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Les humanités numériques, PISA, les nouvelles formes de l'engagement et de l'enseignement : la conférence OCDE - Ligue de l'enseignement

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Orientation le mardi 15 novembre 2016.

Il faut à la fois "maîtriser le codage et s'intéresser au sort des autres", a souligné Angel Gurria, le secrétaire général de l'OCDE, lors de la conférence organisée par la Ligue de l'enseignement sur le thème "Pouvoirs publics et société civile, co-construire l'avenir numérique" hier 14 novembre, en ouverture de la "Semaine de l'Education". Il souligne, comme la plupart des orateurs, que l'équipement en matériel numérique n'apporte "aucune amélioration perceptible" des résultats scolaires par lui-même, il n'a pas eu sur l'Ecole les effets qu'il a eu sur d'autres institutions, comme nos systèmes de santé. Pourtant, la révolution numérique est là, les emplois qui résisteront seront ceux qui supposent de la créativité et la capacité à gérer ses relations avec les autres : les salariés de demain auront besoin "de façon croissante" d'une capacité d'adaptation et nos systèmes scolaires "doivent s'adapter". Ce n'est pas la technique qui importe le plus, mais la manière dont elle est enseignée.

C'est d'ailleurs pourquoi le PISA va évoluer. L'édition 2015 comprend déjà une mesure de la "sphère émotionnelle" et de la capacité à collaborer avec les autres. Son édition 2018 comprendra un nouveau volet pour l'évaluation "des compétences globales" que Yuri Belfali, cheffe de division "Petite enfance et enseignement scolaire" de l’OCDE, définit comme "la capacité à agir au-delà de sa propre culture", ce qui suppose respect des autres, ouverture d'esprit, connaissances de l'interculturel pour être prêts à vivre dans un monde interconnecté... A noter que Gabriela Ramos, directrice de cabinet du Secrétaire général de l’OCDE nous aura prévenus, en ce qui concerne la France, le PISA 2015 confirmera le caractère inégalitaire de notre système éducatif.

"La révolution de ne se décrète pas"

Najat Vallaud-Belkacem souligne la nécessité de cette évolution de l'Ecole, car "l'avenir sera numérique ou ne sera pas", et souligne la nécessité d'agir, "nous sommes déjà demain", attendre serait prendre le risque d'être dépassés. Mais, de même qu'on n'apprend pas à lire pour seulement savoir lire "une notice de montage d'un meuble suédois", mais pour accéder à la littérature, l'enseignement de l'informatique doit permettre "au citoyen de donner du sens au monde qui l'entoure", d' "aborder internet avec un esprit exigeant". Elle souligne que le plan numérique s'appuie sur la formation des enseignants et l'accès à des ressources pédagogique "de très grande qualité", faute de quoi les outils ne seraient que des gadgets. La ministre de l'Education nationale sait à la fois "que la révolution de ne se décrète pas" et qu'il faut "une vraie transformation des pratiques des enseignants" (voir aussi ToutEduc ici). Elle ajoute qu'il faut "toujours penser dans le cadre territorial", puisqu'on assiste à un accroissement des usages du numérique par les parents. Elle cite la mise en réseau des écoles rurales dans l'académie de Clermont-Ferrand. 1 700 collèges et 1 800 écoles sont déjà des établissements numériques.

Nadia Bellaoui, secrétaire générale de la Ligue de l'enseignement, évoque elle-aussi la révolution numérique, mais insiste sur la force de l'intelligence collective qu'elle permet avec l' "open data" et le développement du libre, et qui est toujours supérieure à celle d'ingénieurs peut-être très compétents et très bien payés, mais isolés au sein d'une entreprise fermée. Cela vaut aussi en éducation, avec la possibilité augmentée des apprentissages entre pairs, et pour le monde associatif, qui peut ainsi "revenir au coeur de ce qui fait son génie", la co-construction de l'avenir, en l'occurrence l'avenir numérique. Hélène Grimbelle, secrétaire générale adjointe, évoque d'ailleurs la stratégie mise en oeuvre à travers "D'Clics numériques"* qui propose à tous les éducateurs, en formation initiale ou continue, les compétences de base sur lesquelles s'appuyer, dans le cadre des PEDT (projets éducatifs de territoire) et des PEL (projets éducatifs locaux), avant d'introduire des outils numériques, sachant qu'ils sont de plus en plus présents. Elle constate ainsi par exemple que, "depuis moins d'un an", les jeunes qui veulent créer une "junior association" se rencontrent "de façon numérique". Nous assistons à une transformation des formes de l'engagement, explique-t-elle.

Les "connaissances fondamentales" des "humanités numériques"

Pour Milad Doueihi d'ailleurs, l’informatique n'est plus seulement "vouée au calcul". "Internet est sans frontières, il modèle l’espace même que nous habitons", explique le titulaire de la chaire des "humanités numériques" à la Sorbonne. Il ne s'agit pas, pour les élèves, d'acquérir "la maîtrise d’outils qui évoluent sans cesse", mais des "connaissances fondamentales", ce qu'il appelle "la raison computationnelle et la pensée algorithmique" : "savoir formuler des questions pour que la machine donne des réponses pertinentes, savoir choisir un langage de programmation et programmer avec des objectifs clairs". Il faut surtout "veiller à ne pas dissocier l’aspect technique des dimensions culturelles, philosophiques et éthiques"**.

 Ange Ansour, chargée de la R&D éducation à la Ligue de l’enseignement, note toutefois des points qui font difficulté : ces nouvelles modalités d'enseignement sont-elles compatibles avec les formes de l'évaluation ? comment donner du sens à des algorithmes que personne ne sait lire ? ne faudrait-il pas plutôt avoir accès au cahier des charges donné par le maître d'ouvrage ? et comment passer à la mise en oeuvre généralisée d'une "culture lettrée contemporaine" ? Comment aider les enseignants à se l'approprier ? Comment, ajoute François Bonneau, président la Région Centre-Val-de-Loire, les "réimpliquer", comment penser "le lycée du futur", quand les cours inversés et le travail en groupes aura rendu obsolète l'architecture traditionnelle, avec, souligne-t-il, des problèmes très concrets et immédiats. Par exemple, lorsqu'on construit un internat, faut-il prévoir une infrastructure filaire, ou préférer le wifi qui permet à l'administration de couper les communications à 11h le soir ?

* Les partenaires de la Ligue sont Animafac, Canopé, les CEMEA, les Cnous, le CRI (de F. Taddéi), les Francas, Jets d'encre, 3 Hit combo, Colombbus (ici)

** Les citations de Milad Doueihi sont extraites de l'interview qu'il avait donnée avant la conférence au magazine de la Ligue de l'enseignement, "Les Idées en mouvement" (ici).

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