La révolution du numérique passe par "une succcession de petits matins" (N. Vallaud-Belkcacem)
Paru dans Scolaire le jeudi 13 octobre 2016.
"Certains espéraient peut-être un grand soir du numérique pour la rentrée 2016", mais "ce n’est pas d'un grand soir dont nous avons besoin, mais d’une succession de petits matins". Najat Vallaud-Belkcacem était, ce 13 octobre, au collège Jean Moulin de Chevilly-Larue (Val-de-Marne) où étaient présentées, dans le cadre du "plan numérique pour l'éducation", les ressources mises gratuitement à disposition des enseignants et qui couvriront progressivement tous les programmes des cycles 3 et 4 et le portail Myriaé.
Pour la ministre de l'Education nationale, la révolution en cours rappelle celle de l'imprimerie et les craintes qu'elle avait en son temps suscitées. Elle cite Jean Louis Vivès, qui, vers 1520, s'effrayait que "la quantité de livres soit désormais si immense [que] nombre d’étudiants sont pris de terreur et de haine de l’étude". Elle insiste, le numérique est un outil. Interrogée par ToutEduc, elle confirme que le ministère n'envisage pas la création d'un CAPES ni d'une discipline puisque "toutes les disciplines sont concernées". Il s'agit de "faire vivre les élèves dans le monde de demain", et d'améliorer les apprentissages. Elle rappelle que le plan "repose sur trois piliers solides et complémentaires : la formation, les ressources, et les équipements".
Sur ce dernier volet, "96 départements se sont engagés" et ont équipé les élèves de 1 668 collèges et de 1 817 écoles. Le Val-de-Marne se flatte d'équiper tous les élèves de ses 104 collèges publics et de ses 9 collèges privés sous contrat. Cette année, les élèves de 6ème reçoivent un portable hybride de Toshiba.
Des dizaines de milliers de ressources
En ce qui concerne la banque de ressources numériques (ici), elle donne accès à des "dizaines de milliers de ressources", certaines destinées à être utilisées ponctuellement, comme un appui dans un cours, ou à la maison, d'autres sont des cours "clés en main", proposés par un éditeur (un peu comme un chapitre d'un manuel), d'autres, insiste Axel Jean chargé de ce dossier au ministère, permettent de construire un parcours sur plusieurs semaines. L'enseignant pourra les modifier s'il souhaite par exemple substituer des exercices de sa fabrication à ceux qui sont proposés. Un tiers de l'ensemble des ressources a été mis en ligne le 22 août. Le 24 octobre, la moitié des ressources seront disponibles, la totalité le sera à la fin de l'année, à l'exception d'une partie des ressources pour l'allemand et l'espagnol, qui ne seront pas prêtes à temps et seront mises en ligne au mois d'avril.
En effet, ces ressources sont soumises à l'Education nationale qui ne les valide pas à proprement parler puisqu'elles sont publiées sous la responsabilité de leurs éditeurs, mais qui vérifie leur conformité à un cahier des charges qui souligne la nécessité d'allier une démarche pédagogique globale et un savoir-faire technologique, de façon que, de manière très fluide, les enseignants puissent choisir "les scénarios pédagogiques" qui leur conviennent. Comme le souligne la ministre, "le numérique est au service de l’enseignant, et non l’inverse" et sa "liberté pédagogique est respectée".
Individualiser les apprentissages
Ils permettent aussi d'individualiser les apprentissages; pour les élèves, le statut de l'erreur est modifié, ils peuvent recommencer un exercice avec d'autres données... Comme le précise Jean-Pierre Quignaux (Assemblée des départements de France), ce n'est pas l'animation, le caractère ludique du numérique qui contribue aux apprentissages, mais la possibilité pour l'élève de manipuler, et d'adopter un rythme lent.
A noter, les éditeurs, sélectionnés sur appel à projets, et financés par le ministère, restent propriétaires de leurs programmes qu'ils peuvent vendre à d'autres systèmes éducatifs. Les établissements français à l'étranger pourront leur servir utilement de vitrine.
Un moteur de recherche dédié à l'éducation
Par ailleurs, "le portail MYRIAE sera bientôt mis en place (...). Avec cet outil, nous inventons un moteur de recherche intelligent dédié à l’éducation", estime Najat Vallaud-Belkacem. Jean-Marc Merriaux (Canopé) ajoute qu'il permet d'identifier les ressources, celles qui se trouvent dans cette banque, mais aussi toutes les autres, qu'elles viennent d'éditeurs, d'institutions, ou d'enseignants, qu'elles soient gratuites ou payantes (voir ToutEduc ici).
