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Le Conseil d'Etat valide une décision discutable d'Affelnet (Analyse d'A. Legrand)

Paru dans Scolaire, Orientation le mercredi 12 octobre 2016.

Souvent contestée par des parents, la procédure Affelnet, mise en place par le ministère de l’Education nationale pour faciliter la gestion des affectations en lycée, devait fatalement se retrouver un jour devant les tribunaux. C’est chose faite avec une ordonnance en référé du Conseil d’Etat, rendue en appel le vendredi 7 octobre 2016, qui rejette le recours de deux parents mécontents.

A Lyon, deux lycées voisins desservent le même district : le lycée La Martinière Monplaisir comporte surtout des filières scientifiques et technologiques, tandis que le lycée Colbert est à dominante gestion : par application de la procédure Affelnet, une élève entrant en seconde, qui se destine à des études d’ingénieur, a pourtant été affectée dans le second de ces lycées, où l’option "sciences de l’ingénieur" n’est pas ouverte en classe de première, alors qu’elle l’est dans le premier. Invoquant une erreur dans la gestion de la procédure et la présentation de l’ordre des vœux, les parents ont saisi le juge des référés du TA de Lyon, en appui à leur requête sur le fond et ils ont demandé la suspension de la décision d’affectation. Ils réclamaient aussi une injonction visant à ce que l’inspecteur d’académie procède à l’inscription de leur fille au lycée La Martinière Monplaisir.

La TA a rejeté leur demande par ordonnance du 1er juillet 2016. Ils ont alors saisi le Conseil d’Etat qui rejette, à son tour, leur demande. Rappelant les deux conditions à remplir pour qu’une décision de suspension puisse être prise – l’urgence et l’existence d’un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée – le Conseil considère que la première n’est pas remplie en l’espèce.

Y avait-il urgence ?

Les requérants reprochaient à la décision du TA de ne pas avoir suffisamment motivé sa décision rejetant l’urgence. Le juge des référés de Lyon s’était en effet surtout interrogé sur la question de savoir si le refus d’affectation dans le lycée souhaité avait ou non le caractère d’une décision refusant un avantage dont l’attribution constitue un droit et il avait répondu à cette question par la négative. Or cette question n’avait aucune pertinence en l’espèce, dans la mesure où la réponse qu’on y apporte ne rentre pas parmi les motifs susceptibles d’être invoqués pour admettre ou écarter l’existence d’une situation d’urgence.

Mais, indique le Conseil, ce n’est pas sur ce motif que le juge de Lyon s’est fondé pour écarter l’urgence, mais sur d’autres. On peut simplement penser que la décision du Conseil aurait été plus convaincante, si elle avait précisé ces motifs, qui n’apparaissent pas clairement dans son ordonnance. Il se contente en effet d’une indication négative, en soulignant que le risque pour l’élève intéressée d’avoir à changer de lycée en fin de seconde, si elle persiste dans son projet professionnel, ne peut être regardé comme revêtant un caractère d’urgence au sens des textes.

Gérer des individus ou des masses ?

Et certes, la décision d’affectation en seconde n’a pas d’effets définitifs ; mais on se défend mal contre un certain sentiment de malaise devant les circonstances de cet arrêt. Car ce dossier avait, si j’ose dire "tout pour plaire". Voici des années que les autorités de l’Education nationale se lamentent devant la passivité des élèves et leur réclament un projet personnel. Il existait dans le cas présent. Voici des années que les autorités de l’Education nationale se lamentent devant la faiblesse du nombre de filles dans les filières scientifiques. On en tenait une. Et voilà qu’on l’inscrit dans un lycée à dominante gestion, qui lui impose un parcours tortueux allant directement à l’encontre des objectifs politiques qu’on prétend défendre.

L’informatique est bien sûr un outil qui facilite la gestion d’un système aussi lourd que celui de l’Education nationale et lui garantit généralement une efficacité réelle. Mais laisser les machines décider seules et souverainement de questions où des incidences individuelles délicates constituent la pierre de touche majeure ne parait pas constituer le parangon de l’administration idéale. Lorsque des conducteurs automobiles accordent une confiance exclusive aux indications de leur GPS et en oublient de prendre en considération les aspérités de la route ou les indications des panneaux qui la parsèment, ils renoncent à leur responsabilité individuelle et il peut arriver qu’ils s’engagent dans certaines voies à rebours de la circulation et provoquent des catastrophes routières. Et on en revient toujours à la question lancinante qui agite les analystes du système éducatif :quelle est la vocation exacte de l’Education nationale : gérer des masses indistinctes ? Ou des individus identifiés ?

Anddré Legrand

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