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L’enseignement obligatoire est-il pensé comme "commun" à tous les élèves ? (Revue internationale d'éducation de Sèvres)

Paru dans Scolaire le lundi 06 février 2017.

"Si l’obligation scolaire évoquait plutôt, à l’origine, un devoir formel de scolarisation qui incombait aux familles contre le travail des enfants, elle interroge aujourd’hui les sociétés […]". Ce constat est tiré de l’introduction du dossier "Ce que l’école enseigne à tous" de la Revue internationale d’éducation de Sèvres. Roger-François Gauthier s'interroge : "Dans différents pays, quel sens donne-t-on à l’enseignement obligatoire quand il est conçu comme commun à tous les élèves ?" Professeur à Paris-Descartes et inspecteur général, il a coordonné ce dossier et s'inquiète : Existe-t-il un consensus social à ce sujet ? S’il y a bien enseignement obligatoire commun, quels sont les contenus privilégiés ? Sur quoi y a-t-il débat ? Enseigne-t-on des valeurs ? Quelle est la part des compétences pour la vie (les "life skills") concernant, par exemple, l’apprentissage de la vie en société ou du monde technique ? Quel est l’équilibre entre le local, le régional, le national, l’universel dans ce qui est enseigné ? Pour Roger-François Gauthier, ces questions ont une signification politique importante car il s’agit bien de définir une intervention de l’État sur deux libertés fondamentales : celle d’apprendre, celle d’enseigner.

Si les contributions réunies dans ce numéro de la revue (Algérie, Écosse, Espagne, France, Libéria, Québec, Roumanie, Vietnam) confirment que l’intérêt des politiques éducatives pour une école commune est toujours élevé, force est également de constater que ces dernières rencontrent d’immenses difficultés quand il s’agit de passer à la mise en œuvre. Loin d’aller de soi dans les développements actuels de l’éducation dans le monde, les politiques d’école commune sont, de fait, très contestées au nom du marché et de "libertés". Ainsi, l’Angleterre peut se déclarer presque ouvertement hostile au concept d’école commune. Or, cette école "commune" n’aura de chances de progresser que si elle montre qu’à la différence de propositions du marché, elle répond à une question : quel type d’élève, quel type de citoyen va-t-elle former ?

"L’école du commun doit avoir une valeur ajoutée incontestable."

Mais cette école est-elle la simple reconduction de l’existant avec "en plus" l’ouverture à tous ? Justement non, insiste Roger-François Gauthier : "L’école du commun doit avoir une valeur ajoutée incontestable." Une école qui veut, en effet, assumer la responsabilité de tous les élèves doit montrer en quoi ce qu’elle leur apporte est irremplaçable et les équipe pour la vie. Par des chemins différents et dans un certain nombre de pays, comme l’illustrent des articles qui composent le dossier, les mêmes préoccupations semblent renouveler les anciens curricula : concept de compétence, d’ "utilité sociale", d’acquisition de méthodes ; recherche de la plus grande pertinence des savoirs enseignés, plus grande attention portée aux valeurs qui ne sont plus distinctes de façon tranchée des savoirs eux-mêmes, attention portée au savoir être… De même, cette école qui veut inclure doit également viser une diversité des rythmes d’acquisition, des modes de savoir, ce qui suppose d’interroger les examens et systèmes de notation traditionnels.

Par ailleurs, "contre la loi du marché et du privé", il y aurait intérêt à une véritable "socialisation de l’éducation", c’est-à-dire à une mobilisation large de la société civile autour du sens de l’école commune. Celle-ci, qui permet à chacun d’apprendre, ne doit-elle pas être une école à la fois parfaitement au clair sur les grandes finalités - donc avec un sens politique d’autant plus fort qu’il serait à protéger des aléas du pouvoir exécutif -, et une école construisant les apprentissages de façon très autonome, avec une entrée démocratique qui donne sens, au niveau local, à la responsabilité civile en matière d’éducation ?

L’objectif de beaucoup de politiques éducatives d’avoir une école commune pour conduire tous les enfants à des connaissances, des compétences et une culture qui soient elles-mêmes communes sera compromis partout où les diverses tendances du marché prendront le pouvoir sur l’éducation et en feront un ensemble de biens éclatés dépourvus de sens social. Pour y faire pièce, l’adhésion durable des responsables politiques, des différents acteurs, de la population à l’école commune ne sera possible que si son objectif est véritablement expliqué, partagé, relié à une philosophie explicite de l’éducation comme bien commun et associé à des modes de gouvernance et d’évaluation eux-mêmes cohérents avec cet objectif.

La présentation du n° 73, "Ce que l’école enseigne à tous" de la revue, ici

Arnold Bac

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