Enfants sans domicile : des troubles psychologiques peu pris en compte (enquête)
Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire, Justice le vendredi 21 octobre 2016.
Les enfants qui vivent sans domicile et sont hébergés avec leur famille dans des centres d’urgence ou à l’hôtel, présentent davantage de troubles psychologiques que les autres : c'est le constat d'une étude de l’Observatoire du Samu social à laquelle a participé l’Inserm, diffusée ce 21 octobre (par l'Inserm) et publiée par la revue European Psychiatry (numéro d'octobre).
Si ces résultats semblent logiques à première vue, cette enquête "a le mérite de faire le point sur ces risques et d’identifier plusieurs facteurs associés", souligne l'Inserm. Elle a été menée en 2013 auprès de 801 familles sans logement en Île de France, qui avaient passé la nuit précédant l’enquête dans un logement transitoire (le plus souvent un hôtel) dans l’attente d’un relogement. La majorité d'entre elles étaient migrantes et ne parlaient pas français, 93% vivaient sous le seuil de pauvreté avec un taux de chômage de 79%.
Près d'un quart des enfants ont des troubles du comportement
Cependant, près de la moitié des parents interrogés avait fait des études supérieures et le taux de scolarisation des enfants était élevé (89%). Pour chaque famille, un enquêteur et un psychologue bilingues ont interrogé la mère (ou, en son absence, le père), et un enfant âgé de 6 à 13 ans. Les questions portaient sur leur santé physique et mentale, leurs conditions de vie, la manière dont ils les percevaient. En parallèle, le psychologue a effectué une évaluation psychologique des enfants, portant sur différentes dimensions : problèmes émotionnels, troubles du comportement, hyperactivité et inattention, relations sociales difficiles...
Résultats : 28,3% des enfants rencontrent des problèmes émotionnels (anxiété, tristesse…) et près d'un quart (23,4%) des troubles du comportement comme de l’agressivité ou de la violence. De surcroît, 17,7% présentent des symptômes d’hyperactivité et d’inattention et 10,7% des problèmes relationnels. Ces pourcentages sont nettement supérieurs à ceux relevés au même âge parmi la population générale.
Il y a urgence à "mieux prendre en charge ces enfants"
Qui sont les enfants les plus vulnérables ? Les enquêteurs citent "ceux issus de familles provenant d’Afrique sub-saharienne, ceux ayant une mère dépressive ou malade, ceux qui n’aimaient pas leur lieu d’hébergement ou encore ceux sujets à des moqueries ou du harcèlement à l’école". Selon eux, il reste difficile de déterminer si les troubles psychiques des enfants naissent de ces difficultés, ou du fait de ne pas avoir de domicile. "Néanmoins ces facteurs sont pour la plupart associés aux conditions de vie précaires", estiment-ils.
Certes, des structures spécifiques sont proposées gratuitement à cette population, comme les centres de protection maternelle et infantile, mais elles n’évaluent pas toujours la santé mentale des enfants et rarement celle de leurs parents. "Or, les troubles psychologiques pendant l’enfance augmentent le risque de décrochage scolaire, de désinsertion précoce, ou encore de problèmes psychiatriques à l’âge adulte", soulignent les auteurs de l'étude. À leurs yeux, il y a urgence à "mieux prendre en charge ces enfants, à titre individuel mais aussi pour la collectivité".
L'enquête est consultable ici (en anglais)
Diane Galbaud