Comment l'engagement de l’éducateur se traduit dans sa posture (un livre de X. Bouchereau)
Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire, Justice, Orientation le mardi 07 février 2017.
"La posture éducative chez l’éducateur spécialisé" est un livre inégal mais varié, grâce aux vignettes cliniques qui permettent de saisir les "mouvements invisibles" qui témoignent de sa capacité d'empathie dont l'auteur distingue trois strates, l’empathie directe qui permet "de se mettre à la place", l’empathie réciproque et enfin "l’empathie extimisante" qui "reconnaît à l’autre la possibilité de savoir quelque chose de soi", une description qui intéressera tout un chacun, même si c'est à l’éducateur, au "travailleur social" que l’auteur, Xavier Bouchereau, lui-même éducateur spécialisé en milieu ouvert pendant dix ans, s’adresse préférentiellement. Par "posture", il désigne aussi bien l'engagement explicite que des situations préverbales et des mouvements corporels. Il ajoute que "le lieu d’exercice conditionne en partie la posture : un éducateur d’AEMO (assistance éducative en milieu ouvert) ne peut en aucun cas se substituer aux parents même pour gagner du temps car il porte clairement préjudice à l’autorité parentale qu’il est censé soutenir" alors qu’à l’inverse, "un éducateur d’internat peut et même doit prendre des décisions dans la vie quotidienne de l’enfant confié".
C’est donc à une étude détaillée de tout type de postures professionnelles et de leurs implications subjectives selon le cadre, les propriétés de la posture éducative, les fonctions, les lieux, les mouvements, que l’auteur se livre avec nombre d’anecdotes illustratives. Il évoque par exemple "ces entretiens entièrement centrés sur le cadre et ses obligations, où il ne s’agit plus que de consignes et de réglementations et où finalement le corps de l’éducateur se raidit et se fige, engoncé dans ce qu’il croit incarner du cadre" alors que "l’éducateur et le soignant ne peuvent pas coïncider avec ce que l’institution propose (et) ne peuvent être les metteurs en scène de l’idéologie, ou les simples morceaux passifs d’une structure d’accueil".
L'auteur nous convie à comprendre les postures éducatives comme "des mouvements représentés" car "le vécu de l’autre ne parvient jamais (à l’éducateur) d’un bloc, parfaitement lisible, monolithique, il lui arrive toujours un peu déformé, fragmenté (…) ce que l’autre ressent ne lui parvient que représenté par les mouvements suivis par la psyché, ou plus précisément par les réactions que ces mouvements suscitent dans la relation". Il voit l’éducateur spécialisé comme un musicien de jazz : "Son interprétation est toujours personnelle, unique. A chaque nouvelle relation, il dépose sa signature, mais en prenant soin toujours de s’ajuster à l’autre, en restant à l’écoute de ses ressentis, en s’imprégnant des affects qu’il détecte, en se laissant traverser par les vibrations émotionnelles qui l’entourent."
La Posture éducative, Xavier Bouchereau, éditions ÉRÉS, janvier 2017, 15 €