Archives » Recherches et publications

ToutEduc met à la disposition de tous les internautes certains articles récents, les tribunes, et tous les articles publiés depuis plus d'un an...

Enseignement professionnel : sortir des voeux pieux ou des hypocrisies (CNESCO)

Paru dans Scolaire, Orientation le mercredi 08 juin 2016.

Eviter toute pré-orientation, notamment en suspendant "les classes de 3ème préparatoires à l'enseignement professionnel", et "évaluer les expérimentations visant à repousser l'orientation vers le professionnel, le général et le technologique à la fin de la classe de seconde" avant de "généraliser le modèle le plus performant", ce sont deux des recommandations du CNESCO "pour améliorer l'orientation, les formations et l'insertion des jeunes de l'enseignement professionnel", ou, pour reprendre la formule de Nathalie Mons, la présidente du Conseil national d'évaluation du système scolaire, mettre fin au "sentiment d'impuissance" qui résulte de "la litanie des politiques" qui tous annoncent qu'ils vont revaloriser l'image de l'enseignement professionnel et développer l'apprentissage, sans succès. Elle présentait hier 7 juin à la presse les constats et les préconisations qui résultent de la "conférence de comparaisons internationales" organisées par le CNESCO et le CIEP les 19 et 20 mai (voir ToutEduc ici)

Cet enseignement est "mal aimé". Certes, "la réforme du baccalauréat professionnel semble avoir légèrement amélioré son image", mais "cette revalorisation se construit au détriment des diplômés de CAP". Il est également "mal connu" bien qu'il rassemble près de 40 % des jeunes scolarisés, 27 % dans les lycées professionnels, 11 % en apprentissage.

Les junior entreprises

Il connaît de "vraies réussites", notamment dans les secteurs de l'énergie, de la restauration, de l'alimentation, au point que les formations s'exportent. Nathalie Mons évoque aussi des "pédagogies innovantes" et cite l'exemple d'un "salon de beauté itiinérant" pour des formations à l'esthétique, ou le repérage d'élèves qui, dès la première, vont être préparés aux poursuites d'études, de façon à rejoindre une classe préparatoire, puis une grande école. Elle plaide pour une rénovation des lycées polyvalents, avec des modules communs aux élèves des différentes voies, générale, technologique et professionnelle, en sports ou en langues, mais aussi sur des projets qui pourraient réunir des compétences diverses, dans une "junior entreprise" par exemple.

Mais elle donne aussi des chiffres d'insertion professionnelle beaucoup plus faibles qu'attendus pour des formations qui visent à l'insertion. Dans les autres pays de l'OCDE, ils sont en moyenne plutôt supérieurs à ceux des formations générales, il sont de quelque 15 points inférieurs en France. "Sept mois après obtention d’un diplôme sous statut scolaire, 57 % des titulaires d’un CAP et 46 % des bacheliers professionnels sont au chômage" et elle souligne la "concentration des difficultés dans certaines filières", celles qui accueillent "davantage de filles, d’enfants issus de catégories sociales défavorisées et d’enfants d’immigrés", notamment commerce-vente, comptabilité-gestion, services à la personne et secrétariat-bureautique.

Les quotas ne suffisent pas

Les poursuites d'études font également problème. Si un tiers des jeunes issus de formations professionnelles continuent, le plus souvent en BTS, seuls 60 % d'entre eux obtiennent le diplôme. Fixer des quotas pour qu'ils soient accueillis dans ces filières ne suffit pas, ils doivent être accompagnés.

Autre difficulté, la pénurie d'enseignants liée à la "masterisation", une exigence difficile à remplir dans de nombreuses spécialités auxquelles l'université ne prépare pas. Le CNESCO propose que des professionnels yant au moins 5 ans d'expérience puissent, via la VAE et la formation continue, accéder à ce niveau "bac+5" pour être pleinement reconnus comme enseignants.

Des CPC qui obéïssent à des logiques autres

Mais la conférence du mois de mai a également pointé un problème de gouvernance. On compte une centaine de "bacs pro" et quelque 200 CAP. L'offre est pléthorique. Les CPC (commissions professionnelles consultatives) n'ont pas les moyens d'en revoir régulièrement les contenus, alors qu'au moins tous les cinq ans, ils devraient être réexaminés à la lumière des développements techniques et du marché du travail. Les représentants de l'Education nationale pensent aux élèves, mais aussi à la gestion des enseignants, qu'il faut former ou reconvertir quand on modifie les orientations, et les représentants des branches jouent le rôle de lobbyistes, chacune voulant avoir ses diplômes. Faut-il vraiment avoir deux diplômes, mécanique auto et mécanique agricole par exemple ? Au niveau local, les recteurs et les régions peuvent faire passer les questions de gestion du personnel et de maillage territorial avant l'intérêt des élèves... Là encore, une évaluation s'impose.

Au-delà, c'est à une réflexion beaucoup plus large que cette conférence de comparaisons internationales invite. Quel modèle voulons-nous ? En France, nous préférons garder les élèves sous statut scolaire, en Norvège et en Suède aussi, mais on s'assure qu'ils aient tous acquis les compétences d'un socle commun, et les retours en formation en sont facilités. En Grande-Bretagne, tous les élèves suivent un cursus général, et la formation professionnelle se fait dans l'entreprise. En Allemagne et en Suisse, on mise sur l'apprentissage, mais syndicats et patronat négocient l'élaboration de livrets qui décrivent très précisément ce que les élèves doivent apprendre lorsqu'ils sont dans l'entreprise.

Le rôle des chercheurs

Nathalie Mons a bien conscience que cet état des lieux et ces préconisations peuvent déranger, même si elle prend garde à leur "acceptabilité". Mais, affirme-t-elle, "c'est notre job de déranger" dans un pays "archaïque" où les politiques comme la technocratie peinent à prendre en compte les résultats de la science, et se méfient des universitaires et des chercheurs, convaincus qu'ils sont que leurs constats seront trop complexes pour aider à la décision.

Et un autre combat lui tient à coeur. Les classes de 3ème préparatoires à l'apprentissage accueillent quelque 5 % des élèves, 35 000 environ, dans des lycées professionnels qui sont mal équipés pour les recevoir, tandis que les collèges se débarrassent ainsi des "perturbateurs". Le ministère affirme vouloir la mixité sociale et scolaire, mais un arrêté du 2 février de eette année justifie ce dispositif en publiant des "volumes horaires" comparables à ceux des élèves des autres classes de 3ème. Personne ne se soucie des conditions réelles de la scolarité de ces élèves.

nt

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →