Face aux écrans, des adolescents en proie à la routine et à l’ennui (étude)
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Culture le mercredi 15 février 2017.
Comment les adolescents utilisent-ils le temps passé devant Internet ? C’est la question analysée par Joëlle Menrath, chercheuse en sciences de l’information, dans une étude publiée dans le dernier numéro de la revue "Enfances & Psy" (2016/4 n°72). À l’issue d’entretiens menés avec 30 jeunes issus de milieux sociaux et géographiques différents, elle constate que l’écran ne mobilise pas pleinement leur attention. Contrairement aux idées reçues, l’ennui occupe même une large place dans leurs pratiques.
Dans le discours de ces adolescents, apparaît ainsi "la lassitude, le trop-plein, l’inintérêt ou encore la disqualification des contenus et des services dont ils font pourtant couramment usage". Ils confient ainsi à la chercheuse : "Je fais ça comme ça, parce qu’il y a rien d’autre", "C’est pas intéressant mais on lit quand même". Quand ils consultent des sites, ils entrent dans une forme de routine, comme le relate une jeune fille de 17 ans : "Quand j’arrive chez moi, je pose mon sac, ensuite j’allume mon ordi, et c’est toujours pareil, je vais d’abord sur Facebook, puis sur Twitter, puis sur vdm, puis sur Instagram : rien de palpitant, mais bon, c’est ma petite habitude."
"Écrire un SMS comme on griffonne"
Sur la base de ces témoignages, Joëlle Menrath remarque : "allumer son ordinateur est un geste désormais équivalent à allumer la lumière de sa chambre". Via les réseaux sociaux, les adolescents expriment "ce qui leur passe dans la tête", sans réfléchir. "Écrire un SMS comme on griffonne, et prendre une photo comme on soupire, pour décharger un trop-plein d’excitation, sont des modes d’expression nés de l’ennui, mais qui ne s’en éloignent pas", analyse la chercheuse.
Toutefois, un domaine "résiste à l’ennui", souligne Joëlle Menrath : "la passion amicale propre à l’adolescence". Selon elle, si les jeunes se morfondent devant les écrans, c’est parce que ces outils numériques souffrent "d’un défaut de présence". "Être adolescent, c’est vivre avec ses amis, et non pas vivre avec son mobile", résume-t-elle.
L’étude est consultable ici (accès payant)
Diane Galbaud