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Fonctionnaire d'Etat détaché dans un lycée : quelles règles en cas d'inaptitude ? (une analyse d'A. Legrand)

Paru dans Scolaire le jeudi 27 octobre 2016.

La loi du 13 août 2004 a transféré la gestion des personnels TOS des EPLE aux collectivités territoriales. En principe, désormais, c’est au département qu’il revient d’assurer le recrutement et la gestion de ceux qui exercent leurs missions dans les collèges (art. L. 213-2-1 du code de l’éducation) et à la région le recrutement et la gestion de ceux qui exercent dans les lycées (art. L. 214-6-1). Mais, s’agissant des personnels en place au moment du transfert, l’article 109 de la loi a ouvert à ceux qui avaient la qualité de fonctionnaire d'Etat un droit d’option entre deux solutions : devenir fonctionnaires territoriaux, ou conserver le statut de fonctionnaire en bénéficiant d’un détachement sans limitation de durée auprès de la collectivité locale concernée.

Le Conseil d’Etat vient, dans un arrêt du 21 octobre, de préciser un point important à propos de la répartition des compétences entre l’Etat et la collectivité territoriale. Un agent de l’Etat avait été placé en position de détachement auprès de la région Auvergne, dans les conditions précitées, pour occuper des fonctions d’ouvrier d’entretien et d’accueil dans un lycée. Comme il présentait une inaptitude physique à certaines des fonctions qui lui étaient assignées, la région et lui-même ont demandé au rectorat de mettre fin à son détachement et de le réintégrer dans les services du rectorat. Ce dernier ayant refusé de donner suite à cette demande, la région Auvergne a saisi le TA de Clermont-Ferrand en lui demandant d’annuler ce refus. Son recours a d’abord été rejeté par le TA, puis déclaré irrecevable par la CAA de Marseille.

La fin prématurée d’un détachement est prévue par les textes : elle peut résulter d’une demande du bénéficiaire, ou de l’administration d’accueil, ou de l’administration d’origine. Analysant les dispositions de la loi de 2004 et celles du décret du 16 septembre 1985, le Conseil d’Etat constate que c’est à l’administration d’origine, qui est investie du pouvoir de nomination, qu’appartient la compétence de mettre fin au détachement. En décidant que le recours de la région n’était pas recevable, dans la mesure où, selon elle, celle-ci avait la possibilité de décider elle-même la fin du détachement, la CAA de Marseille a donc commis une erreur de droit. Le Conseil d’Etat annule son arrêt et renvoie l’affaire à la CAA de Lyon.

Qui verse le salaire en attendant la réintégration ?

Il appartiendra à cette dernière de se prononcer aussi sur la demande d’indemnité présentée par la région. Celle-ci estime en effet qu’en refusant illégalement de mettre fin au détachement, l’Etat l’a obligée à supporter indûment la charge du maintien du traitement versé à l’intéressé.

En principe, selon le décret de 1985, lorsque la demande de mettre fin au détachement émane du bénéficiaire ou de l’administration d’accueil, l’administration d’origine est tenue d’y faire droit ; mais, lorsque la réintégration ne peut pas être immédiate (par ex., parce qu’il n’y a pas d’emploi vacant), les conséquences ne sont pas identiques dans les deux cas : si l’initiative vient du fonctionnaire, l’administration d’origine peut le placer en disponibilité jusqu’à ce qu’intervienne sa réintégration à l’une des trois premières vacances dans son grade ; dans l'attente, il cesse donc d’être rémunéré. En revanche, lorsque l’initiative vient de l’administration d’accueil, et que la réintégration ne peut pas se faire tout de suite, celle-ci est tenue de continuer à rémunérer l’intéressé jusqu’à ce qu’il soit réintégré à la première vacance. Dans le présent cas, la demande a été présentée par les deux. Il y aura donc un arbitrage à faire entre les deux hypothèses, qui devrait conduire, normalement, à l’application de la solution la plus favorable au fonctionnaire.

Mais surtout, dans le présent cas, on est dans une situation de responsabilité délictuelle, dans la mesure où l’Etat s’est rendu coupable d’une illégalité et qu’en principe, une décision illégale est par définition fautive. Il est donc probable que la Cour écartera l’application mécanique des textes précités et qu’elle accordera à la région la réparation de l’intégralité du préjudice qu’a entraîné la faute de l’Etat.

 

 

André Legrand

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