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Base élève : une compétence exercée à l'échelon départemental (Conseil d'Etat, une analyse d'A. Legrand)

Paru dans Scolaire le mercredi 06 juillet 2016.

Le contentieux concernant la constitution des bases d’élèves continue. Un arrêt rendu par le Conseil d’Etat en date du 27 juin 2016 vient d’apporter une pierre supplémentaire à la construction des règles concernant le droit d’opposition des parents.

Un arrêté du 20 octobre 2008 généralise au sein du ministère de l’éducation nationale un traitement automatisé de données à caractère personnel, dénommé "Bases élèves premier degré (BE1D)", destiné à assurer à la fois la gestion administrative et pédagogiques des élèves et la gestion et le pilotage du système d’enseignement primaire. Ce texte faisait suite à la création, en 2006, d’une base nationale des identifiants élèves (BNIE), attribuant à chaque élève un numéro national d’identification pour permettre de le suivre tout au long de sa scolarité (devenue en 2012 le Répertoire National des Identifiants Elèves – RNIE).

Qui peut statuer sur le droit d'opposition ?

En principe, en vertu de l’article 38 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, toute personne a le droit de s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement. Cependant, s’agissant de la BE1D, l’article 9 de l’arrêté exclut la possibilité d’utiliser ce droit d’opposition. En juillet 2010, dans deux décisions concomitantes, le Conseil d’Etat a déclaré illégale cette disposition et rappelé que le droit d’opposition était susceptible d’être exercé pour les données centralisées au sein de la BNIE. Reste à savoir quelle autorité administrative est compétente pour statuer sur l’opposition : c’est à cette question que le Conseil d’Etat répond dans une décision du 27 juin 2016.

Une mère de famille s’est opposée en 2010 à l’enregistrement et à la conservation de données à caractère personnel concernant ses deux enfants, scolarisés dans le primaire à Paris ; elle ne souhaitait pas que soit enregistré le lieu de naissance de ses enfants. L’inspecteur d’académie ayant rejeté son opposition, elle a intenté un recours devant le TA de Paris, qui l’a rejeté. En revanche, la CAA de Paris a annulé le jugement du TA et elle a enjoint au ministre de statuer sur les oppositions de la requérante dans les trois mois. C’est cet arrêt que le Conseil d’Etat vient d’annuler pour erreur de droit dans sa décision du 27 juin 2016 précitée.

Pour la CAA, c'était le (la) ministre

La CCA avait estimé que ni l’inspecteur d’académie, ni le recteur n’avaient compétence pour décider en la matière : le fait que ce soit l’inspecteur d’académie qui ait rejeté l’opposition était donc, selon elle, constitutif d’une illégalité. Elle s’appuyait sur les dispositions d’un décret du 20 octobre 2005, pris pour l‘exécution de la loi de 1978, qui charge "le responsable du traitement" de répondre aux demandes d’opposition dans un délai de deux mois suivant leur réception. Or, selon l’article 3-I de la loi de 1978, le responsable d’un traitement de données à caractère personnel est en principe "la personne, l’autorité publique, le service ou l’organisme qui détermine ses finalités et ses moyens". En l’espèce, indiquait la Cour d'appel, le ministre de l’éducation nationale est le seul responsable de la BE1D et de la BNIE, puisqu’il en est à l’origine et que ces banques de données procèdent d’une politique exercée au niveau national.

Si le Conseil d’Etat suit la Cour sur cette définition, il ajoute cependant que ni la loi de 1978, ni le décret de 20015 ne font obstacle à ce que l’autorité responsable délègue sa compétence en la matière. Certes, indique-t-il, cette possibilité n’a pas été mentionnée explicitement dans l’arrêté créant la BE1D, ni dans la déclaration de création de la BNIE. Mais elle résulte des dispositions générales des articles R. 225-25 et 222-26 du code de l’éducation qui autorisent respectivement le recteur et l’inspecteur d’académie à prendre à leur échelon des décisions entrant dans le champ de compétences du ministre pour l’exercice des missions relatives au contenu et à l’organisation de l’action éducatrice.

Une compétence à l'échelon départemental

Compte tenu des finalités assignées aux bases de données et aux liens étroits qui les unissent à la conduite de l’action éducatrice, la compétence en matière d’exercice du droit d’opposition doit être regardée comme étant exercée à l’échelon départemental, conclut le Conseil d’Etat. Il annule donc la décision de la CAA et lui renvoie l’affaire pour nouvel examen. C’est à elle qu’il appartiendra en particulier de trancher la question de savoir si les motifs invoqués par la requérante présentent ou non un caractère "légitime" au sens de la loi de 1978, mais elle ne pourra plus dire que l'inspecteur d'académie est incompétent.

 

André Legrand

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