Lycées professionnels : les élèves revendiquent un "droit à l'insouciance" (Céreq)
Paru dans Scolaire, Orientation le mercredi 06 juillet 2016.
Quel sens les lycéens professionnels donnent-ils à leurs expériences de formation et de travail ? C'est la question abordée par un rapport de recherche commandité et financé par la Depp, publié par le Céreq ce 6 juillet. Il s'appuie sur une enquête auprès d'élèves de 1re et terminale professionnelles dans cinq établissements. L'étude confirme tout d'abord l'origine populaire de ces jeunes. Néanmoins, elle signale la présence minoritaire d’élèves appartenant aux "catégories intermédiaires, voire favorisées".
Cependant, le fait le plus saillant reste "la forte diversité à l’intérieur même de la catégorie dite populaire, marquée par l'importance des élèves issus des franges les plus précarisées". Sur ce point, les auteurs précisent : "L’état de précarité dont souffre une partie non négligeable des lycéens est d’autant plus problématique que celui-ci est bien souvent pris en charge par les enseignants. Or, si ces derniers sont très certainement les mieux placés pour détecter les problèmes, ils n’ont ni les compétences des travailleurs sociaux ni le temps pour les prendre en charge."
L’existence de véritables ghettos scolaires
Sur la question du genre, l'étude relève l'absence de mixité, ce qui "a des répercussions importantes sur la socialisation des deux sexes, tant dans leur rapport à la formation, à l’établissement, qu’au travail". Elle remarque aussi "une quasi absence d’élèves 'occidentaux' pour certains établissements, suggérant l’existence de véritables ghettos scolaires".
En termes d'investissement scolaire des adolescents, c'est la capacité de l’enseignant à reconnaitre leur valeur qui s'avère déterminante : "Selon les élèves, plus que les mises en situation en stage, c’est l’élément essentiel à conserver dans leur formation". Les lycéens se disent notamment plus respectés qu’avant : 68% des jeunes qui ne se sentaient "pas respectés" par les enseignants de collège se déclarent "respectés" par ceux du lycée. "Très majoritairement, les lycéens décrivent des enseignants impliqués auxquels ils vouent une importante reconnaissance", résume le rapport.
Une impossible socialisation à un univers ouvrier
Quant aux stages, les expériences s'avèrent contrastées et fortement genrées : elles s'articulent autour de deux dimensions, celle de la "souffrance" comme celle du "plaisir". "Ce sont essentiellement les garçons qui relatent des expériences productrices de souffrance, récits mettant en exergue soit la pénibilité des situations de travail (récit souvent associé à la dégradation du corps de leur père) soit une impossible socialisation à un univers ouvrier et à la position du travailleur d’exécution", constatent les auteurs.
Les jeunes s'estiment en outre peu préparés aux situations rencontrées. Ils revendiquent "un droit à l’insouciance, alors qu’ils ont le sentiment que le lycée professionnel les conduit à grandir trop vite". Ces propos se rapportent notamment au choix du métier, ainsi qu'aux mises en situation ou aux stages. Par conséquent, le rapport préconise "une réflexion pour prendre en compte la question de l’adolescence en lycée professionnel". Il s'agit de reconnaître aux lycéens le droit à l’insouciance, "droit davantage accordé aux élèves de l’enseignement général". Car "l’injonction à devenir adulte peut conduire à des positions de retrait et de désenchantement, tant envers la formation, qu’envers le monde du travail et celui des adultes", préviennent les auteurs.
Le rapport "Du bien-être au sens de l’expérience des élèves et des enseignant.e.s de lycée professionnel" (Net.Doc n°162) est consultable ici
Diane Galbaud