"Adopter de manière urgente un plan national d’action pour l’éducation à la sexualité" (rapport du HCE)
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Culture, Justice, Orientation le mercredi 15 juin 2016.
Le Haut conseil à l'égalité entre les hommes et les femmes a remis, hier 15 juin, à Marisol Touraine et Najat Vallaud-Belkacem son "rapport relatif à l'éducation à la sexualité" et il appelle "les pouvoirs publics à une relance claire de la politique d’éducation à la sexualité". Il plaide pour l'adoption, "de manière urgente", d'un "plan national d’action et de coordination interministérielle pour l’éducation à la sexualité". Il considère que "la construction pour les adolescent.e.s d’une sexualité choisie et libérée de certains risques (du risque de la grossesse ou des IST au risque des violences sexuelles) passe par une éducation à la sexualité qui met en avant une information claire et qui ne porte pas de jugement". Mais les enjeux d'une telle éducation, "respect des partenaires, prévention des violences sexuelles et liées à l’orientation sexuelle et le développement d’un esprit critique (...) ont longtemps été ignorés par les politiques". Or les jeunes "ne doivent pas être pris.e.s en otage par la panique morale d’une frange de la population". Le HCE cite notamment les JRE (journées de retrait de l'école) et "la manif pour tous".
Les constats sont sévères. En voici des exemples
"Les grossesses de mineures n’ont pas significativement évolué depuis plus de vingt ans". En 1990, 8 751 IVG concernaient une mineure et 5 357 grossesses étaient menées à terme par des mineures.
"L’influence de certaines conceptions des religions pèse particulièrement sur les jeunes femmes et représente un frein à l’éducation à la sexualité et à l’égalité (...). Les injonctions de 'respectabilité' s’incarnent notamment dans l’impératif que subissent certaines jeunes filles à rester vierges jusqu’au mariage. La 'perte de la virginité' étant limitée, de manière erronée, à une pénétration vaginale ou à la rupture de l’hymen, cette norme religieuse et sociale peut encourager des pratiques anales et orales non désirées, voire des opérations coûteuses et douloureuses telles que l’hyménoplastie."
"Une fille de 13 ans sur deux et une fille de 15 ans sur 4 ne sait pas qu’elle a un clitoris et 83 % des filles et 68 % des garçons de 3ème et de 4ème ne connaissent pas la fonction du clitoris."
"De nombreux sites Internet dédiés aux jeunes ou à leurs parents proposent une information sur la sexualité qui masque un discours moralisateur, voire sexiste et homophobe."
A noter qu'une première étude sur le cybersexisme est en cours de réalisation par l’Observatoire universitaire international Éducation et prévention de l’Espe de Créteil. "Les résultats sont attendus pour septembre 2016."
Le HCE fait 30 recommandations. Voici les principales
- Lancer une enquête nationale sur les comportements, les pratiques, les sources d’information et les représentations des jeunes en matière de sexualité
- Lancer une mission interministérielle IGEN/IGAENR/IGAS visant à dresser un état des lieux précis et territorialisé de la mise en oeuvre de la loi de 2001,
- Ajouter l’éducation à la sexualité aux missions des instances et structures de la politique sportive, de l’accueil collectif des mineurs, de la protection judiciaire de la jeunesse, les missions locales, les dispositifs de soutien à la parentalité, etc.
- Désigner dans chacune des 30 académies un.e délégué.e académique à l’éducation à l’égalité et l’éducation à la sexualité
- Rappeler, dans une note adressée à l’ensemble des chef.fe.s d’établissement, que la mise en oeuvre de l’éducation à la sexualité fait partie du pilotage d’un établissement.
- Veiller à l’intégration de l’éducation à la sexualité dans la formation initiale des personnels éducatifs (...)
- Faire de la formation aux outils du numérique un support d’enseignement pour aborder la question de l’éducation à la sexualité et développer cette dimension dans les plateformes d’éducation aux médias destinées aux enseignant.e.s (ex : www.lesite.tv).
- Penser les séances d’éducation à la sexualité pour une meilleure écoute des jeunes par (...) des séances en demi-groupe permettant d’aménager un temps en non-mixité (...) au moins une visite de terrain dans la structure d’information la plus proche (Planning Familial, CPEF, EICCF) entre la classe de 4ème et la classe de 2nde
- (organiser) la coordination des institutions, des financements et des intervenant.e.s par une coordination inter-institutionnelle au niveau régional assurée par la Direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS), l’Agence régionale de Santé (ARS) et le/les Rectorats ;
- Conditionner l’agrément des associations intervenant sur l’éducation à la sexualité à la signature d’une charte d’intervention (...)
- Diffuser systématiquement des outils d’éducation à la sexualité de référence (...) conçus et évalués de façon collégiale, notamment en associant des jeunes eux-mêmes
- Réfléchir à la constitution d’un réseau de parents d’élèves référents en matière d’éducation à la sexualité
- Amplifier la politique d’éducation à la sexualité menée par la Protection Judiciaire de la Jeunesse,
- Introduire un module sur l’éducation à la sexualité dans le cadre des formations dispensées aux personnels non qualifiés encadrant des dispositifs d’accueil des jeunes mineur.e.s et de loisirs (BAFA, BAFD…) ainsi qu’aux personnels suivant une formation professionnelle d’animation (BJEPS, DEJEPS, DUT animation sociale et socioculturelle…).
- Intégrer une sensibilisation à l’éducation à la sexualité dans le cadre de l’accompagnement collectif renforcé prévu par le dispositif "Garantie Jeunes"
- Introduire un module sur l’éducation à la sexualité dans le cadre de la formation des encadrant.e.s sportif.ve.s (...)
- Sur Internet : Faire reconnaitre les ressources existantes en matière d’éducation à la sexualité auprès des jeunes, en particulier le site www.onsexprime.fr de l’INPES (Santé Publique France) via une campagne d’information dans les établissements scolaires et les structures d’accueil jeunesse (...)
L'ensemble de ces propositions est détaillé en fonction de l'état des lieux et des ressources existantes dans le rapport (136 p.), téléchargeable ici