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Les sciences de l'éducation peuvent-elles rendre compte du travail des enseignants ? (A. Barrère)

Paru dans Scolaire le dimanche 19 février 2017.

Les sciences de l'éducation ne risquent-elles de "désespérer [les enseignants qui travaillent à] Saint-Denis, Roubaix, Vénissieux, Marseille-Sud, leurs alentours ou leurs équivalents" ? Anne Barrère reprend la fameuse formule prêtée à Jean-Paul Sartre dont la critique du communisme ne devait pas désespérer les ouvriers de Renault à Billancourt, et elle s'interroge sur la réception des résultats de la recherche par ses anciens collègues. Elle-même a été cette jeune agrégée de lettres nommée loin de chez elle, dans un collège du Pas-de-Calais, "chahutée assez durement par une classe de cinquième", "démoralisée" jusqu'à ce que la lecture de l'Histoire de l'Education d'Antoine Prost lui révèle qu'il est "normal" d'éprouver des difficultés, "d'être mise en porte à faux".

Sans le dire tout à fait explicitement, c'est bien le rôle qu'elle souhaite jouer à son tour, maintenant qu'elle est universitaire, professeure en sciences de l'éducation à Paris-Descartes, et elle reprend, sous une forme aisément lisible, les questions que posent les travaux de sociologie de l'éducation, en les confrontant à des anecdotes vécues, y compris des souvenirs personnels où elle n'a pas forcément le beau rôle, et en s'interrogeant à chaque fois sur les réactions qu'ils peuvent provoquer dans les "salles des profs". Elle les interroge avec les outils et le recul que lui donne la sociologie, et elle confère une certaine légitimité à leurs résistances, puisque celles-ci marquent une opposition "à qui entend contrôler ou même déqualifier leur travail par des injonctions expertes".

Des résultats de la recherche qui ne sont pas confortables

Elles se comprennent d'autant mieux que les résultats des recherches ne sont pas "confortables pour certains enseignants", notamment lorsqu'ils montrent que "certains exercices scolaires (...) qui sont très appréciés des élèves" comme de leurs professeurs parce que la classe est vivante, active, "ne favoris(ent) pas forcément l'apprentissage". De même l'idée que "les pédagogies du projet et du détour" seraient "forcément et tout le temps démocratisantes est loin d'aller de soi".

Anne Barrère remet en cause des certitudes, des catégories. Peut-on identifier les facteurs d'efficacité d'un enseignant, alors que cet enseignant va user de pédagogies différentes selon les contextes de classe ? La recherche, à l'encontre du sentiment majoritaire chez ceux à qui l'auteure destine son livre, établit que le redoublement est inefficace. Mais quelle est l'alternative ? "C'est la structure même du cursus qui apparaît en cause, et la question de l'efficacité ne peut remonter au niveau du système lui-même." Et que faire des résultats de PISA quand on est enseignant ? D'ailleurs, la science n'atteint-elle pas ses limites ? Elle ne rend pas compte du "plaisir de la relation avec les élèves" ni de "la nouveauté permanente des situations de travail". Ce livre, même s'il semble s'en défendre par moments, est aussi un hommage rendu à la ténacité de ses anciens collègues, et à la beauté d'un métier qu'il faut saisir dans le détail des interactions.

"Au coeur des malaises enseignants", Anne Barrère, Armand Colin, 208 p., 22 €

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