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La procédure de référé-liberté peut être utilisée en cas de refus de scolarisation adaptée d’un enfant handicapé (Conseil d'Etat, une analyse d'A. Legrand)

Paru dans Scolaire le mercredi 01 mars 2017.

Antérieurement scolarisé en CLIS dans l’académie d’Orléans-Tours, un enfant avait été orienté par la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapés (CDAPH) vers une unité locale pour l’inclusion scolaire (ULIS 1) au niveau collège. Faute de place disponible, les autorités académiques lui ont proposé une scolarisation en milieu ordinaire, en CM 1, CM 2 ou sixième. Dénonçant le fait que les adaptations nécessaires ne pouvaient y être mises en place, les parents ont engagé un recours en référé-liberté auprès du TA d’Orléans, en lui demandant d’enjoindre au recteur de l’académie de trouver, sous astreinte, une place disponible en ULIS 1 collège.

Ils invoquaient les deux arguments nécessaires pour permettre au juge d’accorder l’injonction demandée : l’urgence, liée au fait que la situation était de nature à aggraver les troubles dont l’enfant souffrait ; et l’existence d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Depuis la loi du 11 février 2005, le juge considère en effet que l’obligation pour l’Etat de scolariser les enfants handicapés de manière adaptée à leur état constitue une obligation de résultat, dérivant directement du droit à l’éducation. Mais, comme l’avait déjà souligné le Conseil d’Etat dans un arrêt de 2010, le caractère grave et manifestement illégal doit s’apprécier sur le fondement de deux critères : l’âge de l’enfant d’une part, et les diligences accomplies par l’administration, compte tenu des moyens dont elle dispose.

Deux erreurs de droit

Le juge des référés du TA d’Orléans a rejeté la demande d’injonction. Saisi en cassation, le Conseil d’Etat a confirmé ce rejet. Il a certes admis que la scolarisation en milieu ordinaire "ne répondait pas pleinement, nonobstant les différents aménagements spécifiques mis en place par l’administration, aux besoins de scolarisation tels qu’ils avaient été définis par la CDAPH du Loiret". Mais il a estimé que, dans les circonstances de fait, les difficultés rencontrées par l’enfant, y compris sur le plan psychique, n’entraînaient pas des conséquences telles que cette atteinte à une liberté fondamentale puisse être qualifiée de "grave et manifestement illégale". L’une des conditions nécessaires à la délivrance de l’injonction faisant défaut, celle-ci est refusée.

Tout en approuvant sur le fond la décision du juge de première instance, le Conseil exprime cependant un désaccord formel sur les motifs par lesquels il la justifiait et il annule donc l’ordonnance qu’il avait rendue ; il lui reproche d’avoir commis deux erreurs de droit, en exprimant ses doutes sur le caractère adapté de la procédure de référé-liberté à la situation en cause.

D’une part, le juge d’Orléans avait estimé, par prétérition, que "quelle que soit l’appréciation que l’on puisse faire (…) du caractère dommageable" du refus de scolariser l’enfant en milieu adapté, il n’apparaissait pas "que l’injonction sollicitée était une mesure de sauvegarde indispensable dans le délai revendiqué". Le juge, dit le Conseil d’Etat, aurait dû porter une appréciation concrète du caractère dommageable de la situation de l’enfant, le cas échéant après avoir tenu une audience publique et contradictoire.

Par ailleurs, le juge d’Orléans "avait exclu par principe l’opérance des moyens soulevés par les requérants". Il avait en effet indiqué que la nature des injonctions et les cas concrets d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale restaient "à inventer", s’agissant des situations où un enfant handicapé était privé de toute possibilité de bénéficier d’une scolarisation adaptée. "En d’autres termes, ajoutait-il, les dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ont été conçues pour permettre au juge des actes de l’administration de bloquer en urgence des mesures de police attentatoires à des libertés fondamentales ; elles sont malhabiles à obliger l’administration à des résultats dans le domaine social ou éducatif."

En exprimant de tels doutes sur le caractère opérationnel de la procédure de référé-liberté dans les cas de refus de scolarisation d’enfants handicapés, dit le Conseil d’Etat, le juge des référés a commis une seconde erreur de droit. L’atteinte grave et manifestement illégale au droit à l’éducation, créant une situation d’urgence, peut donc bien donner lieu à l’utilisation de la procédure par ceux qui en sont victimes.

 La décision du Conseil d'Etat ici

 

André Legrand

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