliance nationale des sciences humaines et sociales) et ALLISTENE (Alliance des sciences et technologies du numérique), dans un rapport remis à Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’Enseignement supérieur, en avril.
Les auteures soulignent que leur avis rejoint celui d’autres contributions sur ce sujet, diffusées dernièrement par différents acteurs (inspection générale, direction ministérielle, experts du conseil d’orientation stratégique des ESPE, experts mandatés par le ministère de l’Éducation nationale…). Ces différents documents "insistent sur le développement de structurations locales (fédération de laboratoires, développement des relations avec les ESPE...), sur une meilleure coordination nationale des acteurs, sur le besoin d’adosser la formation initiale et continue des enseignants à la recherche et sur la nécessité d’internationaliser davantage la recherche sur l’éducation".
Un programme stratégique sur la recherche en éducation
Dans leur rapport, Françoise Thibault et Catherine Garbay plaident notamment pour le lancement rapide d’un programme stratégique sur la recherche en éducation, "plus nécessaire encore qu’il y a quinze ans". Selon elles, il devrait être engagé par le ministère, l’inspection générale, l’Agence nationale de la recherche et les alliances ATHENA, ALLISTENE et AVIESAN (Alliance pour les sciences de la vie et de la santé). Objectifs : redéfinir les rôles et places des différentes parties prenantes, analyser les effets de la politique d’appels à projets, anticiper les questions en matière de programmation et observer les évolutions disciplinaires et la capacité (ou non) de la recherche à travailler sur l’ensemble des sujets majeurs, notamment du fait d'un problème des postes dans certaines disciplines.
Il s’agit aussi de favoriser "la consolidation d’un milieu scientifique". Celle-ci repose sur "une meilleure mobilisation des forces existantes, un soutien financier aux réseaux actifs de recherche" et "une rationalisation de l’ensemble de l’écosystème de la recherche en éducation". Parmi les autres priorités, le rapport pointe la diffusion de la recherche. "Les résultats de recherche sont de plus en plus nombreux et de moins en moins utilisés", résume-t-il. Il recommande donc de multiplier les rencontres entre le monde de la recherche, celui des décideurs et celui de la formation. "Au niveau local, les ESPE ont indubitablement un rôle à jouer pour faciliter la diffusion des connaissances scientifiques en direction des enseignants, des établissements et des rectorats". Dans ce cadre, il conviendrait "d’associer Canopé".
L’innovation ne doit pas éclipser les questions sociales
Françoise Thibault et Catherine Garbay insistent aussi sur la nécessité de développer "l’évaluation ex post pour donner une certaine latitude aux acteurs de terrain et capitaliser les réussites trop vite oubliées". Et de préciser : "Régulièrement, les évaluations manquent ou se caractérisent par leur caractère succinct voire peu approprié (par exemple l’utilisation des critères de publication pour juger d’un dispositif de recherche-action...). Pourtant, ces évaluations sont fondamentales pour l’action, les pratiques et pour l’avenir même de ces dispositifs."
Quant à l’innovation, il faut l’encourager scientifiquement, mais sans pour autant négliger les questions sociales. Sur ce point, le rapport prévient : "Il convient d’être attentif au fait qu’une conception réductrice de l’innovation, ne conduise pas à éclipser, dans l’esprit des responsables des politiques éducatives et de recherche, celles des coûts et profits de l’éducation, du décrochage scolaire, de la reproduction des inégalités, de l’histoire des disciplines et des manières de les enseigner, de la formation des enseignants, des programmes scolaires, du 'branding' des établissements, ou encore des questions liées aux écoles parallèles par exemple."
Le rapport (volume 1) est consultable ici
Le volume 2 dresse, lui, un état des lieux des travaux de recherche en éducation, à partir des contributions des chercheurs (ici).
Diane Galbaud