Adolescents : "Le jeu vidéo n’a pas tué l’ennui" (Marion Haza, Enfances & Psy)
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Culture le mercredi 24 août 2016.
"Le jeu vidéo n’a pas tué l’ennui, encore bien présent notamment chez les adolescents", constate Marion Haza, psychologue clinicienne et maître de conférences à l'université de Poitiers, également fondatrice et présidente de l’Association Arcad (Association de recherche clinique sur l’adolescence) et secrétaire générale du Cila (Collège international de l’adolescence).
"Malgré des activités chronophages, des temps morts existent encore chez les adolescents. Rivés sur leurs écrans, ils préservent des temps pour eux, temps de rêveries, donnant l’apparence d’une occupation", explique la chercheuse dans un article paru dans la revue Enfances & Psy (septembre 2016/2, n°70, dossier "Éloge de l'ennui").
Une sorte de protection
Face aux écrans et aux jeux vidéo, se dessinent plusieurs typologies d’ennui. Pour certains jeunes, les jeux vidéo permettent de lutter contre l'ennui et d’évacuer leurs problèmes pendant un moment. Ces jeux apparaissent "comme une sorte de protection, de compagnon, dans certains contextes de tumulte adolescent".
D'autres jeunes se lassent d'un jeu, mais continuent de jouer tout en s'ennuyant. D'autres enfin ont conscience qu'ils n'ont plus ni envie, ni plaisir à jouer, et le jeu devient secondaire face à de nouveaux désirs liés à la puberté.
Un ennui bénéfique ?
À travers ces jeux, Marion Haza évoque une stratégie "pour ne pas être dérangé, tel le lecteur rêveur, face au flou des lignes dansant sous ses yeux depuis de longues minutes". Et de préciser : "Le désintérêt de certains adultes pour le jeu vidéo, le respect de l’intimité de l’adolescent dans ses espaces numériques pour d’autres", permet aux adolescents de "préserver des temps et des espaces propres, dégagés des pressions et injonctions familiales, scolaires, sociales".
La chercheuse suggère même : "Finalement, est-ce qu’être penché sur son écran ne serait pas pour certains une sorte d’introspection et d’espace de fantaisie, d’ennui bénéfique pour le développement psychique ?"
« S’ennuyer... en jouant ? L’ennui face aux jeux vidéo chez les adolescents », Enfances & Psy, septembre 2016/2 (n°70), p. 92-100.
Diane Galbaud