L'éducation prépare t-elle sufisamment les européens à l'emploi?
Paru dans Scolaire le lundi 18 janvier 2010.
Quelles sont les carrières et les trajectoires des jeunes adultes, après leur sortie de l'enseignement supérieur ? Si les économistes se penchent depuis longtemps sur les relations entre l’éducation et l’emploi, le lien entre éducation et productivité doit être actualisé en fonction de l’évolution des technologies. Christine Guégnard et Jean-Jacques Paul, chercheurs à l’IREDU (Université de Bourgogne), ont privilégié deux critères dans leur étude: Les diplômés de l’enseignement supérieur sont-ils des professionnels hautement qualifiés dans une société de la connaissance? Sont-ils des professionnels flexibles sur le marché de l’emploi? La société de la connaissance suppose en effet la formation d’individus capables de se mouvoir dans une société d’innovation.
PRECARITE. Les études montrent que les diplômés français commencent leur vie professionnelle par des contrats à durée déterminée, dans la moyenne des autres pays. Ils sont moins nombreux que les diplômés d’autres pays à avoir changé d’employeurs depuis leur sortie de formation et ils ont été plus souvent que les autres au chômage durant leurs premières années sur le marché du travail. Certains jeunes européens connaissent davantage la précarité comme en Espagne et en Italie. Néanmoins, la formation dans le supérieur reste l’un des meilleurs moyens pour l’obtention d’un emploi de qualité. Quatorze ans après leur entrée dans la vie active, 90 % des répondants occupent un emploi salarié à durée indéterminée.
INNOVATIONS. Les auteurs de l’étude s’emploient dans un second temps à déterminer la qualité de formation des étudiants et leurs capacités à faire face aux innovations. Sur ce point, les Français semblent moins bien préparés que leurs collègues européens. En 1999 (enquête CHEERS), les Français déclaraient avoir de bonnes ou d’excellentes capacités pour la recherche d’information. Par contre, ils s’estimaient plus faible que la moyenne européenne en communication orale, dans leurs capacités à prendre des responsabilités ou des décisions et en informatique. En 2005, l’étude REFLEX montre que la plupart des jeunes estiment être employés à leur niveau de compétences et de connaissances et affirment jouer un rôle dans l’introduction des innovations dans leur entreprise ou institution. Cependant, ils avouent aussi avoir certaines lacunes, notamment pour "l’aptitude à utiliser Internet et l’informatique", ou bien "la faculté à mettre en question leurs idées et celles des autres", ou encore "la qualité de rester à l’affût d’opportunités nouvelles".
VALORISATION. Selon l’enquête en cours CHEERS2, près de 71 % des diplômés européens estiment que leur emploi est approprié à leur niveau d’études. Le quart considère que la relation formation-emploi est restée proche. 10 % d’entre eux déclarent que leur travail est non approprié. La Norvège, la Finlande et les Pays-Bas se placent parmi les pays qui valorisent le plus les compétences de leurs jeunes diplômés.
FEMMES. Les enquêtes soulignent que presqu’un tiers des diplômés hommes ont suivi une formation en sciences de l'ingénieur. À l’opposé, un tiers de ces diplômées femmes ont entrepris des études dans les domaines des sciences humaines, littéraires et artistiques. Or, la société de la connaissance est associée à un développement important des nouvelles technologies de l’information et de la communication sur des marchés fortement concurrentiels. "La quasi-absence des filles dans ces formations scolaires et scientifiques apparaît dès lors comme un risque de désavantage, voire d’exclusion pour les femmes", concluent les chercheurs.
L’étude complète publiée par l’IREDU : Le professionnel hautement qualifié et flexible dans la société de la connaissance.