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"La rénovation de la voie professionnelle risque d'enfermer les élèves dans un rapport instrumentaliste aux savoirs". (Entretien avec Aziz Jellab, sociologue)

Paru dans Scolaire, Orientation le mercredi 23 décembre 2009.

Aziz Jellab (sociologue, Lille-III) réagit pour ToutEduc à certains points non résolus par la rénovation du BAC Pro.

Sur l'absentéisme en lycée professionnel: "Le problème de l'absentéisme en LP est avant tout un problème d'orientation. Souvent, les élèves n'ont pas pris une part active à leur orientation en fin de 3ème. La réforme du LP ne changera la donne qu'en fonction de la manière dont les collèges assureront la transition en LP".

Sur les passerelles prévues entre CAP et Bac Pro: "Le CAP a été originellement disqualifié avec la création du BEP. Cette disqualification risque de s'accroître avec la création de passerelles entre le Bac Pro et le CAP, qui assimile en quelques sortes le CAP à une filière de remédiation pour les élèves en situation d'échec. On aurait pu imaginer que le CAP soit intégré dans le Bac Pro en trois ans.

Sur la proposition d'un suivi des équipes pédagogiques: "L'accompagnement n'est pas envisagé sur la durée par le Ministère. Or, une véritable réflexion sur les pratiques pédagogiques doit être menée sur le long terme, sous peine que les enseignants se sentent abandonnés."

Sur l'autonomie du lycée: "Les enseignants réclament un référentiel national pour garantir la reconnaissance des diplômes passés par leurs élèves. Il peut sembler paradoxal de réclamer d'un côté l'autonomie, de l'autre un référentiel commun, mais c'est une manière pour les établissements de garantir l'homogénéité du savoir transmis, et ainsi le principe de l'égalité des chances entre les élèves."

Sur la formation des professeurs de LP: "La réforme de la formation des professeurs est très préoccupante. L'université ne dispose pas de formateurs pour guider les futurs professeurs de LP. Par ailleurs, la réforme ne met aucunement en avant la nécessité d'une formation des enseignants à la connaissance des milieux professionnels. Or, c'est fondamental."

Sur l'orientation en LP en fin de troisième: "Le Ministère réduit les postes de conseillers d'orientation. Or, le public susceptible de s'orienter en Bac Pro est certainement celui qui nécessite de recevoir le plus d'informations sur les débouchés professionnels. Au final, en LP certains élèves font des stages sans même savoir quels en seront les débouchés. La mise en place d'une seconde indifférenciée aurait pu permettre aux élèves de découvrir des champs professionnels et de se déterminer ensuite."

Sur les passerelles prévues entre BAC Pro et BAC techno: "Le Bac techno est devenu dans les années 60 une voie de préparation aux BTS/DUT. Si le BAC Pro est confirmé lui aussi dans sa préparation au supérieur, il risque d'y avoir doublon. Peut-être le BAC techno finira-t-il pas se fondre dans le Bac S, sous forme d'options: Option génie mécanique, électronique etc.?

Sur les tenants idéologiques de la réforme de la voie professionnelle: "Le drame des élèves scolarisés en lycées professionnels, c'est que bien souvent leur parcours scolaire a été conflictuel et que la voie professionnelle leur a permis de reconstruire une identité sociale positive. Pour autant, les lendemains ont parfois le goût amer du désenchantement. C'est tout l'écueil du système  Pôle-Emploi. Baser la réforme du Bac Pro sur une politique adéquationniste reliant les besoins en main d'œuvre du marché et les formations dispensées peut apparaître comme une alternative aux désillusions de cette jeunesse. Mais ce raisonnement pose la question de la mission du système scolaire. Quelle place doit-on donner, par exemple, à la culture dans la formation en LP, au musée, au théâtre? Peut-on se contenter de délivrer un savoir "light" à ces jeunes? Les élèves de LP que j'ai rencontrés au cours de mes enquêtes déclarent d'eux-mêmes que les enseignements qu'ils reçoivent sont des 'résumés'. Je crois qu'ils sont sensibles à l'exigence intellectuelle, même quand ils disent 'ça c'est trop abstrait'. Le risque de la réforme est de les enfermer dans un rapport instrumentaliste à l'éducation."  

Aziz Jellab est l'auteur notamment de Sociologie du lycée professionnel. L’expérience des élèves et des enseignants dans une institution en mutation (2009).

 

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