Le déclin de la présence des enfants dans les espaces publics lié à l'anxiété parentale (étude)
Paru dans Périscolaire, Culture le mercredi 01 juin 2016.
"Je suis toujours surpris par l’attention que l’on accorde à nos enfants, beaucoup plus grande en qualité et en quantité que celle que nous-mêmes avons reçue de la part de nos parents", témoigne un père italien, dans le cadre d'une étude de Clément Rivière, docteur en sociologie, sur "Le déclin de la présence des enfants dans les espaces publics au prisme des souvenirs des parents d'aujourd'hui", publiée dans le dernier numéro des Annales de la recherche urbaine, daté de mars.
S'appuyant sur une enquête par entretiens conduite à Paris et Milan, le chercheur analyse la perception qu'ont les parents de la place des enfants dans la ville, au regard de leur double expérience d'enfant puis de parent. Évoquant leur enfance, les parents se souviennent d'un quotidien articulé "autour de l’école, du domicile et d’activités ludiques informelles de plein-air". Leurs enfants, eux, voit leur vie "davantage rythmée par les activités extrascolaires et à une organisation plus rationalisée". Cette nouvelle approche demanderait aux parents plus de temps et d’énergie et ferait peser sur leurs épaules des responsabilités accrues.
Moins d'autonomie et plus d'anxiété parentale
"La norme dominante tend désormais à définir comme un 'mauvais' parent celui qui se désintéresse des faits et gestes de ses enfants dans les espaces publics", constate Clément Rivière. Conséquence, les enfants y seraient moins présents de manière autonome. "La 'normalité' de l’autonomie tend à s’effacer au profit de l’anxiété parentale", souligne le chercheur. Une anxiété à relier "aux considérations relatives à l’augmentation du risque d’accident de la circulation et à la nouveauté perçue du risque pédophile", véhiculées par les médias. Un père issu de la région parisienne relate : "Le fait d’être constamment abreuvés de faits divers, toujours plus ou moins morbides et effrayants les uns que les autres, fait qu’il y a une espèce de peur inconsciente qui s’insinue, et qu’on laisse moins facilement les enfants sortir dehors que ça ne se produisait auparavant".
Résultat, "le processus de prise d’autonomie urbaine est donc au pire perçu comme incontestablement plus dangereux, au mieux comme comparable, mais pollué par un récit envahissant et inquiétant", estime Clément Rivière. Une mère italienne confie à ce sujet : "Parfois je me demande comment ma mère faisait pour ne pas s’inquiéter, ou en tout cas pour nous laisser autant de liberté. Et en fait, quand je discute avec mes amis et amies, je me rends compte que c’était la même chose pour la plupart d’entre nous". Résultat, de nombreux parents expriment de la nostalgie quant à leur propre enfance, ayant le sentiment que l'exercice de l’encadrement parental y était alors moins exigeant...
L'étude est consultable ici
Diane Galbaud