En ce qui concerne la formation, la ministre rappelle les trois journées de l'an dernier, et ajoute que "cet effort se poursuivra cette année avec de nouveaux modules de 18 heures, et 30 modules de formation numérique". Elle assiste dans le collège à une session de formation d'enseignants de SVT qui seront ensuite chargés de former à leur tour leurs collègues. Sans disposer encore d'un bilan de la phase d'expérimentation dans 300 collèges, elle indique que les enseignants se sont emparés des outils mis à leur disposition "au-delà de nos espérances". Interrogés par ToutEduc, les professeurs de SVT estiment que certes, la préparation de cours avec ces outils représente un gros travail, mais qu'il s'agit d'un "investissement", puisque les tâches sont ensuite simplifiées. Ils font valoir aussi qu'ils ne sont plus limités par les murs de leur établissement, et peuvent échanger avec leurs collègues d'autres collèges.
Les pratiques des familles sont aussi concernées
Mais la ministre insiste aussi sur le rôle des familles. "Si le numérique change bien des choses au sein des salles de classe, cela fait aussi évoluer les pratiques en dehors de l’École (...) Quand vous regardez les statistiques de fréquentation des comptes parents mis en place dans certains établissements, les chiffres sont très élevés : il y a un accroissement considérable des usages numériques par les familles des élèves."
Elle précise pour ToutEduc qu'avec l'élévation générale du niveau, les parents sont de plus en plus à même d'assurer le suivi de leurs enfants et de plus en plus exigeants envers l'école. La ministre dit qu'ils sont "parfois des tyrans". La banque de ressources, avec ses exercices, fournit "une opportunité de pacifier" les relations. Quant aux parents les plus éloignés de l'école, et du numérique, il faut, avec les collectivités, leur offrir des formations, ce que fait le Val-de-Marne. "Ensemble nous créons des territoires numériques d’éducation." Un guide est d'ailleurs mis en ligne pour les aider et donne par exemple dix conseils clé pour accompagner son enfant sur internet (ici).
Les territoires ruraux
Najat Vallaud-Belkacem annonce d'ailleurs un appel à projet pour deux dispositifs nouveaux. "Le premier concerne les territoires ruraux, avec "un financement exceptionnel de 50 millions d'euros, pour donner un nouveau souffle au programme Écoles connectées". De plus, pour les établissements ruraux, une dotation supplémentaire plafonnée à 25 000 euros par collège pourra être accordée pour la mise à niveau du réseau d’infrastructures internes : "Au total, ce sont 25 M€ supplémentaires que nous mobilisons avec le soutien du Commissariat général aux investissements d’avenir (...)."
"Le second dispositif concerne le soutien à des démarches innovantes pour des collèges laboratoires". Dans un certain nombre d'établissement, l'équipement a été constitué au fur et à mesure des possibilités, et l'ensemble repose "sur des architectures techniques complexes". L'appel à projets "offrira de soutenir, à titre expérimental, des projets pilotes, élaborés en partenariat avec les collectivités, permettant par exemple d’offrir à ces établissements un hébergement dans un cloud sécurisé, sans avoir à réinvestir dans des infrastructures lourdes". Ce ne sont là que "deux dispositifs parmi d’autres du futur appel à projets 2017".
L'architecture du futur
Par ailleurs la Caisse des Dépôts lance, avec le ministère de l’Éducation nationale et les collectivités, "un appel à manifestation d’intérêt dédié à la transformation d’espaces dans les écoles, collèges et lycées". Le parc immobilier est vieillissant, et les nouvelles constructions devront prendre en compte les nouvelles pratiques pédagogiques tout en s'adaptant aux évolutions démographiques et énergétiques (le site ici)
Enfin, la ministre lancera demain 14 octobre la "Semaine européenne du code" ou "Code Week". "Du 15 au 23 octobre, enfants, jeunes, adultes, parents, enseignants, entrepreneurs et responsables politiques se réuniront dans toute l’Europe, dans des salles de classe, des bibliothèques ou lors d’événements pour apprendre à se servir de la programmation comme outil de création (...) L’an dernier, plus de 500 000 personnes ont participé à près de 8 000 événements organisés dans 46 pays en Europe et au-delà."