Santé des enfants placés : multiplicité des acteurs et absence de cohérence (rapport)
Paru dans Petite enfance, Justice le jeudi 23 février 2017.
Comment les enfants pris en charge au titre de la protection de l’enfance ont-ils accès aux soins ? C’est la question analysée par plusieurs chercheurs, dans un rapport financé par le Défenseur des droits et le fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie, diffusé en janvier.
Sur la base de deux enquêtes (quantitative et qualitative), les auteurs remarquent des difficultés de couverture santé dans des périodes charnières de prise en charge de l’enfant : le passage à la majorité et le retour en famille. Une situation liée au déficit de communication entre les institutions, mais aussi à un manque de préparation des jeunes et des parents à ces questions.
Parents et enfants désorientés devant la multiplicité d’intervenants
Déplorant une absence de parcours cohérent, le rapport relève "une complexité d’acteurs, d’institutions et de démarches", devant lesquels parents et enfants "semblent particulièrement désorientés". Ainsi, "les mineurs rencontrés ne connaissent que peu les modalités de leur couverture santé et les rôles différenciés de leur parent et de leur référent par exemple", précisent les chercheurs. Ces jeunes évoquent ainsi "des confusions dans la répartition des rôles entre leurs parents et les professionnels et une absence de communication et d’articulations entre la sphère parentale/familiale et institutionnelle".
La pratique du bilan de santé à l’arrivée de l’enfant dans le dispositif de la protection de l’enfance n’est systématique que dans 35% des situations ASE (Aide sociale à l’enfance) et 53% des situations PJJ (Protection judiciaire de la jeunesse). Quant au carnet de santé, "une majorité des acteurs semble avoir renoncé à pouvoir en disposer, celui-ci étant fréquemment perdu entre les différents lieux de placement de l’enfant et les acteurs doutant de l’exactitude et de l’actualité des informations renseignées".
Le soin psychique "inaccessible"
Le rapport note aussi un manque de connaissances des éducateurs face aux problématiques médicales. Pourtant, ceux-ci doivent "au quotidien porter la question de la santé auprès de jeunes qui se désintéressent de leur propre soin". Entre 31 et 48% des répondants des services de l’ASE "ne font pas de constats particuliers sur la santé des enfants placés". Les troubles signalés concernent les acquisitions, le langage ou le développement psychomoteur. Les éducateurs peuvent aussi noter des affections liées aux manques de soins et des troubles du trauma.
Du côté de la PJJ, tous les répondants relèvent des problèmes de santé spécifiques aux enfants placés : conduites addictives (plus d’un jeune sur cinq), problèmes dentaires, de sommeil, du comportement, de l’alimentation, ou conduites sexuelles à risques. Mais sur le plan des difficultés médicales, le soin psychique paraît "inaccessible en termes de consultations, de places et d’inadéquation avec les problématiques des enfants protégés".
Mineurs couverts par la CMU : une réticence de certains soignants
Par ailleurs, deux-tiers des services ASE et 59% des DTPJJ (directions territoriales de la PJJ) affirment que certains soignants sont réticents à accepter des mineurs couverts par la CMU. De surcroît, des médecins de ville "ne semblent pas assez attentifs aux spécificités du parcours de soin et des affections des enfants placés au titre de la protection de l’enfance".
Au final, les raisons financières – tiers payant, dépassements d’honoraires, problèmes de remboursement de la part de la mutuelle, etc. – expliquent les difficultés d’accès aux soins des enfants placés pour 57% des DTPJJ et 36% des services ASE. "L’accès à des consultations de spécialistes, la réception de soins dentaires ou d’optique sont les plus souvent compromis, tout comme les prises en charge psychologiques", soulignent les chercheurs.
Le rapport est consultable ici
Diane Galbaud