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"Des IUFM aux ESPE", une chronique pour défendre une vision humaniste de l'éducation (M. Esterle)

Paru dans Scolaire le mardi 25 avril 2017.

"La colère m'a prise, une de ces colères désespérantes qui ont clapoté dans ma gorge au cours de ces années devant l'absurdité de ces situations (...)". Maryse Esterlé a enseigné la sociologie pendant 14 ans à l'IUFM du Nord-Pas-de-Calais, plus précisément à Arras, et le soir où commence son récit, elle se trouve coincée devant une porte fermée par erreur, comme un symbole de la situation absurde dans laquelle elle se trouve, elle comme l'institution devenue un "labyrinthe dont nous ne trouvions pas la sortie". Cette chronique des années 2010-2013, de la réforme Sarkozy des IUFM à la mise en place, dans la douleur, des ESPE, est écrite sur un ton très personnel, et fait plus de place aux sensations, au vécu, qu'à l'analyse proprement dite, même si celle-ci sous-tend en permanence le texte.

Elle explique comment "l'école est devenue une entreprise avec son vocabulaire assorti : contrats d'objectifs, chefs d'établissement managers, enseignants qui gèrent leur classe comme un stock, avec ses réussites et ses déchets (...) Il faut s'y habituer : les élèves ne font plus de progrès, ils acquièrent des compétences. Ils ne sont plus courtois, heureux de vivre, soucieux des autres, ils maîtrisent des compétences sociales et civiques." Sa critique excède donc, de beaucoup, celle d'une réforme de la formation.

Une étudiante "grosse et rose"

Elle porte aussi sur sa vie quotidienne de prof TGV, qui court dans le métro parisien pour prendre le train gare du Nord, et qui, à son retour, trouve dans le couloir, à chaque fois qu'elle y passe, le même SDF silencieux, à genoux, bien droit au milieu de la foule qui s'écarte pour passer sans le voir, et elle fait, implicitement, le constat de cette inhumanité qui nous guette.

Cette difficulté nous concerne tous. Une jeune femme, une étudiante dont nous ne connaîtrons pas le prénom fait un exposé. Elle est "grosse et rose", "le cou presque aussi large que le bas du visage", sa peau se marbre de plaques rouges, elle est très légèrement bègue. "Elle colle trop au texte, c'est moyen, je m'ennuie un peu", commente l'auteure. Puis l'étudiante raconte comment, à chaque étape de sa scolarité, on lui a prédit l'échec, comment elle a eu, à chaque fois, la tentation de revoir ses professeurs et de leur dire "vous voyez". "Tout d'un coup, cette jeune femme grosse et rose, en nous parlant de sa souffrance, des mots blessants, des pronostics sinistres, de sa force et de son combat, devient belle, d'un rose sublime, illuminé. Elle grandit, ses rondeurs occupent l'espace, elle nous a fait taire."

Cette évocation d'une période difficile, durant laquelle "la formation des enseignants n'a pas disparu", contrairement à ce qui a été dit, mais "est devenue épouvantable", tandis que les IUFM connaissaient "la crise la plus violente de leur courte histoire", s'efforce aussi de toucher à l'essentiel, à ces instants où l'élève, l'étudiant, l'enseignant se reconnaissent. Et sa chronique s'avère être un plaidoyer pour une éducation nationale qui n'oublie pas qu'elle réunit des individus avec leur subjectivité, leur humanité.

"Où va la formation des enseignants, des IUFM aux ESPE, chronique d'un passage tourmenté", Maryse Esterle, Editions Petra, 186 p., 18 €

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