L'échec scolaire et la déscolarisation, sources de délinquance (étude)
Paru dans Scolaire, Justice le mardi 18 octobre 2016.
Quel est le profil des mineurs délinquants ? Dans une étude datée d'octobre, des chercheurs d'Aix-Marseille université analysent les dossiers judiciaires d'environ 500 jeunes, mis à disposition par la Direction territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse dans les cinq centres de milieu ouvert de Marseille. Premier constat, ces mineurs ont majoritairement redoublé, principalement à l'école primaire. Ce redoublement précoce "apparaît comme un facteur général de délinquance à l’adolescence, tout particulièrement pour les infractions à l’ordre public", soulignent les auteurs.
Ce phénomène révèle selon eux "l’aporie des politiques publiques qui, trop souvent, ne se mobilisent vraiment que lorsque les adolescents décrochent au collège, c’est-à-dire lorsqu’il est déjà très (parfois trop) tard". L'étude plaide donc pour une prévention précoce de l’échec scolaire. Globalement, la plupart de ces jeunes ont connu des problèmes lors de leur scolarité "favorisant pour beaucoup une ou plusieurs exclusions d’établissement". La majorité d'entre eux ont été déscolarisés entre un et trois ans. Cette forme de stigmatisation par les échecs scolaires "semble un terrain propice au sentiment d’exclusion dans lesquels les jeunes se retrouvent".
La déscolarisation en cause
Le rapport de recherche déplore le peu d’action menées de concert par la PJJ et l’Éducation nationale. Seul un tiers des adolescents (32,5%) ont bénéficié d’un aménagement de scolarité, leur permettant de se maintenir dans un système adapté à leurs capacités et leurs rythmes d’apprentissage. C'est l'un des principaux points noirs de l'enquête aux yeux des chercheurs, "dans la mesure où il apparait évident que la déscolarisation favorise l’oisiveté des jeunes et peut engendrer de fait un passage au délit et/ou un maintien dans la délinquance".
Outre la désaffiliation scolaire, ces jeunes présentent d'autres points communs : une grande précarité socioéconomique et des ruptures familiales. L'étude bat en brèche certains clichés, comme celui de petits trafiquants de cannabis surtout attirés par l’argent, "dont on suppose même parfois qu’ils ont volontairement quitté le collège pour cette raison". La réalité paraît bien différente : "il semble au contraire que l’on devienne souvent petit trafiquant à l’issue d’un échec scolaire très précoce, renforcé par la situation d’échec social d’autres membres de la famille (souvent le père et un frère) et ayant entraîné une addiction au cannabis qui a précédé sa revente, cette dernière permettant avant tout d’assurer une consommation quotidienne parfois très intense".
L’importance de la prévention des violences intrafamiliales
Autre observation, les jeunes dont les parents sont en "relation délictuelle" (c’est-à-dire ayant été au moins les témoins de violences conjugales) sont surreprésentés parmi les auteurs de délits, surtout d’infractions à l’ordre public. Ceux qui ont été eux-mêmes victimes de violences (notamment sexuelles) dans leur enfance sont également surreprésentés dans certains types de délits, en particulier les atteintes aux biens chez les garçons et les atteintes aux personnes chez les filles.
Les chercheurs en concluent : "tout ceci souligne l’importance de la prévention, de la détection et de l’accompagnement des violences intrafamiliales, concernant non pas seulement les adultes qui en sont les principaux protagonistes, mais aussi les enfants qui en sont a minima les témoins, lorsqu’ils n’en sont pas également les victimes".
Le rapport de recherche est consultable ici
Diane Galbaud