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Jusqu'où un animateur culturel peut-il enchaîner les CDD (une analyse d'A. Legrand)

Paru dans Scolaire, Périscolaire le lundi 16 janvier 2017.

L’enchaînement des CDD pour un même salarié continue de poser problème, comme le montre un arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 28 décembre. Une personne avait été recrutée par la mairie de Gagny en 1985 comme animateur culturel à compter du 1er décembre 1984. En 1988, ses fonctions ont été élargies et elle est devenue responsable des arts plastiques au sein de la commune.

Sans doute suite au vote de la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique, elle a sollicité un CDI en 2006 et le maire a non seulement refusé sa demande, mais il lui a indiqué que le renouvellement exprès du contrat n’était pas nécessaire, la reconduction tacite pratiquée jusqu’alors ne conférant pas au contrat la nature d’un CDI, mais donnant à chaque fois naissance à un nouveau CDD. C’est finalement par arrêté que le contrat a été prolongé jusqu’en juillet 2007, l’intéressé se voyant recruter comme "assistant d’enseignement artistique" pour assurer 21 heures d’enseignement de dessin et 4 heures de coordination du département d’arts plastiques par semaine.

Les lois de 1984 et de 2005

Le recours présenté contre cet arrêté devant le TA de Cergy a été rejeté en 2010 et le tribunal a également refusé les conclusions tendant à la requalification du contrat en CDI. En 2015, la CAA de Versailles a également rejeté la demande de l’intéressé. La Cour a d’abord estimé que le contrat du requérant présentait bien le caractère d’un CDI : il ne fixait aucun terme à l’engagement de l’intéressé ; ce dernier n’ayant pas été embauché pour accomplir un acte déterminé, il ne pouvait avoir la qualité de vacataire, nonobstant le fait qu’il était payé à la vacation. Mais, ajoutait la Cour, les dispositions de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale interdisaient à l’époque de l’engagement de l’intéressé qu’il soit recruté dans le cadre d’un tel contrat.

Selon l’article 3 de cette loi, en effet, les collectivités territoriales ne pouvaient "recruter des agents non titulaires pour occuper des emplois permanents que pour assurer le remplacement momentané de fonctionnaires autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ou indisponibles en raison d’un congé … ou pour faire face temporairement et pour une durée maximale d’un an à la vacance d’un emploi qui ne peut être immédiatement pourvu" ; ou pour faire face à des besoins saisonniers, ou pour occuper des fonctions nécessitant des connaissances techniques hautement spécialisées.

Cet article a été modifié et complété par la loi du 26 juillet 2005, qui a autorisé les collectivités territoriales à recruter des agents contractuels, d’une part lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; et d’autre part, pour les emplois du niveau de la catégorie A, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient (dispositions figurant aujourd’hui dans l’article 3-4 de la loi de 1984 modifiée). Ces agents sont alors engagés par des contrats à durée déterminée, d'une durée maximale de trois ans, renouvelables, par reconduction expresse. La durée des contrats successifs ne peut excéder six ans. Si, à l'issue de la période maximale de six ans mentionnée à l'alinéa précédent, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée. C’est sans doute l’intervention de ce texte qui avait incité le requérant à demander la transformation de son contrat.

La transformation en CDI n'est pas garantie pour autant

La CAA, constatant que seuls les agents visés par ce texte avaient droit à la transformation de leur CDD en CDI, avait estimé que le requérant n’en faisait pas partie : l’intéressé prétendait certes exercer des fonctions de professeur d’arts plastiques, compte tenu des responsabilités qui lui avaient été confiées. Mais, ajoute la Cour, à supposer que ce soit le cas, les fonctions qu’il exerçait ne présentaient pas une originalité telle que l’emploi ne puisse être occupé par un fonctionnaire. Le recrutement d’un contractuel n’était donc pas justifié par la nature des fonctions ou les besoins du service. Dans ces conditions, a-t-elle estimé, la commune ne pouvait proposer à l’intéressé qu’un nouveau CDD.

Saisi en cassation, le Conseil d’Etat désavoue la Cour d’Appel. Dans sa rédaction issue de la loi de 2005, l’article 3 de la loi du 11 janvier 1984 distingue deux hypothèses différentes : celle où il n’existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes (c’était en 2005 le quatrième alinéa de l’article 3) ; et d’autre part (c’en était le cinquième alinéa, uniquement applicable aux emplois du niveau de la catégorie A), lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient. On doit déduire de cette distinction que le recrutement de contractuels du niveau de la catégorie A n’est pas subordonné à l’absence d’un cadre d’emplois de fonctionnaires susceptibles d’assurer des fonctions équivalentes. En se fondant sur cet argument pour refuser la demande du requérant, la Cour a mélangé les deux alinéas et elle a commis une erreur de droit.

Le Conseil annule donc l’arrêt de la Cour et lui renvoie l’affaire pour examen. Cela ne garantit pas au requérant qu’il obtiendra la transformation demandée : la Cour reste toujours libre de la refuser en utilisant un autre argument, par exemple en déniant à l’intéressé la qualité de fonctionnaire de catégorie A. Mais elle devra donc modifier son argumentation pour apprécier si le contrat doit ou non être transformé.

André Legrand

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